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Critique de Takalirsa


Une intrigue noyée dans la psychologie des personnages et des détails inutiles.
L'histoire de ce roman ressemble « à un sort jeté par une sorcière dans un conte de fées », en l'occurrence « La Belle au bois dormant ». Evie, la seule femme capable de s'endormir et de se réveiller sans être enveloppée d'un cocon est un être surnaturel (certes un peu inquiétant) doté de pouvoirs – elle est télépathe et commande à une armée de rats comme le joueur de flûte de Hamelin. Comme dans tout conte, d'autres animaux interviennent tels que le renard (sorte d'émissaire à la manière de celui du Petit Prince) et le tigre blanc, tandis que le serpent, associé à un « arbre fabuleux » évoque sans conteste le célèbre épisode de la Bible. Rien de très original donc, les allusions sont même un peu grossières et donnent au récit une dimension onirique étrange qui ne semble rien y apporter.

En réalité tout le roman est comme ça : creux. Pendant des centaines de pages, les hommes constatent, impuissants, l'endormissement de leurs femmes et de leurs filles, tandis que celles-ci luttent en vain contre le phénomène. Les personnages sont très nombreux, et l'intrigue est diluée dans leurs petites histoires personnelles sans que cela ait un quelconque intérêt. On se demande même s'il existe une intrigue, parce qu'en réalité il ne se passe pas grand chose dans ce « monde devenu fou » aux allures apocalyptiques. La 2e partie, révélant ce que sont devenues les femmes endormies, relancent l'intérêt. Et puis à nouveau on se perd dans le futile, les scènes se répètent et l'action ne fait aucunement avancer la résolution du mystère.

Ce qui m'a fait poursuivre ma lecture malgré tout, c'est la question de la condition féminine inhérente à l'histoire. Que serait un monde sans femmes ? Et un monde sans hommes ? Dans la petite ville de Dooling comme partout dans le monde, beaucoup de femmes sont victimes de sexisme : « Elles se faisaient belles pour draguer. », « Ce truc, c'est le syndrome prémenstruel puissance dix. », « Toujours trop chaudes ou trop froides, c'était ça les femmes. », etc. Beaucoup sont soumises à des maris qui étouffent leurs ambitions, les cantonnent à des rôles de mère et ménagère, imposent leurs exigences personnelles et sexuelles (« Derrière beaucoup de jolies femmes qui voulaient trafiquer leurs visages parfaits, il y avait de sales enfoirés qui n'étaient jamais satisfaits »). Don et Franck sont les deux emblèmes de cet avilissement : l'un abuse sexuellement des détenues dans la prison où il est gardien, l'autre est un homme colérique capable de violence conjugale (et qui fait peur à sa fille). Si Don est un authentique salaud, Franck culpabilise et se repentit. Mais pour combien de temps ?

Car si les hommes paniquent de voir disparaître la gente féminine (« Qu'en sera-t-il de la race humaine dans cinquante ans, si les femmes ne se réveillent pas ? »), l'inverse (des femmes qui se retrouvent sans hommes) ressemble davantage à un soulagement. Sans dévoiler ce que deviennent les femmes endormies, on peut dire que celles-ci vivent une sorte de « renaissance », pouvant enfin « être ce qu'elles ont envie d'être ». Tandis que les hommes, désoeuvrés, endeuillés, s'entre-tuent, les femmes profitent de la disparition de « prédateurs » et de « pédophiles » dans un monde où « personne ne les traitait comme des citoyennes de seconde zone » (« Tu ne peux pas comprendre. Tu es un mec. »). Mais soyons honnête : il y a aussi toutes celles à qui époux, père et fils manquent (« Je veux mon papa ! »).

Dès lors, est-il possible d'envisager « un monde meilleur que l'ancien dirigé par les hommes » ? « Quelque chose de nouveau et de beau, avec des hommes meilleurs, à qui on apprendra à se connaître » ? « Recommencer de zéro » avec des hommes « qui promettaient de ne plus jamais lever la main sur leurs femmes et leurs enfants » ? Combien de temps tiendraient leurs promesses ? Et les femmes, « apprivoisées par des générations de servitude », ne s'empresseraient-elles pas « de retrouver leurs chaînes » ? Sans compter leur part de violence à elles aussi... Peut-on vraiment affirmer qu'un « monde recréé par des femmes avait une chance d'être plus sûr et plus juste » ?
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