Le jardin d'hiver

Sam ne faisait plus confiance aux mots depuis bien longtemps. Trop de personnes les articulaient vainement, les dénaturant quand elles ne les reléguaient pas au statut de coquilles vides.

"Une fois sortis de cette vie passagère, je veux que nous soyons entrelacés pendant l'éternité ; ne former qu'un seul être, ma bouche collée à ta bouche."

Anéantir une espérance n’était ni facile ni agréable.

L’inconvénient de ce genre de véhicules était bien souvent leurs vitres teintées. En l’occurrence, celles de la limousine interdisaient aux personnes extérieures de savoir qui occupait l’habitacle, mais empêchaient aussi aux passagers de voir l’extérieur. Ajoutez à cela que les voyageurs étaient totalement coupés du chauffeur et vous aviez l’impression de voyager dans un sarcophage.

La jeune femme avait une sainte horreur des personnes abusant de leur statut social pour écraser ceux sollicitant un service ou quoi que ce soit de leur haute bienveillance…

Un être était pourtant en mesure de l’aider. Un seul. Il persistait à demeurer introuvable.
Ce n’était pas faute d’avoir mis en œuvre tout ce qu’il était humainement possible pour lui mettre la main dessus. Et même ce qui ne l’était pas. Il fallait au moins cela. Le pire, le plus difficile à endurer pour Sam était de savoir – et ce verbe n’était pas innocent – que son remède était là, quelque part, entre les mains de l’un des sept milliards d’individus peuplant la Terre. État de fait donnant tout son sens à l’expression « chercher une aiguille dans une meule de foin ».

Esquiver le baiser de cet homme prodigieusement attirant serait assurément s’exposer à une frustration intense. Y consentir reviendrait à renier tous ses principes.

La nature regorgeait de créatures splendides affreusement venimeuses, de plantes magnifiques extraordinairement vénéneuses, de beautés dangereuses…

Se maîtriser lui avait demandé un effort surhumain réquisitionnant toute son énergie et même de lutter contre sa propre volonté lui intimant l’ordre de l’approcher, la séduire et surtout ne jamais la laisser partir. Jamais !
Cela avait été compter sans cette faim dévorante qui avait enflammé ses veines, qui l’avait presque submergé. La bête sommeillant en lui depuis si longtemps s’était instantanément réveillée. Alléchée, affamée, elle n’avait pas voulu se laisser dompter, avait bataillé contre ses chaînes et contre lui. Seule l’assurance de meurtrir la jeune femme si elle se libérait maintenant, ou trop tôt, l’avait incité à renoncer, mais de mauvais gré

Un seul homme ne peut pas réunir autant de travers, ne peut receler en lui autant de haine contre tout et tout le monde.