-Sans vouloir te vexer, Amy, tu n'es franchement pas douée. Quant à moi, je ne sais même pas dessiner un bonhomme. On a autant de talent que des ouistitis.
-Tu veux nous achever ou quoi? geignit Dan entre deux secousses.
- Je te passe le volant? suggéra la jeune fille au pair, vexée.
Dan répondit oui avec tant d'empressement qu'elle regretta aussitôt sa question.
"Ce guignol"? Tu es vraiment stupide, ou tu le fais exprès? Wolfgang Amadeus Mozart est un des plus grands compositeurs de musique classique de tous les temps!
Alistair Oh arpentait les salons de la demeure familiale des Mozart, appuyé sur sa canne au pommeau en diamant. Il savait déjà où trouver l'indice suivant.
Le mot qui lui a coûté la vie, moins l'âge.
-Un musée dans un sous-sol, où on entre par un toboggan depuis un magasin de disques? Mouais...
Le plan était de rester discret, un défi pour cette famille de géants.
Écoute-ça : "Mozart, le Viennois le plus célèbre de tous les temps". J'aurais pourtant parié que le type qui a inventé la viennoise au chocolat était plus connu que lui! " # Dan
Il chercha le regard de sa sœur et n’y lut que le reflet de sa propre terreur. Elle était pétrifiée de peur. C’était facile de se moquer des Holt, avec leur physique d’armoire à glace, leur langage d’entraîneur sportif et leurs survêtements assortis. Mais là, la réalité s’imposait brutalement : ils avaient affaire à des ennemis redoutables qui ne reculeraient devant rien pour atteindre leur but. Amy réagit enfin :
– Arrêtez ! On va vous donner ce que vous voulez !
– Je savais qu’ils craqueraient, ricana Madison.
– Voyons, ma puce, la rabroua sa mère. Amy a fait le bon choix. Tous les Cahill n’auraient pas cette sagesse.
Amy se précipita auprès de Dan qu’Eisenhower avait laissé choir sur un sac de courrier. Avec soulagement, elle vit le visage de son frère reprendre des couleurs.
– Il ne fallait pas céder, Amy ! lui reprocha-t-il, consterné.
– Grace n’aurait pas voulu qu’on se fasse tuer, lui chuchota-t-elle. On trouvera un autre moyen.
Les Holt les escortèrent jusqu’à leur wagon. – Et pas d’entourloupe, gronda Eisenhower lorsqu’ils croisèrent un employé de la compagnie de chemins de fer. Bon gré mal gré, les enfants Cahill regagnèrent leurs places. Hamilton les voyant arriver. Vous allez bien ?
– Très bien, répondit Amy d’un ton abattu.
Puis elle ajouta à l’adresse d’Eisenhower :
– Dans le compartiment à bagages.
Les Holt se bousculèrent pour l’ouvrir, libérant Saladin. Avec un miaulement indigné, le chat sauta à terre dans une pluie de confettis : tout ce qui restait de la partition de Mozart.
– Notre indice ! gémit Nellie.
– Votre indice ? rugit Eisenhower.
Il souleva le chat par les pattes arrière et le secoua comme un prunier. Dans un hoquet, Saladin recracha une boule de papier mâché et de poils inexploitable. Eisenhower Holt laissa exploser sa fureur et provoqua la fuite de plusieurs voyageurs. Alerté par le vacarme, un contrôleur accourut en se frayant un chemin entre les passagers apeurés.
– Qu’est-ce qui se passe ? demanda-t-il à Eisenhower dans un anglais approximatif. Votre billet de train, s’il vous plaît.
– Vous appelez ça un train ? répliqua le géant furieux. Je ne laisserais pas mon cochon d’Inde voyager dans cette boîte d’allumettes à roulettes !
– Montrez-moi votre passeport, monsieur ! répliqua le contrôleur, écarlate. Au prochain arrêt, j’appelle le chef de gare !
– On ne va pas attendre jusque-là, riposta Eisenhower en collant le chat dans les bras d’Amy. Les Holt… dispersion !
Dan trébucha deux fois, et Amy se cogna dans le mur faute d'avoir vu que le tunnel tournait. Elle s'aperçut à peine du choc : tout de suite après le coude, la lumière s'intensifiait. La jeune fille discernait désormais la silhouette de son frère sans avoir à plisser les yeux.