Une odyssée africaine

Comme partout en Afrique, les nuits sont plus bruyantes que les jours dans les marécages littoraux. Dès que tombe l’obscurité, la nuit s’emplit de rumeurs : grognements indéfinissables, éclaboussements des poissons qui jaillissent de l’eau, frémissement des crabes, craquements et grincements dans les branches des arbres- et, surnaturelle entre tous, la toux lasse et plaintive des crocodiles.

Si le but de toute vie était le bonheur- ce qui n’est pas le cas-heureusement pour la bonne marche du monde-ce sont les Africains qui devraient nous envoyer des missionnaires et pas le contraire.

Le genre d’homme avec qui je pourrais me hasarder au plus profond de la forêt avec la certitude que l’un de nous deux au moins en sortirait vivent et enrichi par cette périlleuse entreprise.

(Après un danger duquel elle a réchappé) : J’étais à peine en retard pour le diner, et je rentrai forte de cette conviction : dans la vie, il est plus amusant -et presque aussi sûr- d’être chanceux que de rester sage.

Orpheline en six semaines, je me rendis en Afrique occidentale pour y mourir. Mais l'Afrique me traita ave douceur et me passionna, au lieu de me tuer tout de suite- à vrai dire, je ne suis pas si pressée.

La nuit qui suite le décès, les veuves doivent se rendre devant une assemblée de chefs des environs dans une clairière où brûle un feu. On attache une poule à la main de chaque femme ; si la poule reste muette au lieu de caqueter à la vue du feu, l'épouse est accusée d'avoir jeté un sort à son défunt mari et on lui fait justice comme il se doit.

Dieu créa tous les hommes noirs. Puis il traversa un large fleuve et invita les hommes à le suivre; les plus braves et les plus sages plongèrent à sa suite et franchirent le cours d'eau. En ressortant des flots, ils étaient devenus tout blancs : ce sont les ancêtres des blancs. Mais les autres avaient peur et répondirent :
- Nous sommes bien ici, avec nos danses et nos tam-tams; nous avons de la nourriture en quantité. Nous resterons ici.
Et ils demeurèrent sur la première rive du fleuve : ce sont les ancêtres des noirs.

Habituellement la peine de mort est commuée en amende; autre solution : envoyer quelqu'un se faire exécuter à votre place, si vous en avez les moyens. C'est un recours fréquent, car relativement moins onéreux que les indemnités : si on possède un esclave chétif, on le propose comme substitut plutôt que de payer une amende, souvent considérable.

Je dois avouer que mieux je connais les indigènes de la côte africaine, plus je les aime. Certes, ils se comportent souvent comme des imbéciles de premier ordre, croyant avec ferveur à n'importe quoi. Mais à dire vrai, mes compatriotes me donnent exactement la même impression lorsqu'ils se mettent, sans discernement, à prêter foi en des choses que j'ai du mal à avaler.

La viande fumée est mal préparée : on se contente de l'accrocher au-dessus du feu, où elle durcit et noircit aussitôt. Quand on décroche les morceaux, ils se fendillent et s'avarient rapidement sous l'action des vers. Si on les laisse pendus pour les protéger des chiens et des fourmis, ils prennent le goût et la consistance délectables d'un vieux morceau de toile goudronnée.