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Critique de berni_29


Lauzet est ce petit hameau protégé du vent de l'autan par la montagne de Lure. Nous ne sommes pas très loin de Forcalquier. Là-bas, à la ferme, au mas de Lauzet, il reste Honorine parmi ses terres et surtout ses ruches qui représentent sa grande passion. On dit que son miel est un des meilleurs de la région. Depuis peu, elle a ouvert un gîte et elle s'apprête à recevoir ses premiers clients. Mais voilà, les enfants d'Honorine s'inquiètent pour leur mère car elle a 84 ans. Elle ne peut plus rester comme cela seule au Lauzet, qu'elle ne veut pour autant pas quitter, c'est sa terre, ce sont ses abeilles.
Honorine a du caractère et ses enfants le savent bien. Une idée lui vient alors, rechercher une aide, un homme à tout faire qui pourra s'occuper de ses terres, de ses ruches, avec des compétences d'apiculteur, être là pour qu'elle puisse elle aussi rester. Elle publie une annonce...
Thomas, courtier parisien, décide de tourner la page et de prendre la tangente, suite à la rupture d'une liaison incandescente avec une femme. Un ami a repéré une annonce qui pourrait l'intéresser, un endroit où rebondir là-bas dans la campagne près de Forcalquier...
Dans le même temps, nous faisons la connaissance d'Éva, talentueuse pianiste allemande qui décide de reprendre les récitals après une période d'interruption, elle se réfugie dans la musique maintenant qu'elle est divorcée, libérée du joug étouffant de son mari, qui ne comprenait rien à sa passion, pas totalement encore sereine pour vivre en paix dans l'harmonie avec son art... Elle a besoin de faire une pause, une sorte d'appoggiature, avant de reprendre le cours de son existence... Elle vit cependant des moments douloureux en ce moment, la fin de vie de sa grand-mère et c'est dans lr grenier de son aïeule que la découverte d'une malle devient comme la boîte de Pandore qu'elle ouvre...
Pour quelles raisons Éva décide-t-elle de rechercher un gîte près de Forcalquier, se poser durant une semaine pour mieux être attentive aux battements de son coeur ? Elle voit une annonce qui lui plaît, le gîte du Mas du Lauzet...
Alors, oui vous croyez me voir venir... Deux trajectoires en mal d'amour qui font se percuter comme des météorites au milieu des ruches et le miel va couler à flot ! Eh bien non, ce n'est pas le propos du récit. La trame est ailleurs, même si la rencontre de Thomas et d'Éva va faciliter l'émergence d'une autre histoire venue du passé. Elle va l'aider à s'extraire de la gangue de ce passé comme on creuse avec une bêche dans un coin du jardin et qu'on découvre parmi la terre quelque chose qui va nous sidérer pour le reste de notre vie...
Certes il y a une histoire d'amour qui est prête à se tisser, certes elle est conventionnelle et elle est amenée et traitée comme telle, ce n'est pas cette relation qui m'a accrochée ici, mais c'est autre chose qu'il faut voir dans la nasse du récit : les secrets de famille, les choses justement qu'on enfouit sous la terre pour mille raisons qui paraissaient valables à ceux qui l'ont fait, le silence qui demeure enfoui dans un autre endroit peut-être le ventre ou la mémoire, ou ailleurs qui sait, et puis les gestes réappris pour tenir debout malgré tout, les déflagrations qui s'ensuivent pire qu'une tempête qui fracasse les volets et les fenêtres d'une maison abandonnée pour venir fouiller au-dedans...
Une fois qu'on entre dans la maison désormais ouverte aux grands vents, on découvre alors dans les décombres des mots qui gisent, des vestiges, des reflets qui brillent d'une autre vie, j'ai vu là, dans ce texte, l'image de ma mère, ses secrets, ses blessures, sa solitude sans doute au moment où elle aurait tant attendu des bras autour d'elle... Comme tant d'autres femmes...
Une cuillerée de miel, dernier roman à l'écriture chaleureuse et poétique que son auteur Gilles La Carbona, a eu la gentillesse de m'offrir, - et je l'en remercie, m'a entraîné contre toute attente sur ce territoire émotionnel, parmi le soleil de Provence, le chant des cigales, le bourdonnement des abeilles, les senteurs de la lavande, le goût du miel qui coule dans la gorge, un paysage que j'ai adoré découvrir pour la première fois lors de l'été 2020. Je l'ai vu, je l'ai entendu surgir ici dans des pages chaleureuses, dans les gestes d'Honorine qui est ce personnage central et pivot de toute l'histoire qui se déploie devant nous.
Ce texte est attachant et m'a fait du bien, il console des chagrins de nos familles et s'ouvre aussi comme une fenêtre sur des paysages qui peuvent s'apaiser et apaiser aussi.
Alors, vous prendrez bien Une cuillerée de miel ?
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