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Critique de belette2911


"C'était la nuit que le vent se mettait à hurler autour de l'aile ouest de l'hôtel. Il détestait tout particulièrement les nuits - elles étaient pires que tout".

Danny Torrance avait peut-être le Don de réveiller les forces obscures tapies dans l'hôtel Overlook, mais Stephen King a toujours eu le Don de réveiller mes vieilles peurs et de me coller des frissons avec des choses simples ou des scénarios qui, a priori, pourraient nous paraître éculés.

Si j'avais délaissé cette oeuvre majeure du King lorsque j'étais plus jeune, c'était parce que j'avais peur d'avoir peur... Oui, ce livre me fichait la trouille !

Un hôtel isolé, bloqué durant des mois par la neige, Jack Nicholson-Torrance, une hache à la main, sa tête de psychopathe fou et voilà...

"Il alla vers la planche à hacher et saisit le manche du maillet. Il le leva et le fit tournoyer. le maillet faucha l'air avec un sifflement menaçant. Jack Torrance se mit à sourire".

C'est la publication de "Docteur Sleep" qui m'a poussé à enfin sortir "Shining" de ma pile afin de me plonger dedans. J'avoue que j'en frissonne encore et ce n'est pas à cause de la neige ou du froid. Et je pense que je n'ai pas été la seule à avoir la trouille durant ma lecture !

"Il eut l'impression que ses testicules se transformaient en deux petites bourses ridées, pleine de glace pilée, et ses tripes en gélatine".

L'histoire, je la connaissais, en gros, mais le détail fut encore plus terrifiant, angoissant... Et le King, malgré une écriture assez "simple", possède un véritable talent de conteur pour nous conter son histoire qui nous entraîne petit à petit dans l'horreur, avec un vieil hôtel dans les personnages principaux. Il est temps de compter vos abattis !

Parlons un peu de ce personnage pour le moins inhabituel... Construit en 1907, l'Overlook est un somptueux hôtel des Montagnes Rocheuses qui a changé de nombreuses fois de propriétaires, passant dans de mauvaises mains. Bref, c'est un hôtel qui a un passé pour le moins "agité" et surtout particulièrement sanglant : suicides et meurtres. Quand au précédent gardien, il a massacré sa femme et ses deux filles...

Certaines personnes exceptionnelles possédant le Don peuvent se retrouver, malgré elles, témoins de ce passé sanglant sous la forme de visions, d'apparitions, de fantômes,... Ce qui fut le cas pour Dick Hallorann, cuisinier et d'une femme de chambre. Ce sera pareil pour le tout jeune Danny "Prof" Torrance.

La femme qui gisait dans la baignoire était morte depuis longtemps. Elle était toute gonflée et violacée et son ventre, ballonné par les gaz et ourlé de glace, émergeait de l'eau gelée comme une île de chairs livides. Elle fixait sur Danny des yeux vitreux, exorbités comme des billes.

Un hôtel isolé qui semble doué d'une conscience autonome et foncièrement malfaisante... Fallait penser à l'écrire et le cauchemar que le King eu en 1974, dans la chambre 217 d'un hôtel où sa famille était les seuls clients, n'y est pas étranger.

Y'a pas à dire, Stephen King sait vous terrifier uniquement avec des ambiances angoissantes, des vieux ascenseurs, des tuyaux d'incendie et des buissons de buis représentant des animaux.

Au cours du roman, j'ai ressenti des frissons d'angoisse avec ce foutu hôtel qui avait lancé une véritable OPA de séduction sur Jack, ne sachant pas s'accaparer de l'esprit de Danny, qui lui, faisait de la résistance. Brrrr, oui, j'ai eu peur.

Ce livre, c'est une écriture qui fait mouche, du suspense, de l'angoisse, des temps fort, un huis-clos oppressant... le tout distillé goutte à goutte.

Le fait d'attendre aussi longtemps pour découvrir ce roman fut une bonne chose parce que cela fait peu de temps que j'ai appris que le King était dépendant à l'alcool lorsqu'il a écrit ce livre, tout comme son personnage, Jack Torrance. Cela confère au récit une force bien plus grande que s'il avait été écrit par un auteur sobre comme un moineau.

L'auteur savait très bien ce que Jack pouvait ressentir lorsqu'il se retrouve sans alcool, essayant tant bien que mal de s'en sortir; comme il savait bien l'état d'esprit que son personnage pouvait avoir lorsqu'il cédait aux chants des sirènes pur malt.

Si Stephen King détesta l'adaptation de Kubrick c'est parce qu'il lui reprochait d'avoir négligé les thèmes de la désintégration de la famille et de l'alcoolisme qu'il traitait dans ce livre avec une sacrée justesse.

Autre chose, si dans le film, Jack Nicholson/Torrance cédait assez vite à la psychopathie ambiante, sombrant rapidement du côté obscur de l'hôtel, il n'en est pas de même dans le livre où l'auteur prend le temps de le faire sombrer dans le déchéance. On voit Jack changer petit à petit et on tremble pour sa famille.

C'est ce qui donne tout le sel au récit : pas de précipitation ! L'Overlook infiltre l'esprit et les veines de Jack avec lenteur, prenant possession de lui, petit à petit, mais pas à 100% puisque Jack réussira tout de même à avoir quelques moments de lucidité, dont un fort important pour mettre en garde son fils : la marionnette a eu un sursaut de résistance...

Puisque je viens de vous parler de Jack, je vais m'attarder sur les autres personnages : il est un fait que certains sont plus attachants que d'autres et j'ai ressenti une tendresse particulière pour le petit Danny, 5 ans, qui va devoir faire face à des écueils dont il n'est pas préparé, ainsi que sa mère qui doit le protéger et pour le cuisinier, Hallorann, qui a le Don lui aussi.

Si le petit Danny a le rôle phare (normal pour un enfant lumière), si l'hôtel Overlook a un rôle central, si le cuisinier Dick Hallorann aura son importance, si Wendy, la mère de Danny joue son rôle de protectrice du mieux quelle peut, Jack Torrance est la pièce maîtresse du roman.

Voilà un autre point que j'ai apprécié dans "Shining" : l'évolution de Jack Torrance. Au départ, ce n'est qu'un pitoyable poivrot, un pilier de comptoir. Un homme au caractère versatile, changeant d'avis comme les vapeurs d'alcool changent sous la direction du vent. Comme toujours, c'est le même combat : il veut arrêter de boire, mais il veut le faire sans aide aucune, uniquement par sa seule volonté, ce qui est quasiment impossible.

Bref, pas un personnage que l'on a envie d'aimer. Pourtant, lorsque King nous parle de lui, nous faisant découvrir dans le récit ce que fut sa vie, sa jeunesse, nous parlant de ses ambitions perdues, de son père violent, de l'amour qu'il ressent pour son fils, Danny, et bien, mon regard a changé et j'ai commencé à ressentir de l'empathie pour lui.

Il n'est pas coupable de tout... L'hôtel a pris possession de lui et il n'est plus qu'un pantin dans les mains d'un marionnettiste plus fort que lui.

Un autre point que j'ai bien aimé : dans les dernières pages, lorsque tout est consommé et consumé, l'auteur nous montre que l'Overlook peut avoir une influence maléfique, diabolique, même sur les gens les plus purs... Achevant de me convaincre, par là-même, que Jack n'avait pas la capacité de résister et qu'il ne fut qu'une marionnette pour l'hôtel.

La télépathie, le combat de l'écrivain contre la page blanche, la famille, la solitude, le passé, la dépendance à l'alcool... sont des thèmes qui, dans ce roman, sont exploités avec une rare justesse.

Merci, Stephen, de m'avoir, une fois de plus, donné une excellente histoire bien frissonnante avec des personnages forts ! Si un jour je te croise, je pourrais te dire que ta littérature a marqué ma vie, avec celle de Conan Doyle (mais lui, je risque moins d'avoir l'opportunité de le croiser).

PS : j'ai tellement été perturbée par ce livre que j'avais publié ma critique de "Shining" dans "Docteur Sleep"... Oups !!!

Lien : http://thecanniballecteur.wo..
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