Citations sur La malédiction du Lamantin (16)
En fait, c'est comme si tu me disais : "Fais comme font les autres, rentre dans le rang et ne cherche pas plus loin."
Si tu le monde courbait la tête, avalait sa conscience, tu imagines dans quel état serait notre pays ?
Je ne veux pas être une exception, je veux être honnête, c'est tout.
- Kouata, que la foi ne quitte pas ton âme, dit le devin. Ce qui doit advenir adviendra : ni les rires ni les larmes n'y pourront rien. Souviens-toi qu'on ne meurt pas deux fois et que nul sur terre n'a de remède contre la mort. Ressaisis-toi.
De quel droit des gens n'ayant aucun lien avec la police pouvaient-ils se donner l'autorité d'imposer au chef de la brigade criminelle d'abandonner une enquête ordonnée par le procureur de la République ? Était-ce la république ou la gérontocratie ? Certes, on pouvait comprendre l'attachement des personnes âgées aux traditions ancestrales, mais elles n'étaient ni élues ni nommées. À supposer qu'on leur cédât une fois, ne faudrait-il pas céder toujours ? Ne deviendraient-elles pas les vrais maîtres du pays, qu'elles gouverneraient strictement selon les traditions millénaires ? À quoi cela pourrait-il mener, sinon au chaos ? (pages 108-109)
[...] Le Mali est un pays bien complexe. Il n’y a pas que les Dogons. Les Bozos sont tout aussi étranges. Tu as remarqué qu’il y avait côte à côte l’imam et le devin, c’est-à-dire l’islam et l’animisme, sans que ça gêne personne ? Au contraire, ça leur paraît tout naturel que l’un s’adresse à Allah et l’autre aux esprits.
[...] D’un côté, ils soutiennent que c’est Allah qui a foudroyé le chef Kouata et son épouse, de l’autre ils présentent leurs excuses à Maa le Lamantin, une divinité des eaux.
Si tu me demandes s'il y a un pouvoir, je te répondrai qu'il y en a en fait deux. Il y a ceux qui sont au pouvoir par la grâce de la colonisation, et ceux qui s'estiment les héritiers du pouvoir ancestral.
Au sommet même de l'état, on reconnaît cette dualité. Une autre m'a trouvé au bureau sans rendez-vous; ils pourront rencontrer n'importe quel ministre, n'importe quel président de la République de la même façon.
Un jour, c’était vendredi, je priais juste derrière l’imam. Quand on s’est baissés, j’ai entendu un bruit –
« prout ! ». Je n’ai rien dit, comme si je n’avais rien entendu. Puis on s’est baissés une deuxième fois et j’ai entendu encore « prout ! prout ! ». Nous avons posé notre front par terre et j’ai entendu « proutoutoufouss ! ». Il y a
eu une odeur d’œuf pourri. J’avais de la peine à respirer. Et pendant trois zakats, l’imam a continué à faire « Proutoutoufoussss ! ». Je jure, com’saire, que c’était l’imam
Écoute, mon cher, ne perdons pas de temps : tu as fauté et du dois payer. Ou c'est à moi que tu paies directement et ça te fera six mille francs, ou tu vas payer à la fourrière et ça te coûtera douze mille francs. Décide-toi vite et laisse-moi faire mon boulot.
Ah, quel pays ! se désola le commissaire. Des agents de police qui rackettent au su et au vu de tous ! » (pages 21-22)
– Eh oui, Sosso, c’est comme ça. D’un côté, ils soutiennent que c’est Allah qui a foudroyé le chef Kouata et son épouse, de l’autre ils présentent leurs excuses à Maa le Lamantin, une divinité des eaux.
Attendons le rapport du médecin légiste pour y voir un peu plus clair…
Maa est donc le maître du ciel et de l'eau. Entre nous, les Bozos et Maa fut signé un pacte. : la divinité nous accorde sa protection contre le respect de toutes choses qui vivent au ciel et dans l'eau, car Maa a dit que toute vie est sacrée. Nous pêchons les poissons, mais juste de quoi manger et acheter ce dont nous avons besoin; nous coupons le bois, mais juste pour préparer nos plats, nos pirogues, nos maisons et nous réchauffer; jamais aucun Bozo ne s'amusera à gaspiller l'eau, parce que, sans elle, aucune vie n'est possible.
Tu vois, Habib, toi, tu voudrais que je vive selon ce que pensent les autres, parce que toi-même tu vis dans le peur du qu'en dira-t-on. Comme pratiquement tous les Noirs africains. Dans ce cas, en quoi est-on responsable si ce sont les autres qui vous dictent la voie à suivre ?