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Critique de Kirzy


°°° Rentrée littéraire 2022 # 28 °°°

La quatrième de couverture promet un American psycho à la japonaise et c'est bien le cas. Seiji Hasumi fait énormément penser au Patrick Bateman de Bret Easton Ellis : charismatique, séduisant, ce professeur d'anglais est adulé par ses élèves auxquels il semble totalement dévoué ... une apparence sociale à des années-lumière de ce qu'il est, un monstre total, psychopathe et tueur en série.

Mais contrairement à Bateman qui fantasmait des crimes atroces en un flux de pensée ravageur, Seiji Hasumi les commet réellement et les assume. Aucune ambivalence.

"Tout le monde récolte, au jour le jour, son lot de soucis quotidiens, n'est-ce pas ? Lorsqu'un problème se présente, il faut le régler. La seule chose qui nous différencie, vous autres et moi, c'est que l'éventail de mes possibilités d'action est bien plus vaste ! Dans beaucoup de cas, il s'avère que l'homicide représente la solution la plus simple à un problème donné. Or la majorité des gens hésitent à s'y résoudre. On a peur d'être arrêté par la police, ce genre de choses ... Moi, cela ne me freine pas. Je suis comme les athlètes de sports extrêmes. C'est temporiser, tergiverser, qui est fatal. Mais si on y va à fond, on parvient à se dépasser !"

Malgré une narration distante à la troisième personne, on a l'impression d'être placée dans la tête du psychopathe. Être froid et pervers, Seiji Hasumi est totalement dépourvu à toute empathie ou compassion, simulant une certaine normalité émotionnelle en imitant les réactions de ceux qui l'entoure. Il met sa capacité de raisonnement et son intelligence extrême à percer la psychologie de chacun au service du mal. Pour lui, le médiocre lycée privée dans lequel il exerce n'est qu'un vaste plateau de jeu d'échecs. Collègues et élèves ne sont que des pions à déplacer selon ses intérêts et son bon-vouloir.

Dans la première partie, Yûsuke Kishi prend son temps pour installer les personnages ( nombreux ) et le décor peu reluisant, dressant au passage un tableau bien noir du système scolaire japonais ( quelle ribambelle de profs mauvais ou dangereux pour les élèves ). Il distille très habilement quelques détails dérangeants sur Hasumi. le trouble du lecteur ne fait que grandir avant que le récit bascule réellement lorsque quelques élèves commencent à démasquer le monstre qui se terre derrière leur professeur.

La deuxième partie s'accélère dans un rythme effréné rempli de rebondissements et de surprises, l'auteur éclairant le passé d'Hasumi ou plutôt son parcours de tueur en série fort prolixe. La tension, de plus en plus oppressante, culmine en une nuit d'horreur au lycée, bien gore, jouant avec les terreurs du lecteur, complètement pris par la découpage narratif à la minute (de 18:25 à 22:20) qui le transforme en voyeur addict.

Sur le coup, les presque dernières pages m'ont déçue. Je trouvais le sort fait à Hasumi insatisfaisante ou du moins un peu trop facilement réglé. Jusqu'à ce que les ultimes lignes me réjouissent par leur cynisme ironique. La leçon du mal tend en pleine face un miroir à la fois hyper-réaliste et satirique de notre société ultra-violente. Yûsuke Kishi ne propose aucune solution, facile ou pas, ne délivre aucune information réconfortante ni aucune suggestion pour que l'amour ou la foi en l'homme puissent finir par sauver la situation. Tout ce qui reste, c'est la sensation poisseuse et terrifiante que nous avons créé un monde terrible, terreau fertile pour que les monstres y prospèrent, cachés à la vue de tous.
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