Le rappeur Stomy Bugsy a visité l’un de ces élevages de poules pondeuses en cage près d’Amiens avec l’association DxE : « C’est l’enfer, c’est infernal ! Je ne m’attendais pas à ça. Je m’attendais à une dinguerie, mais là, c’est l’enfer. C’est lugubre, c’est sinistre. Elles sortent pas, elles vont rester comme ça pendant un an, à pondre, à pondre, à pondre… et après, elles vont aller à l’abattoir ! Avoir une vie comme ça… c’est comme ça qu’on traite des êtres vivants sur terre ?Ouvrez les yeux! »
L’élevage intensif est intériorisé par les professionnels, abreuvés d’un seul et unique discours depuis qu’ils sont à l’école. Dans les cours de travaux pratiques, les jeunes apprennent à entasser des poulets dans des hangars ou à « ébourgeonner », c’est-à-dire à brûler les cornes des jeunes veaux. Élèves, enseignants et éleveurs sont bien souvent persuadés que ce mode d’élevage est la seule façon de nourrir l’humanité.
Sauf mention contraire, le tableau bien sombre que nous allons dresser concerne la France. Inutile d’aller plus loin : l’horreur se déroule sous notre nez. Mais il pourrait en aller autrement. Avec intelligence, ensemble, en tant que consommateurs et citoyens, nous pouvons agir efficacement, ici et maintenant. Des changements qui sont à notre portée à court terme, comme l’interdiction de certains modes d’élevage ou une baisse de la consommation de produits animaux, auraient un impact colossal sur la condition animale.
Il n’en a pas toujours été ainsi. La production mondiale de viande était de 45 millions de tonnes en 1950. Elle a augmenté à un rythme soutenu pour dépasser aujourd’hui 300 millions de tonnes.
L’élevage intensif a pris son essor après la Seconde Guerre mondiale et a réduit les animaux à l’état de machines à produire. C’est une décision politique qui nous a conduits à cette terrible situation. En 1962, Edgard Pisani, alors ministre de l’Agriculture, enjoint la Bretagne à « se considérer comme un immense atelier de viande et de lait ». Ce sont les débuts de l’élevage intensif. Aujourd’hui, la France est un des pays où la consommation de produits animaux par habitant est la plus élevée au monde, au coude à coude avec les États-Unis. La France est aussi devenue le numéro un de l’élevage intensif en Europe : huit animaux sur dix sont détenus en élevage intensif. Les vaches qui paissent dans nos prés sont l’arbre qui cache la forêt : une écrasante majorité des « animaux d’élevage » sont, eux, invisibles, enfermés dans des bâtiments. Ils sont détenus dans
ces conditions jusqu’au jour où, chargés dans un camion, ils partent à l’abattoir pour y être tués à la chaîne, dans un stress immense et, souvent, de grandes souffrances. Veaux, cochons, poules, poulets, lapins, dindes : tous sont aujourd’hui concernés par ce rouleau compresseur.
L’objectif de ce modèle d’élevage est d’optimiser tous les « facteurs de production » pour atteindre une productivité maximale. À l’enfermement à vie s’ajoutent toute une série de pratiques sources de souffrances pour les animaux : vitesse de croissance accélérée, mutilations, insémination artificielle, séparation des mères et de leurs petits, élimination des individus les moins rentables…
Pour élever plus d’un milliard d’animaux terrestres chaque année et les tuer à une cadence de plus de trois millions chaque jour (chiffres pour la France), il a fallu renoncer à toute forme d’empathie.
Les cadavres d’animaux collectés s’amoncellent. Ils seront transformés en farines et graisses animales . Ce sont ainsi plus de 42 millions de poulets, plus de 5 millions de cochons , plus de 2 millions de canards et environ 800 000 bovins 7 qui meurent en élevage avant même d’avoir atteint l’âge d’abattage. Ce ne sont pas des animaux en fin de vie ; bien au contraire, tous sont morts jeunes.
Dans les élevages, on ne leur laisse pas le temps de vieillir. Et ce n’est
que la partie émergée du massacre constamment renouvelé des animaux.