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Critique de AMR_La_Pirate


Cette petite nouvelle est le premier écrit de Mme de Lafayette que l'on connaît surtout pour La Princesse de Clèves.
À 28 ans, mariée et déjà mère de deux enfants, elle demeure seule à Paris tandis que son époux gère leurs terres bourbonnaises et c'est ainsi, qu'assistée et conseillée par son grand ami l'Abbé Ménage, elle commence sa carrière littéraire. La Princesse de Montpensier est donc le fruit d'une collaboration ; bien que publié sous le nom de Segrais en 1662, le secret de son auteur sera cependant vite révélé et son génie reconnu ; mais Madame de Lafayette ne va pas réécrire avant quatre ou cinq ans, préférant fréquenter les salons, la cour et s'occuper des affaires parisiennes de son époux.

Transposée au XVIème siècle, cette nouvelle donne à lire sous des noms d'emprunt une intrigue de cour contemporaine, la passion coupable d'Henriette d'Angleterre, amie très proche de Mme de Lafayette et belle-soeur de Louis XIV, pour le comte de Guiche. L'éditeur prudent fit même précéder le texte d'un avis prévenant le lecteur que le prestigieux nom de Montpensier n'était là que parce que l'auteur avait « jugé plus à propos de prendre des noms connus », de manière à ce que la duchesse de Montpensier ne s'en émeuve pas.
Il s'agissait pour Mme de Lafayette de décrire les ravages de l'amour. Dès les premières lignes de la nouvelle, l'intrigue est posée : Melle de Mézières est promise au duc de Maine mais aime en secret le frère de ce dernier, le duc de Guise, qui est également amoureux d'elle ; le mariage prévu ne se fait pas pour d'obscures raisons de rivalités et d'alliances et la jeune fille est finalement plutôt bien mariée au Prince de Montpensier qui l'éloigne de Paris et l'envoie en ses terres de Champigny, afin de la soustraire aux guerres de religion. En son absence, la jeune princesse s'y lie d'amitié avec le Comte de Chabanes, un fidèle et vieil ami de son mari, et va jusqu'à lui confier sa première inclination ; naturellement, le vieil homme tombe aussi amoureux d'elle... La clarté de l'écriture de Mme de Lafayette fait des trois premières pages un exposé parfait de la situation !
La jeune princesse est particulièrement vertueuse : elle se réjouit de ne pas avoir épousé le frère de son premier amour car il aurait été « dangereux d'avoir pour beau-frère une homme qu'elle eût souhaité pour mari » et repousse avec sagesse les aveux du second à qui elle rappelle ce qu'il doit « à l'amitié et à la confiance du prince son mari ».
Mme de Lafayette fait monter progressivement la tension car la haine ressentie officiellement par le duc de Guise envers le Prince de Montpensier pour avoir empêché le mariage de son jeune frère et officieusement pour avoir éloigné de lui l'objet de son amour est alimentée par les rivalités sur le champs de bataille car le Prince de Montpensier voit « avec peine » les exploits guerriers du duc.
Le duc d'Anjou et sa suite dont fait partie le duc de Guise se perdent en allant visiter des places fortes ; une rencontre fortuite se produit au bord d'une rivière et réveille dans les coeurs des sentiments vieux de trois ans déjà. Naturellement, la princesse conserve une attitude froide et distante à l'égard du duc de Guise. le prince de Montpensier et le comte de Chabanes ont du mal à contenir haine et jalousie. Ce que le hasard a permis s'annonce d'autant plus compliqué que le duc d'Anjou tombe aussi sous le charme de la princesse…
Quand la princesse de Montpensier revient à la cour, trois hommes sont donc transis d'amour pour elle et au moins deux rivalisent tandis que la jalousie de son mari s'accroit et qu'il s'emporte violemment. Mme de Lafayette décrit très bien les intrigues de cour, les apartés, les conversations publiques qui, par le jeu du double sens, signifient plus que ce qui s'y est dit, les méprises sous les masques, les médisances et les rumeurs. Des aveux sont échangés avec le duc de Guise et le pauvre Comte de Chabanes devient complice de cette relation, patient et dévoué malgré sa douleur et ce, jusqu'au sacrifice ultime !
Je ne dévoilerai pas le sort de la Princesse et du duc de Guise : lisez cette courte nouvelle qui préfigure peut-être ce que sera La Princesse de Clèves une quinzaine d'années plus tard. Disons simplement que la chute est morale et met en avant la vertu et la prudence dans une existence harmonieuse et équilibrée, source de bonheur.

Il faut pas oublier la partie historique du récit sur fond des guerres de religion, les différents champs de bataille, le massacre de la Saint-Barthélemy qui se prépare : c'est dans ce domaine que l'aide de Ménage a été la plus utile à Mme de Lafayette pour planter le décor de sa trame psychologique. Cette petite nouvelle tient en haleine car on s'attache aux personnages et à leurs « galanteries » dans la magnificence de la cour de Charles IX. C'est un petit texte à découvrir !
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