— Au bout du compte, il ne reste qu'une question : qu'es-tu prête à sacrifier pour obtenir ce que tu veux ?
— Je donnerais ma vie pour n'importe lequel de vous.
— Mourir c'est facile. N'importe qui peut se jeter sur le bûcher et se transformer en martyr satisfait. Supporter la douleur qui accompagne le sacrifice est la véritable épreuve.
— Pourtant, lorsque le coucher du soleil approche, il suffit de regarder vers l'avant pour voir où le courant nous mène. Pour comprendre que si l'on ne s'arrête pas pour nager à contre-courant, on va être emporté par le précipice qui se profile un peu plus loin. Nous pouvons le voir dans un miroir. Nous l'entendons aux petites heures calmes du matin. Une voix qui nous dit qu'il y a quelque chose qui cloche terriblement dans ce monde que nous avons construit. (La voix de Michi devint un murmure.) Aïsha m'a dit qu'à partir de là, cela devient simple. Comme le fait de parler. De rassembler la volonté nécessaire pour prononcer un seul petit mot.
— Quel mot ? chuchota Yukiko sans bien savoir pourquoi.
— Non, souffla Michi.
Une petite syllabe, fragile comme du verre.
— Ne t'excuse pas pour tes erreurs, l'interrompit Aïsha. Tires-en des leçons.
Mieux vaut mourir debout que vivre à genoux.
— Lorsque le destin d'un homme n'est plus entre ses mains, lorsqu'il risque de mourir sur ordre d'un autre qui est né plus chanceux ou plus riche que lui, lorsqu'il trime toute sa vie pour récolter les miettes de la table d'un autre, il est en péril. [...] Mais lorsqu'il l'accepte dans son cœur, lorsqu'il cesse de lutter contre cette injustice fondamentale, alors c'est un esclave.
— Cette espèce est aveugle. Elle ne voit que le maintenant, jamais le sera.
Il est facile de se perdre dans l'idée que l'on se fait d'une personne, jusqu'à être aveugle à sa personnalité réelle. Il est très simple d'aimer un étranger.
Une avalanche commence par un gravier. Une forêt par une graine. Et il suffit d'un mot pour que le monde entier s'arrête et écoute. Il suffit de trouver le bon.
-C'est l'histoire de cette guerre. Yoritomo. Yukiko. Masaru. Aisha. Daiyakawa. (Michi agita son pinceau autour d'elle.) Nous.
- Pourquoi ?
- Pour que les gens s'en souviennent.
Le Merle prit une gorgée de saké et grimaça.
-À mon avis, c'est du gâchis de papier de riz. Personne n'a jamais gagné une guerre avec une bouteille d'encre.
- Vous ne pensez pas que les gens doivent savoir ce qui s'est passé ici?
-Oh si, je pense quils doivent savoir, sans aucun doute. Mais je pense qu'ils s'en fichent.
- Pourquoi donc ?
- Parce que la prochaine fois, ce sera différent. Comme toujours.
- Différent ? Akihito regardait le capitaine en fronçant les sourcils.
-Différent, répéta le Merle en hochant la tête. La cause du conflit. Ça aura un autre nom, ça prendra une autre tournure. Religion, territoire, noir, blanc. Les gens songeront à nous et diront : " nous n'aurions jamais été aussi stupides. "
Les gens n'apprennent pas de l'histoire. Pas ceux qui comptent, en tout cas.
La faiblesse est un défaut que peu de gens confessent. [...] Tant de choses dépendent de la manière dont elle est perçue ; le pouvoir est dans les apparences.