Joseph Kessel est bien seul au moment où il s'apprête à rédiger la biographie de cette icône transcontinentale. Sa principale préoccupation n'est pas tant d'alimenter son récit, la vie qu'a menée
Jean Mermoz est tellement aventureuse que la matière abonde, mais plutôt de ne pas ternir son image par la divulgation de rapports qui pourraient prêter à confusion. Pour se prémunir de ce danger, en bon journaliste qu'il est,
Joseph Kessel va rester factuel et évitera toute analyse ou interprétation hasardeuse. Il éludera également les relations que
Mermoz amorcera avec la sphère politique, préférant appuyer sur la ferveur populaire, le magnétisme physique et la fougue inamovible du personnage. A force d'exploits et de victoires face au déchainement sans fin des éléments (les orages, siroccos et les ouragans le suivent dans tous ses déplacements, tout juste si nous n'assistons pas à une tempête tropicale à Toulouse) et de sauvetages in-extremis des impitoyables Maures ou autres indigènes mal intentionnés, on finit par croire à la nature divine de
Mermoz.
Mais dans ce tumulte un peu morbide, l'auteur élude un peu le courage et le dévouement inconditionnel
des hommes qui l'ont entourés, lui qui faisait autant cas des valeurs d'amitié et de fraternité. Il a imaginé la ligne, a construit l'aérodrome en Argentine, a choisi les itinéraires, a transporté le courrier, diriger ses hommes, s'est battu contre les technocrates et tout ça dans la plus parfaite solitude. C'est le commun des grands hommes : être tellement haut que plus rien ne semble pouvoir les toucher réellement.
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