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Critique de Presence


Cassge de genou et fin de l'univers
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Ce tome est le premier d'une nouvelle saison qui succède à celle écrite par Jason Aaron, se terminant dans King Thor avec Esad Ribić. Il regroupe les épisodes 1 à 6 initialement parus en 2020, écrits par Donny Cates, dessinés et encrés par Nic Klein, mis en couleurs par Matthew Wilson, avec des couvertures réalisées par Olivier Coipel & Laura Martin. Il contient également une flopée de couvertures alternatives réalisées par Kris Anka, Stanley Lau, Arthur Adams, Jen Bartel, Nic Klein (*4), Mr. Garcia, Ron Lim, Matte Scalera, Ryan Stegman (*2), Woo Dae Shim, Ryan Brown (*2), InHyuk Lee, Esad Ribić, Gabriele Dell'Otto, Steve Skroce.

Et au sein des ténèbres se fit entendre le tonnerre, et courant derrière lui la voix rugissante du dieu fait roi : le vieux roi est mort. Mjolnir parcourt les cieux des mondes faisant entendre la voix tonnante du dieu roi, ceux de Vanaheim, Alfheim, Nidavellir, Jotunheim, Muspelheim, Svartalfheim, Heven, Niffleheim, la Terre. le marteau traverse l'atmosphère terrestre et perfore la tête d'un monstre resté en arrière après la guerre des royaumes, terminant sa course par terre, aux pieds de Captain America et Iron Man. Ce dernier d'humeur facétieuse décide d'inscrire un mot au marqueur sur la pierre du marteau. Thor se tient sur Bifrost, Hugin sur une épaule, Munin sur l'autre, faisant remarquer à Sif qu'il vient de réaliser un lancer de marteau remarquable. Elle acquiesce tout en lui faisant observer qu'il n'est plus l'heure pour lui de faire tomber des géants, mais qu'il doit se consacrer à ses responsabilités de roi. Il acquiesce à son tour.

Mjolnir en main, Thor se dirige vers Asgard à l'extrémité de Bifrost et vers son trône. Il jette un coup d'oeil à son marteau et découvre l'inscription de Tony Stark : Joli tir, profite de ta retraite ! Durant les mois qui se sont écoulés depuis la fin de la guerre des royaumes, il a fait reconstruire Asgard à son image, et le trône n'est plus de pierre comme celui de son père, mais de bois, une excroissance directe d'Yggdrasil l'arbre-monde. Au-dessus du trône sur le tronc qui se prolonge figure la rune Thurisae. Un symbole de la grande épine qui saillante d'Yggdrasil, un symbole à la fois de la défense et de la destruction. C'est son fardeau. Thor s'installe sur son trône et lâche Mjolnir qui tombe lourdement à terre. Il demande aux asgardiens présents de le laisser. Volstagg le volumineux s'avance vers lui et met un genou à terre devant son roi : il lui explique qu'il faut qu'il décide combien de tonneaux de bière il doit commander. Il s'arrête, relève la tête, regarde son roi et comprend qu'il vaut mieux qu'il se retire en emmenant les autres avec lui. Thor baisse la tête, mais une voix s'adresse encore à lui : Loki est resté dans la salle d'audience. Son demi-frère commence à l'asticoter lui demandant ce que ça fait d'être assis sur le trône de son père, de s'inquiéter pour le grand discours à prononcer bientôt devant tous les asgardiens, de devoir être une source d'inspiration pour eux. Thor lui demande s'il n'est pas de coutume de s'incliner devant son roi, ce que Loki fait à contre coeur, puis il se lève en reprenant Mjolnir. Loki lui demande si celui-ci ne devient pas de plus en plus lourd à soulever.

Il faut un peu d'inconscience pour succéder à Jason Aaron qui a pris place sur la série en 2012 et a terminé 7 ans plus tard, ayant réalisé une centaine d'épisodes, répartis sur 5 séries différentes, et 2 miniséries (Battleworld: Thors, Unworthy), mis en scène les personnages classiques de la série, en a créé de nouveaux, a déposé Odinson qui s'est révélé indigne de manipuler Mjolnir, et il l'a confié à Jane Foster et a terminé par un crossover à l'échelle l'univers partagé Marvel. Donny Cates a commencé à prendre de l'importance en tant que scénariste chez Marvel à partir de 2018 avec la série Dr. Strange, puis les séries Thanos, Venom, Guardians of the Galaxy et quelques miniséries. Il a vite capté l'attention du lectorat avec une écriture rapide et nerveuse, bousculant les personnages dans leur statu quo, et mettant à profit la richesse de l'univers partagé Marvel. Il agit de même pour cette série. Il reprend Thor où Aaron l'a laissé : un oeil en moins, deux corbeaux en plus, et la lourde responsabilité d'être roi d'Asgard. Et c'est parti ! le nouveau statut de Sif, le poids de Mjolnir qui laisse supposer que Thor redevient progressivement indigne de le manier, la chute de Galactus au beau milieu d'Asgard. Arrivé à la fin du premier épisode, Thor a changé d'apparence, de rôle, tout en conservant sa responsabilité de roi, avec l'intervention de plusieurs hérauts de Galactus dont Silver Surfer et Cosmic Ghost Rider, deux personnages que Cates a déjà mis en scène dans Silver Surfer : Black (2019) avec Tradd Moore, et Cosmic Ghost Rider (2018) avec Dylan Burnett. On n'est jamais mieux servi que par soi-même.

L'un des grands plaisirs à découvrir une histoire de Cates est qu'il est passé maître dans l'art de donner l'impression du changement, le changement réel dans le monde des comics et des héros récurrents étant impossible. En outre, il ne délaye pas ses idées et fait en sorte que l'intrigue progresse de manière significative à chaque épisode, et de manière spectaculaire de surcroît. D'un côté, il utilise des éléments très classiques et très souvent employés jusqu'à en devenir des clichés éculés. Dans le désordre : Galactus affamé, des hérauts pas très doués, le dilemme de l'emmener sur des planètes habitées parce qu'il n'y a que ça dans le coin, le fait que ce dévoreur de planètes est le seul à pouvoir sauver l'univers, un affrontement entre deux superhéros plutôt que d'essayer de se parler pour résoudre leur incompréhension, et même des zombies pour faire bonne mesure. Stop, n'en jetez plus, le plein de poncifs est fait. Au moins ces épisodes se lisent à bonne allure, et le spectacle est de grande ampleur.

Côté visuel, la couverture annonce la couleur, ou au moins la tonalité : Olivier Coipel ramène la majesté qu'il avait conférée au personnage dans sa série en 2007, avec un scénario de Joe Michael Straczynski. Il est visible que Nic Klein s'inspire de sa vision, en y intégrant également des caractéristiques d'Esad Ribić, dessinateur initial de la saison écrite par Jason Aaron à partir de 2012. Les contours sont tracés d'un trait assez léger, fin et élégant, à l'instar des deux autres dessinateurs. Klein utilise plus les aplats de noir qu'eux, ceux-ci étant souvent repris en couleurs plutôt que laissés d'un noir massif. Thor lui-même est plus massif, et même plus lourd dans ses gestes et ses attitudes, pour attester de la charge que fait peser sur lui la responsabilité de roi. Galactus est immense dans chaque case où il apparaît. Les personnages ont tendance à prendre des postures un peu théâtrales pour ajouter à leur majesté, pour souligner l'ampleur du drame en train de se jouer et l'importance des enjeux. Matthew Wilson fait une fois plus la preuve de la qualité de sa sensibilité pour apporter une palette de couleurs en phase avec le ton du récit pour en relever la saveur. Il se lâche pour faire éclater les énergies déchaînées par les combattants, avec des effets spéciaux spectaculaires tout en restant dans la tonalité des nuances choisies. Il apporte de la consistance à chaque surface détourée, et comble le vide des arrière-plans de nombreuses cases en particulier lors des combats, car Klein se focalise sur les personnages, comme Coipel et Ribić avant lui. Sans la maestria dont fait preuve le coloriste, le lecteur se lasserait vite de l'absence trop régulière de décors. Avec l'apport du coloriste, la narration visuelle atteint un niveau de densité satisfaisant.

Le lecteur est venu pour voir Thor dans des combats où il peut donner la mesure de son pouvoir gigantesque, et il est servi, aussi bien par les situations créées par Cates, que par la puissance visuelle des affrontements. Il se laisse porter par le niveau de divertissement, à la fois le spectacle, à la fois la progression rapide de l'intrigue, s'en s'offusquer que le scénariste lui resserve des situations souvent lues. Il peut également apprécier que le scénariste continue de construire sa continuité interne dans l'univers partagé Marvel en amalgamant dans la mythologie de Thor, des événements qu'il a raconté dans les autres séries qu'il a écrites auparavant, de Black Silver Surfer à une brève apparition de Cosmic Ghost Rider. En revanche s'il est allergique à ce genre de pratique (mettre en valeur ses propres récits, dans ce qui peut aussi se lire comme du nombrilisme), il risque de rapidement interrompre sa lecture. Enfin, Cates a bien compris qu'aucun changement n'est pérenne dans l'univers partagé Marvel. du coup, il ne le prend pas comme un obstacle à ses récits, mais au contraire comme une liberté qui lui donne le droit de tout faire, puisque tout pourra être annulé par la suite. Il sait écrire ces libertés de telle manière à ce qu'elles ne soient pas ressenties comme des chocs artificiels, mais comme des provocations iconoclastes ayant du sens dans le cadre de la saison en cours. Difficile de résister à la provocation de Thor brisant deux doigts de Galactus, abîmant une icône inaltérable de l'univers partagé Marvel.

Une nouvelle saison de Thor, un nouveau ton dans l'écriture, différent de celui de Jason Aaron, en revanche une tonalité visuelle très proche d'illustres prédécesseurs. Sous réserve de ne pas être allergique aux caractéristiques de l'écriture du scénariste, le lecteur se laisse emmener dans un récit qui bouge et qui en met plein la vue, grâce au travail formidable du coloriste qui vient nourrir des dessins qui en ont besoin. Un démarrage en trombe et en fanfare.
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