Au sixième jour - ou quelques millénaires plus tard - Dieu aurait créé les lacs. Il a eu la main heureuse pour les montagnes. Plus près de nous, les bâtisseurs ont parachevé l'œuvre grâce aux barrages, sans avoir la même touche artistique. En altitude, les lacs, réserves d'eau pure, ont permis aux paysans d'abreuver les bêtes à la saison de la vie en alpage. Ils ont même, si l'on en croit certains auteurs, assuré la sauvegarde de populations entières en période de sécheresse : à l'un des bouts des Alpes, les gravures du mont Bégo expriment une reconnaissance aux dieux qui pourrait dériver d'une situation de ce type.
La palme, en Valais, revient à la "chenegouda", cette créature polymorphe et étrange, reconnaissable au tintamarre qui l'accompagnait la nuit venue, hantait encore les mayens de Pensec en 1928.
La neige elle-même se plie aux caprices de la circulation des masses d'air dans l'atmosphère. Celles-ci n'ont certes pas encore compris le rôle social qu'elles étaient amenées à jouer, elles rechignent, depuis quelques années, à se mettre en mouvement au bon moment. La désolation s'empare de la montagne. Les puits de l'or blanc se tarissent. [...] Les touristes, marqués par la mode, fuient ce monde qu'ils n'ont jamais cru hospitalier, pour s'abriter à l'ombre des cocotiers tropicaux.
"Mais quand je fus sur le sommet inondé de soleil, avec les brumes au-dessous de moi, en vagues ondoyantes, une joie sans bornes chanta dans mon cœur et envahit mon corps. Et l'ivresse de cette heure, passée là-haut à l'écart du monde, dans la gloire des hauteurs, pourrait suffire à la justification de n'importe quelle folie"
(G. Gervasutti, Montagnes, ma vie)
Sans doute éprouvait-il ce besoin vital de "wilderness", d'un espace où l'homme ne fait que passer, sans chercher à le transformer ni à le coloniser.
Il cherchait le bonheur simple d'une aventure partagée avec un ami de cordée.