AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Cigale17


Quel roman ! Bien construit, riche, magnifiquement écrit, un vrai plaisir ! Les chapitres pairs sont contemporains (2016). Un narrateur à la troisième personne nous présente Willa Knox et sa famille, dont la situation n'est pas vraiment brillante. le magazine dans lequel Willa travaillait a fait faillite, et l'université de Virginie où son mari, Iano, était professeur titulaire a fermé. Willa a hérité d'une maison à Vineland, dans le New Jersey, et Iano a trouvé un poste pour une durée d'un an près de là : déménagement, nouvelle vie, perte de revenus, etc. Willa, pour des raisons que je ne dévoilerai pas, doit s'occuper de son acariâtre beau-père, de ses deux enfants adultes (un garçon et une fille en galère financière) et d'un bébé. En parallèle, les chapitres impairs nous entrainent dans la deuxième moitié du XIXe siècle (1871). Là aussi, un narrateur à la troisième personne nous fait découvrir une famille : Thatcher Greenwood, jeune professeur de sciences naturelles, Rose, sa ravissante femme, beaucoup plus conformiste qu'il ne l'imaginait, son insupportable belle-mère Aurelia, et sa sympathique jeune belle-soeur Polly. le trait d'union entre les deux familles : la maison qu'elles habitent et qui, déjà, pose divers problèmes à Thatcher. le titre anglais du roman Unsheltered (Sans-abri) est encore plus explicite que l'ironique double sens du titre français…
***
À 150 ans de distance, les parallèles entre les familles, mais aussi entre les époques sont nombreux et volontairement accentués par l'auteur : le ou les derniers mots d'un chapitre deviennent le titre du chapitre suivant, soulignant ainsi l'indissociabilité des deux époques. C'est sur Willa, comme sur Thatcher, que repose le fragile équilibre de chacune des familles. Willa se révèle une sorte de mère courage qui porte tout sur ses épaules et qui aime profondément sa famille, même son redoutable et irascible beau-père, immigré grec raciste et réactionnaire, pétri d'admiration pour un homme politique en campagne que tout le monde reconnaîtra. Iano aide sa femme, mais avec une certaine désinvolture… Willa trouvera un peu de réconfort en voyant sa fille Tig (Antigone !), qu'elle croyait immature, s'accommoder du présent et en tirer tout le parti qu'il est possible. Quant à Thatcher, déçu par le mariage, il se ressourcera auprès de sa voisine, Mary Treat, dont il découvre rapidement qu'elle est une scientifique respectée par ses pairs, mais pas par ses concitoyens, et qu'elle entretient une correspondance suivie avec les plus brillants esprits de son temps, dont Darwin… Thatcher admire Mary et partage ses idées progressistes.
***
Dans chacune des époques, Barbara Kingsolver met en lumière une figure d'autocrate, à tout le moins de populiste. En 1861, Charles K. Landis (1833-1900) achète des terres pour y fonder une communauté où l'alcool est interdit. Il y attire des viticulteurs italiens (!) qui devront fabriquer du jus de raisins et non pas du vin… le directeur de l'école où enseigne Thatcher partage ses idées réactionnaires. En 2016, un politique « grande gueule », qui a prétendu qu'il serait élu même s'il tirait sur quelqu'un en pleine ville (je cite de mémoire), n'a finalement tiré sur personne mais a été élu président des Etats-Unis… Beaucoup des thèmes abordés permettent de constater la fin du rêve américain et la difficulté pour la classe moyenne de ce pays de garder espoir en l'avenir. Il y aurait tant de choses à dire sur les prises de positions féministes, écologistes, progressistes, humanistes qu'on trouve dans ce beau et riche roman… Tant de choses à dire aussi sur le style de l'auteur, modulé selon chacune des époques : une ironie mordante et des dialogues décapants dans la partie contemporaine, des sous-entendus feutrés et des conversations emplies de non-dits dans l'autre… Faites-vous votre idée : lisez-le, vous ne devriez pas être déçu !
Commenter  J’apprécie          510



Ont apprécié cette critique (48)voir plus




{* *}