La vie est courte et ennuyeuse ; elle se passe toute à désirer ; l'on remet à l'avenir son repos et ses joies, à cet âge souvent où les meilleurs biens ont déjà disparu, la santé et la jeunesse. Ce temps arrive qui nous surprend encore dans les désirs : on en est là, quand la fièvre nous saisit et nous éteint ; si l'on eût guéri, ce n'était que pour désirer plus longtemps.
La liberté n'est pas oisiveté, c'est un usage libre du temps, c'est le choix du travail et de l'exercice : être libre en un mot n'est pas ne rien faire ; c'est être seul arbitre de ce qu'on fait ou de ce qu'on ne fait point : quel bien en ce sens que la liberté !
L'on espère de vieillir et l'on craint la vieillesse, c'est-à-dire, l'on aime la vie et l'on fuit la mort.
Toutes les passions sont menteuses ; elles se déguisent autant qu'elles le peuvent aux yeux des autres ; elle se cachent à elles-mêmes : il n'y a point de vice qui n'ait une fausse ressemblance avec quelque verte, et qu'il ne s'en aide.
Ceux qui sans nous connaître assez, pensent mal de nous, ne nous font pas de tort ; ce n'est pas nous qu'ils attaquent, c'est le fantôme de leur imagination.
Les hommes en un même jour ouvrent leur âme à de petites joies, et se laissent dominer par de petits chagrins ; rien n'est plus inégal et moins suivi, que ce qui se passe en si peu de temps dans leur coeur et dans leur esprit. Le remède à ce mal est de n'estimer les choses du mondes précisément que ce qu'elles valent.
Un beau visage est le plus beau de tous les spectacles : et l'harmonie la plus douce est le son de voix de celle que l'on aime.
Les Grands croient être seuls parfaits, n'admettent qu'à peine dans les autres hommes la droiture d'esprit, l'habileté, la délicatesse, et s'emparent de ces riches talents, comme des choses dues à leur naissance : c'est cependant en eux une erreur grossière de se nourrir de si fausses préventions ; ce qu'il y a jamais eu de meiux pensé, de mieux dit, de mieux écrit, et peut-être d'une conduite plus délicate ne nous est pas toujours venu de leurs fonds : ils ont de grands domaines, et une longue suite d'ancêtres, cela ne leur peut être contesté.
La vie est courte, si elle ne mérite ce nom que lorsqu'elle est agréable ; puisque si l'on cousait ensemble toutes les heures que l'on passe avec ce qui plaît, l'on ferait à peine d'un grand nombre d'années une vie de quelques mois.
Nous n'approuvons les autres que par les rapports que nous sentons qu'ils ont avec nous-même ; et il semble qu'estimer quelqu'un, c'est l'égaler à soi.