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Critique de LoupAlunettes


Il est ici.
Les yeux ne voient plus,
les oreilles n'entendent plus,
le coeur s'est mis à chanter comme trois tambours.
Le rouge-gorge a fait trois fois son nid, une unique fois devait rappeler le marié à son devoir,
mais qu'importe,
Le héros était enfin de retour.
Les petits pas pressés de la servante Suzuki ne saurait être plus rapide que la pensée amoureuse,
déjà loin, loin, arrivée à bon port, guettant le bateau peut-être
doux froissements de soie ,
manches amples et décorées des fleurs de la saison renaissante qui se déploient,
souliers de bois crissant à peine le gravier du jardin,
touchant à peine le sol,
le coeur au ventre,
les papillons dansant autour, leur ballet fou et désordonné
rien ne transparaît. La sage poupée de porcelaine est prête pour le bien-aimé tant prié.
Lèvres closes qui se libèrent enfin, brisent la tenue et courbent le trait d'un léger carmin
marque rouge de l'amour du déshonneur, celle de l'étranger qui prit une geisha pour femme,
une sans le sou.
« Oh, Butterfly ! Ne dit-on pas que toucher les ailes d'un papillon le condamne ? »
Les yeux ne voient plus,
les oreilles n'entendent plus,
le coeur s'est arrêté de chanter,
il s'est arrêter de battre.
Une américaine, se confond en pluie de larmes sous son toit,
dans sa maison de bois et de papier.
Elle confie le miraculeux fruit qu'un sakura aux fleurs pales ne saurait garder pour un dernier rendez-vous.

: Cette nouvelle création illustrée librement adaptée de "Mme Butterfly" de l'opéra de Giacomo Puccini et du récit Madame Chrysanthème de Pierre Loti est tout simplement envoûtant par ces images ensorcelantes de beauté et son texte délicat.
Il faut se remettre dans le contexte historique. Les deux oeuvres se situent au 19ème siècle, ère des grands voyages, des explorations en Orient, les peintres et sculpteurs français nous en restituent les découvertes, faisant poser des hommes sur des chameaux, orchestrant dans la pierre des combats d'animaux peu connus, inspirant l'exotisme à la mode par une férocité artistique toute inédite, une déclaration d'une forme d'ouverture sur le monde.
Pierre Loti raconte le mariage d'un officier et d'une japonaise dans son récit, inspiré de sa propre expérience.
David Belasco adapta sur les planches de théâtre "Madame Butterfly", la nouvelle de 1898 de John Luther Long, qui fait écho au nouvel engouement des américains de l'époque pour la culture japonaise.
Ecrite, jouée ou chantée, "Madame Butterfly" recevra un mauvais accueil de la critique, l'opéra de Puccini fut d'ailleurs couvert par des bruits d'oiseaux et autres caquètements de Basse-cour, l'anecdote mentionne l'éventuelle action de la concurrence. Puccini ne s'en laissa pas compter par l'adversité et redécoupa en trois actes son oeuvre musicale qui est à présent un chef d'oeuvre incontournable de la tragédie.
"Madame Butterfly" n'est pas la geisha "Chrysanthème" qui profitera en or sonnant et trébuchant de ses accointances avec l'étranger. Elle, tombe amoureuse, rompt la tradition et se voit presque damnée par amour, abandonnée, offrant courageusement son enfant à sa rivale en échange d'un dernier rendez-vous avec l'aimé qui l'a trahi. Digne d'une tragédie grecque!
Les premières pages du livre de Lacombe, qui amorce leur première magie en se dépliant comme un paravent, soigneusement décoré sur son revers, accueillent nos sens, les éveillent à la poésie des mots, des images que distillent les décors et traditions de la culture présentée.
Benjamin Lacombe fait résonner dans son texte quelques mots particuliers de la langue française, comme une évocation de fleurs exotiques car peu employés, ceux et celles qui ne connaissent pas le sens du terme "Logorrhée" seront ironiquement quitte pour se trouver dans l'état d'esprit du personnage à l'écoute de la langue japonaise, terme dont la définition traduit un vif flot de paroles.
Pierre Loti expliquait ces mariages pendant les missions de longues durées comme pratique courante.
Ce qui offrait probablement un cadre honorable au profit de cette belle compagnie, bien éduquée et très cultivée.
Butterfly se présente comme un joyau sans pareil, d'une perfection dictée par son éducation. Elle est devenue Geisha par nécessité et se trouve sauvée de la pauvreté. Pensant toujours bien faire, trop peut-être, elle ne saura percevoir le désintéressement progressif de l'officier devant cette vie trop réglée et ces multiples artifices qui ont peu de sens pour lui. Fidèle et amoureuse, Butterfly veillera trois années le retour de son héros qui lui est revenu à sa réalité.
Nous ne sommes pas dans un amour impossible classique à la Roméo et Juliette, l'auteur présente ce pleutre prince sous un mauvais jour, un conquérant qui fera fî des recommandations qui lui furent données et désira posséder la jeune femme par égoïste convoitise. L'auteur transpose la tragédie au Nagazaki de 1945, la référence de la bataille de Manille attestant, accentuant l'effet dramatique et laissant une amertume encore plus appuyée.
Toutefois, même désabusée, la magie amoureuse de cette tragédie mélancolique reste puissante, elle survit grâce aux illustrations superbes de l'auteur qui nous font baigner dans l'émotion, rend hommage à cette femme forte. La nature se confond parfois avec le personnage, nous rappelant un peu du Myiazaki, entre magie et animisme, mais surtout, faisant écho à la nature éphémère de la belle créature.
Benjamin Lacombe s'amusera à signer son travail de ses fidèles "Carlin". L'auteur à un vrai goût du bel objet comme il avait commencé à le faire remarquer avec "La petite sorcière" et son "Herbier des Fées".
Un album à conserver, à offrir-il est cher, il est vrai- sinon à admirer dans votre bibliothèque la plus proche! Que du plaisir!
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