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Citations sur L'irrévolution (15)

« On voudrait savoir… on voudrait dire… », me disait-on.
Ce « on », justement, n’était-il pas quelque esclave, messager peut-être de catastrophe, qu’on adresse au grand Khan et qu’on livre aux périls de sa prime colère, parce qu’il est d’importance nulle ?
L’expression verbale étouffait la vraie parole de chacun, celle que je n’entendais pas, sous la montagne qu’on se faisait du discours et de mes jugements tombés de l’Olympe bourgeois. La parole, je devais la dérober, dans l’index pointé, dans l’expression du visage, dans les bribes que je parvenais quelquefois à soustraire aux conversations « sauvages ».
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J’ai perdu ma générosité d’antan ; celle qui me faisait regarder en face la mort du jour, et derrière l’horizon ma propre mort. Et me voilà condamné, maintenant, à compter jusqu’au bout, tremblant avare, les instants de mon agonie ; de mon agonie nourrie, justement, de ses instants comptés. Il faudra que je vive, ou que je meure ainsi, jusqu’au bout.
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On accorde plus d’intérêt, plus d’indulgence, plus de sympathie, plus de respect aux nantis qu’aux dépourvus. Cela, me précise-t-on, est dans l’ordre naturel des choses. On n’a pas tant le souci du juste ou de l’injuste, chez mes élèves, que le goût de l’ordre. Et l’ordre, dans les faits, c’est la hiérarchie, c’est l’inégalité ; alors on défend l’inégalité.
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Finis, les rires des premiers jours ! finies, les revendications sur le cours ! les voilà résignés ; à tout ce que je peux faire ou ne pas faire. Ils se sont adaptés ; ils arrivent même à tirer des notes de mon charabia ; prendre des notes : la seule chose dont ils ne démordent pas !
Or c’est cela, l’important : obtenir qu’ils ne prennent plus de notes ; et pareillement qu’ils discutent ; qu’ils me discutent. Ces notes, qu’ils prennent ; qu’ils prennent indifféremment, quelque bêtise qu’il me passe par la tête : c’est la marque, c’est le signe convenu, c’est l’acceptation de la sujétion.
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Les petits de bourgeois comprennent tout. Ils sont d’une essence qui implique l’intelligence. Quand on est bourgeois, et qu’on n’est pas intelligent, c’est qu’on est bête ; cela ne va pas sans dire avec les autres, les petits de prolétaires. Eux, on ne leur reprochera jamais de ne pas comprendre. C’est rassurant qu’on trouve l’ignorance et l’inintelligence où l’on veut qu’elles se trouvent. Ou bien le monde ne serait pas ce qu’il est.
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Il y a plusieurs degrés dans la pauvreté ; il y a plusieurs rangs dans le prolétariat. Même là, toutes proportions gardées, on retrouve des privilégiés, et les autres. Il y a mes filles des classes commerciales : la crème, comme dit mon collègue ; de gentilles petites personnes, bien mises, fraîches, bavardes,effrontées, amusantes. Et puis il y a les apprentis-chaudronniers, relégués dans les ateliers, derrière un demi-mètre de béton, affairés et laconiques.
La grande différence entre les uns et les autres, la plus immédiatement sensible, c’est précisément que mes filles, que mes élèves des classes économiques parlent ; plus ou moins bien, plus ou moins volontiers ; jamais comme nous, bourgeois, avec notre aplomb, notre « naturel » ; mais enfin ils parlent ; les autres pas. Ceux qui auraient le plus de choses à dire, ou plutôt à redire sur leur compte, ne disent rien.
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Je n’avais que des habitudes ; de tristes habitudes d’enfant gâté, pauvre. Et puis il y avait eu le mois de mai. Alors j’avais eu l’idée d’une autre vie que celle – que j’avais menée jusque-là – d’un petit roi en exil. Depuis mai j’avais moins mauvaise conscience, et de mon ancienne royauté, que je n’avais jamais exercée sans remords, et de l’avoir perdue, sentiments contradictoires, peut-être, mais confondus dans mon esprit par je ne sais quelle chimie morbide.
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La jeunesse, ce n’est pas seulement une question d’âge ; ce serait plutôt une affaire d’éducation, et de classe sociale ; une manière de luxe, accessible à quelques-uns, pas à tous. Pas à mes élèves : ils ne sont pas de leur âge ; ils n’ont pas d’âge ; ils sont de leur classe, celle des gens bien éduqués par la société.
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Ils sont trop convenables, mes élèves ; ils le sont bien trop, et je me sens un garnement devant eux ; je sors les mains de mes poches et je les croise derrière mon dos, parce que j’imagine que ça donne l’air magistral, et que les mains dans les poches ce n’est pas convenable. Et ça ne les fait même pas rire, de me voir embarrassé comme ça : ils ne sont pas de leur âge ; ou peut-être est-ce que leur âge, avoir dix-huit ans par exemple, c’est un privilège réservé à certains seulement ; pas aux petits de prolétaires.
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J’avais appris la philosophie, mais pas pour l’enseigner. Je n’avais même pas appris la philosophie, j’avais seulement lu quelques livres et passé les examens. Et la philosophie, pour moi, en moi, ce n’était pas un savoir ; encore moins quelque chose que je pusse enseigner. C’était plutôt un certain malaise, constant, depuis mon enfance je crois bien. Une question, une pensée ; pas tout à fait une pensée ; quelque chose de lancinant, juste sous la conscience, comme une impatience sous la peau, sur le point d’affleurer ; mais sur le point seulement ; et qui vous irrite sans que vous puissiez l’atteindre. La philosophie, en moi, c’est quelque chose comme le voisin du dessus qui ferait les cent pas dans sa chambre, avec des chaussures cloutées sur son parquet, et qui vous piétinerait les pensées.
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