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Critique de Sarindar


Dire "non", c'est le courage de l'homme d'exception. Un "non" d'autant plus remarquable qu'il vient d'un homme censé obéir, parce que militaire et officier. Quand d'autres, notamment Pétain, qui avait été son supérieur et qui s'était servi de De Gaulle comme d'un porte-plume entre les deux guerres, se couchèrent devant l'occupant en accusant les politiques en place avant eux et en n'ayant même pas le courage de reconnaître que l'armée française n'avait pas su prévenir l'invasion, enfermée qu'elle était dans la logique de la défense arc-boutée sur la ligne Maginot alors que le colonel De Gaulle, à l'instar d'officiers américains, anglais et allemands prônait l'usage de corps blindés non disséminés dans les unités mais regroupés en masse pour faire percée, sous couverture aérienne. Pétain fit déclarer De Gaulle passible de la peine de mort au cas où il tomberait entre les mains des forces "légitimistes" pour sa fuite en Angleterre et son appel - le fameux appel du 18 juin - à continuer le combat contre les forces de l'Axe qui, affirma-t-il dès le début, seraient terrassées par les mêmes moyens mécaniques qui avaient d'abord assuré leur succès.
De Gaulle, le Connétable, le chef emblématique de la France Libre, tint tête à tous ceux qui voulaient étouffer ou minimiser le rôle des forces françaises qui voulaient continuer la lutte à ses côtés : contre Churchil, prêt à le sacrifier sur l'autel de l'entente avec Rossevelt, qui regardait De Gaulle comme un "apprenti dictateur", en réalité pour enfoncer la tête d'une France vaincue et humiliée en 1940 et bonne pour être mise sous tutelle américaine après la guerre, selon le Président des États-Unis. Roosevelt qui maintint longtemps ses relations diplomatiques avec le régime de Vichy, par la personne de son représentant en France, l'amiral Leahy, préféra Darlan à De Gaulle, quand Darlan, présent en Afrique du Nord lors du débarquement américain, se rangea du côté des Alliés contre l'Allemagne et l'Italie, bien qu'il eût été, peu de temps avant cela, reçu par le chancelier Hitler à Berchtesgaden ; le même Roosevelt préféra encore Giraud à De Gaulle, quand Giraud, échappé de sa prison allemande, atterrit à son tour en Afrique du Nord.
Saluons le courage de De Gaulle qui sut rassembler des hommes venus de tous les horizons politiques, des René Cassin, des Pierre Brossolette, des Jean Moulin, des Pierre Mendès France, des Edgar Pisani, etc., et qui le fit certes sans comprendre pendant longtemps l'importance de la résistance intérieure avant qu'on ne lui ouvrît les yeux, et qui sut empêcher les Américains de "démembrer" la France, comme ils en avaient le projet (idée du rattachement du Nord de notre pays à la Belgique) et de mettre en place une monnaie indexée sur le dollar et une administration militaire américaine en France. Il mena un combat de tous les instants, à la fois contre l'occupant allemand pour qu'il subisse à son tour une défaite sans appel, et contre les Alliés qui voulaient profiter de la défaite de juin 1940 pour mettre fin à la "grandeur" française. Gardien vigilant des intérêts de notre pays, Charles de Gaulle veilla à les préserver par tous les moyens, mais avec la nature qui était la sienne, et qui lui faisait confondre sa personne avec le destin de notre pays. Il faisait de cela une affaire personnelle, et c'est à la fois ce qui fait sa grandeur et sa petitesse. Car il devait nous entretenir pendant longtemps dans l'idée que c'était toute la France qui avait continué le combat. Cerise sur le gâteau, il finit par convaincre Eisenhower de laisser la 2ème Division blindée du général Leclerc entrer dans Paris dont les forces vives s'étaient insurgées contre l'occupant allemand en août 1944, alors qu'Hitler, dans un accès de furie, ordonnait au commandant militaire de la place de détruire la capitale française.
Jean Lacouture, avec le style qui est le sien (usage de beaucoup de guillemets), a su rendre un bel hommage à Charles de Gaulle, dont il fut, en d'autres circonstances, comme journaliste, après le retour du Général au pouvoir, en 1958, un opposant responsable. Je tiens ce livre comme l'un des plus beaux qui aient jamais été écrits sur Charles de Gaulle.

François Sarindar
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