« Le mal s'insinue dans l'air du temps comme de l'eau sous une porte. D'abord presque rien. Un peu d'humidité. Quand l'inondation survient, il est trop tard. »
Christian Bobin, La plus que vive
Son regard fiévreux passant d'un visage à l'autre autour de la table, il songea qu'on mettait ses convictions et son existence entière au service de l'ordre. Et puis un jour, un sale jour, on découvrait qu'on ne servait à rien d'autres qu'à accompagner le pire. A guider les siens vers le désastre. Berger d'un troupeau condamné à l'abattoir.
Au loin, Saint-Nazaire et sa banlieue ressemblent à Venise un jour d’acqua alta exceptionnelle. Et tandis que retentissent les premières sirènes d’alerte, hululement lugubre étouffé en partie par le vent, ils peuvent observer la foule des rescapés investir un à un les toits qui surnagent encore. Lucas ne peut s’empêcher de les envisager comme autant de miniatures sur une maquette. Une vision aussitôt chassée par une autre, hallucinante, qui s’invite dans le décor : arraché à son amarrage, un paquebot de croisière, aussi haut qu’un immeuble, vient heurter le faîte du gigantesque pont de Saint-Nazaire, que les circonstances ont réduit aux dimensions d’une simple passerelle.
— Tu te sens capable de retourner au Placard ?
— Installe-moi plutôt dans l’open-space.
— Tu trouves ça plus confort ?
— Non, grimaça Anne, c’est juste moins miteux. Ça me fout assez les glandes comme ça que ma fille naisse dans un putain de commissariat, alors, à choisir, je préfère encore accoucher dans un endroit un peu décent.
Son regard fiévreux passant d'un visage à l'autre autour de la table, il songea qu'on mettait ses convictions et son existence entière au service de l'ordre. Et puis un jour, un sale jour, on découvrait qu'on ne servait à rien d'autre qu'à accompagner le pire. A guider les siens vers le désastre. Berger d'un troupeau condamné à l'abattoir.
Nombre de spécialistes considerent Xynthia, qui a frappé la façade atlantique en février 2010, comme la mère des tempêtes générées par le dérèglement climatique. L'étalon des drames en marche.
Nombre de spécialistes considèrent Xynthia, qui a frappé la façade atlantique en février 2010, comme la mère des tempêtes générées par le dérèglement climatique.
L’étalon des drames en marche.
En dépit de la purge effectuée dans le centre-ville de Nantes, le sujet des migrants demeurait l’un des plus inflammables dans l’opinion locale, imposant aux édiles la plus grande prudence, dans leur communication comme dans leurs actes.
- Je viens d’avoir la station de Saint-Nazaire, finit par répondre un pompier à galons. Ils ont fixé la surcote définitive de Maya à 1,62. Bien au-delà de ce qu’avait atteint Xynthia en 2010.
- Xynthia s’était contentée de dévaster la côte…
- Je sais, mais Xynthia n’était pas tombée en pleine marée d’Équinoxe.
Comme l’avait redouté l’un des météorologues contactés, un certain Lucas Santoro, la conjonction des deux phénomènes a généré une onde de tempête sans précédent.
Contre l'obscurité, il y avait la lumière des torches, contre le feu, il y avait l'eau, mais contre les flots qui envahissaient tout, de quelles armes disposait-on ?