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Critique de 974JerLab34


Être enfermé une nuit durant dans un musée est une aventure rare lorsqu'elle est autorisée et qui, a priori, a de grandes chance d'être réjouissante. Lorsque le musée est la dernière demeure de l'adolescente la plus connue de la seconde guerre mondiale, l'épreuve a, en revanche, de quoi perturber. Pour Lola Lafon, un élément supplémentaire ajoute une dimension émotionnelle. Son histoire familiale est marquée par le drame de la Shoah. L'artiste, lors de cette visite nocturne, en s'interrogeant sur Anne Franck mais surtout sur les répercussions de son oeuvre, va questionner son parcours. Dire que Lafon écrit bien relève de l'euphémisme, il ne s'agit pas seulement de la clarté de ses propos mais de l'intelligence et la franchise avec lesquelles elle évoque sa judéité. Que Lola Lafon nous regarde droit dans les yeux sur la couverture du livre montre que l'auteure assume d'être l'héroïne principale de l'ouvrage. Ce sont d'ailleurs les pages où elle relate ses goûts, ses angoisses ou surtout quelques épisodes marquants de son adolescence qui sont les plus poignantes davantage que l'exégèse du Journal. L'introspection est un genre risqué. Quand vous lirez ce livre et que vous comprendrez pourquoi il s'intitule Quand tu écouteras cette chanson, vous admettrez peut-être que cet exercice nombriliste a une portée universelle. Anne Franck, victime de la barbarie, est une victime parmi des millions, à d'autres époques, dans d'autres lieux. Ce livre, récit d'une expérience intime, déclenchera sans doute pour vous aussi des souvenirs…
Deux classes de 3ème… Une grand-mère d'élève rejoint mon cours, je me glisse au dernier rang elle prend place au pupitre. Elle parle longuement puis répond aux questions. La mamie était une enfant juive cachée. Elle parle de son quotidien, évoque ses soeurs et frères et sa mère gazés, son père qui revient du camp, mort vivant, sa vie après. Elle doit s'arrêter parfois, les larmes montent. Les miennes, je les réprime… Ne pas céder à l'émotion devant les élèves. Tenir à distance la pathos pour se concentrer sur la transmission de connaissances essentielles. Mais, Super Mamie se rattrape vite, interpelle un de mes élèves particulièrement métissé et à la Réunion, elle a l'embarras du choix « Toi ! Les nazis, tu les aurais énervés avec ta belle gueule… », un peu plus tard « Moi, les rappeurs, je les comprends. Chaque fois, que je passe devant une gendarmerie, je pense à Vichy. Votre prof là-bas (je rougis), il vous a expliqué ce que c'était vraiment Vichy ? » le cours se termine… « Déjà ? » Une remarque rare… La grand-mère est entourée, remerciée… Deux ou trois élèves m'interpellent « Eh ! Monsieur, c'était trop bien ! Dommage que tous les cours ne soient pas comme ça ! » Allez ! Prendre cette phrase pour un compliment.
Nous avons ensuite continué notre discussion avec ma petite mamie de la Rochelle : elle m'a parlé du deuil, du silence pendant tant d'années et puis, un jour, le besoin de transmettre. Je me souviens qu'à un moment de ce passionnant échange, je me suis dit qu'elle n'aurait pu n'être qu'une Anne Franck anonyme, une parmi des millions… Heureusement qu'il y eut quelques Justes.
Quand je pense que j'ai pu lire sur Babelio des propos négationnistes, signe que cette lèpre mentale n'est pas éradiquée, j'ai la gerbe. Alors, merci à Lola Lafon pour ce livre qui entretient la mémoire, nos mémoires, ma mémoire…
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