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Critique de HundredDreams


Stephen King est un auteur touche à touche, même si on le classe souvent dans le registre de l'horreur, à tort maintenant que je découvre la diversité de ses romans.
Pour aller à sa rencontre, j'ai choisi un genre qui me plaît, l'uchronie, et j'ai été séduite par les effets papillons de « 22/11/63 ». J'ai poursuivi avec « Joyland », plutôt classé dans le fantastique et le paranormal, et à nouveau, j'ai été conquise par le style simple et efficace de l'auteur, par ses personnages tendres et touchants, par cette tension qui s'installe progressivement, au fil des pages.

Ne dit-on pas : Jamais deux sans trois.
En sortant de ma zone de confort, j'attendais beaucoup de ce troisième roman, le registre de l'horreur ou du thriller surnaturel ne m'attirant pas plus que ça. Mais, à nouveau, Stephen King a su, par son talent naturel de conteur, m'embarquer dès les toutes premières pages.

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Publié en 1983, « Simetierre » se déroule dans une petite ville du Maine, Ludlow.
Le docteur Louis Creed et sa famille emménagent dans une maison ancienne proche d'une route rendue dangereuse par le passage incessant de poids lourds.
La famille Creed fait la connaissance de leurs voisins, Jud Crandall et sa femme Norma. le vieil homme est avenant, sympathique, loquace et très vite, il leur montre un chemin derrière la maison qui s'enfonce dans la forêt et mène à une vieille nécropole pour animaux entretenue par les enfants des environs qui y ont enterré leurs animaux de compagnie. Cet endroit au nom mal orthographié jouxte l'ancien cimetière indien des Micmacs. Il se raconte beaucoup de choses sur cet endroit considéré comme un lieu magique pour certains, maléfique et maudit pour d'autres.

« … ce lieu prend possession de vous… vous vous inventez des raisons… qui paraissent solides… mais ce qui vous pousse vraiment à faire ça, c'est qu'une fois que vous avez été là-haut, vous vous appropriez l'endroit et vous devenez sa chose du même coup… vous vous trouvez les meilleures raisons du monde… »

Me voyez-vous venir entre cette route particulièrement dangereuse et ce cimetière obscur et dit-on malfaisant ?
Un jour, Louis retrouve leur chat Church, mort, percuté par un camion. Et pour ne pas faire de peine à sa fille, il va l'enterrer en douce dans le petit cimetière malgré les avertissements de Jud Crandall sur les conséquences de ramener les morts à la vie.

« En dépit de tout, elle était mortellement attirante, cette idée. Belle, noire, avec un beau lustre morbide. »

Et bien, à la grande surprise de Louis qui ne croit pas à toutes ces histoires de revenants, l'animal va ressusciter et revenir chez lui. Bien vivant, ou presque.

« D'une main douce, il fouilla dans le collier de fourrure épaisse qui entourait le cou de l'animal en se remémorant cette tête molle qui pendait lamentablement sur sa nuque brisée le soir précédent. À présent, ses doigts ne trouvaient plus à cet endroit que du muscle solide, du tendon bien dur. Il souleva l'animal et il examina son museau avec soin. Aussitôt, il laissa tomber Church sur le gazon, ferma les yeux et se plaqua une main dessus. Un vertige brutal faisait tourner, danser l'univers entier devant lui. »

En effet, Church n'est plus tout à fait le même : son odeur terreuse et nauséabonde, son regard insolent et malaisant, son instinct de chasseur exacerbé, tout chez Church dérange.
Est-ce l'intuition, l'instinct ? Toujours est-il que son attitude étrange est franchement inquiétante. le rejet de Louis est immédiat, violent, viscéral.

L'histoire ne s'arrête bien sûr pas là, ce n'est que le tout début…

« Dans la vie, c'est souvent comme ça, ... Si tu restes dans le droit chemin, tout ira bien. Mais si jamais tu t'en écartes, à moins d'avoir beaucoup de chance, tu t'égareras fatalement. »

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Comme beaucoup des romans de Stephen King, « Simetierre » est un pavé de 600 pages environ.
Le format est idéal car l'auteur aime prendre son temps pour installer ses décors et ses personnages, implanter une petite tension et du mystère, ce que j'apprécie particulièrement chez cet auteur. J'y trouve en cela une forme de générosité.

Ainsi, l'histoire se construit par petites touches, lentement, dans une ambiance réaliste, intimiste et chaleureuse.
La famille Creed est très sympathique, l'auteur a l'art de nous attacher immédiatement à eux : Louis et Rachel, les parents ; Ellie et Gage les deux enfants. Il décrit avec précision et justesse leur personnalité à travers leurs pensées, leurs doutes, leurs inquiétudes, leurs sentiments.

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La qualité de la narration est excellente, le ton est juste et mesuré, sensible et émouvant. L'auteur ne cherche pas à nous impressionner par des descriptions écoeurantes, sordides ou tapageuses. Bien au contraire, la violence est latente, elle est dans l'atmosphère qui s'assombrit de plus en plus, dans les mots très photogéniques qui inscrivent des images dans l'esprit du lecteur.

L'écriture est très visuelle, immersive. Je peux vous certifier que je vois dans ma tête la grande maison des Creed près de cette route passante et meurtrière qui paraît presque démoniaque, le sentier qui pénètre dans la forêt jusqu'au cimetière habité d'une présence évanescente, angoissante, malveillante.

J'ai aimé me retrouver comme un funambule, oscillant sur une corde au-dessus d'un abîme entre croyances magiques et légendes indiennes, désespoir et folie, magie et cauchemar. Et très honnêtement, je n'ai pas eu vraiment peur, ce qui m'allait très bien, je ne vous le cache pas.

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Les thèmes abordés sont multiples, la famille et le couple, l'idée de la mort et la folie, le deuil et la perte, le refus d'accepter la mort.

Stephen King déploie une superbe palette d'émotions. Entre horreur et compassion, peur et fascination, chagrin et douleur, je n'ai eu qu'une seule envie, c'est de savoir comment Louis allait s'en sortir. En effet, on est souvent dans les pensées de Louis Creed et son regard de médecin plutôt posé et réfléchi va lentement évoluer.
Le dernier quart du roman est addictif, le suspense monte crescendo et m'a laissée pantoise tellement je m'attendais peu à cette fin.

Un dernier petit mot pour le narrateur de ce roman. En effet, j'ai lu ce roman en audio et j'ai trouvé Julien Chatelet excellent. Assez pour avoir envie de poursuivre en l'écoutant sur un autre roman de Stephen King, « Conte de fées ».

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Encore une fois, je ne peux qu'admirer Stephen King pour son sens du détail et son incroyable talent de conteur. J'ai été captivée d'un bout à l'autre.
Beaucoup de lecteurs lui reprochent la longueur de ses romans. Pourtant, je trouve que cela lui permet d'offrir des personnages bien incarnés, de proposer un scénario parfaitement construit et efficace, d'introduire une ambiance mouvante, évolutive qui offre une belle gamme chromatique d'émotions sans pour autant avoir recours à l'hémoglobine et la surenchère.

A découvrir si vous voulez vous faire peur, mais pas trop.

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J'en profite pour remercier chaleureusement Nicola (@NicolaK) et Doriane (@Yaena) pour leurs conseils avisés.
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