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Critique de Ziliz


Ziliz
23 septembre 2014
Une fille comme les autres. Des garçons comme les autres. Une mère comme les autres - non, pardon, mieux que les autres, elle est vraiment sympa. Une bande normale de pré-ados : blagues potaches, curiosité et discussions sur l'anatomie féminine et la sexualité, quelques jeux et défis idiots mais classiques pour cet âge et à cette époque. Bref, rien à signaler de suspect dans cette petite ville américaine des années 50. Jusqu'à ce que deux jeunes orphelines soient "accueillies" chez Ruth - vous savez, cette mère que tous les enfants trouvent formidable. Là ça dérape et dégringole à une allure vertigineuse. L'enfer sur terre pour deux jeunes filles, pendant plusieurs semaines, et des diables à allure humaine. < spoil >

Jack Ketchum a ce genre de plume vive et simple qui séduit d'emblée. La toute première phrase « Vous pensez connaître la douleur ? » interpelle le lecteur, pique sa curiosité, le fait entrer dans le décor. On veut savoir. Et c'est un plaisir de suivre David (le narrateur de douze ans) et ses copains. le plaisir ne dure pas longtemps, il fait place à l'incrédulité puis au dégoût, à la colère, à la haine. Au secours, laissez-moi descendre ! Mais comme David, on reste, pris dans le tourbillon du manège en marche, de plus en plus horrifié, de plus en plus nauséeux, on a envie de hurler de rage pour qu'il s'arrête. Parce qu'un manège ça finit toujours par s'arrêter, non ? Ça peut aussi s'emballer et éjecter tout le monde, il ne reste alors que des miettes... Est-ce pour cette raison (parce qu'on garde espoir) qu'on reste jusqu'au bout alors qu'on ne supporte plus ? J'ai ressenti ce même malaise à la lecture de 'Purgatoire des innocents' (Giebel) - j'ai abandonné. Même malaise aussi en regardant le film 'Harry, un ami qui vous veut du bien' - j'ai pris mes distances, me convaincant de je ne sais quoi pour tenir, partagée entre l'envie de hurler d'horreur et celle de rire nerveusement 'C'est bon, arrêtez le délire, ça devient grotesque'.
La postface de l'auteur m'a légèrement calmée. Mais son argument 'C'est une histoire vraie' ne me suffit pas. Trop facile de dire ça, c'est avant tout sa version qu'il nous présente, ses interprétations autour d'un fait. Trop facile aussi de prétendre - via la voix du narrateur - que certaines descriptions nous sont épargnées (ah bon ? quelle limite se fixe-t-il dans ce qui est montrable au lecteur ?). 'Rafael derniers jours' (G. Mcdonald) est un récit moralement violent mais pudique et sobre. L'horreur n'est pas dans ce qui est montré. Pas besoin de balancer tant de coups, de sang et de hurlements pour rendre compte de l'étendue de la cruauté et de la folie humaines, comme ici, dans ce récit insoutenable - et racoleur ?

Le seul mérite à mes yeux : la sévérité de Ruth et les réactions de Meg (avant la dégringolade infernale) invitent à réfléchir sur l'éducation, la discipline, la soumission. Comment prétend-on élever un enfant et lui "apprendre la vie" ? Il doit obéir, plier. Par quels moyens ? Fermeté, douceur, dialogue. Mais s'il se rebiffe et ne veut rien entendre ? Carotte et bâton ? Action-réaction ? Quid de sa liberté de dire "non" ?
Je préfère continuer à cogiter là-dessus en refermant l'ouvrage et oublier le cauchemar.
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