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Critique de Kenehan


Tout d'abord un grand merci aux éditions Pygmalion et à Babelio pour ce petit shoot policier. de temps en temps, ça ne fait pas de mal et force est de constater qu'en dehors d'Agatha Christie, ma PAL est devenue bien pauvre concernant ce genre littéraire. Ca tombe bien, "Killing Kate", second roman d'Alex Lake, parvient à remplir un minimum syndical malgré… des défauts !

En premier lieu, je vais nous épargner un résumé pour au moins deux raisons : la première est que la quatrième de couverture fait son job et la seconde est que vers la moitié du roman vous aurez devinés de quoi il en retourne. Petite balle dans le pied qui alourdit énormément le final et ce d'autant plus lorsque le tueur déballe tout son sac. Entre une autocongratulation lassante (non, t'es pas aussi intelligent que tu le penses !), un rabâchage des pourquoi et comment (on avait déjà tout compris bien avant, te fatigue pas !) et du blah blah blah interminable, la mort n'est finalement plus une si mauvaise option si l'on s'imagine à la place de Kate. La source de ce gros problème de prévisibilité tient surtout au nombre très faible de suspects et aux trop nombreuses informations partagées. Ainsi, il n'est pas difficile de démêler le tout pour un jackpot si évident qu'il n'en a presque plus aucune saveur. Dommage...

En second lieu, pour un roman policier, ben la police n'est pas au top. Elle est même effacée et peu efficace. Ou l'art et la manière de s'obstiner sur un suspect en faisant tout pour que les preuves plus ou moins circonstancielles, collent. Inutile alors de vanter l'intelligence du capitaine Wynne (elle n'a rien fait et n'a pas plus compris quoi que ce soit !). Si l'on rajoute la tendance paradoxale de Kate a dissimuler des informations, à rester dans le déni (pourquoi pas, on va dire que ça participe au jeu du tueur…) et à vouloir se débrouiller toute seule tout en s'échinant à narguer son prédateur, pas étonnant qu'elle se retrouve coincée en petite proie apeurée. de plus, on ne peut pas qualifier l'ambiance de ce roman d'étouffante, sombre ou anxiogène. Cela en partie à cause de la nonchalance de l'héroïne à poursuivre son dating malgré son instinct. Par moment, je me suis donc demandé si l'on n'était pas ici dans un croisement hybride entre la chick-lit et le policier… Entre ses copines qui la taquinent sur sa ressemblance avec les victimes, ses rencards, son quotidien boulot/dodo et son ex-épave qui ne cesse de s'échouer sur le pas de sa porte, l'aspect policier disparaît fréquemment.

En parlant de Phil (la fameuse épave qui s'échoue immanquablement sur le perron de Kate), il est étrangement le personnage le plus chiant (désolé…) et l'un des plus intéressants. Largué en début de roman, il ne se remet pas de cette rupture si soudaine alors qu'il avait déjà planifié voire même écrit le roman de sa vie conjugale future avec Kate. Certes c'est brusque et douloureux pour lui mais de là à devenir un stalker pleurnichard… Et puis, en réfléchissant, j'en suis venu à la conclusion que, malheureusement, ce genre de mecs existe en vrai avec tout ce que cela comporte de sentiment d'abandon et autre. Alors pourquoi pas ! Ce n'est finalement pas si irréaliste. Sans compter que c'est le personnage qui évolue le plus d'un bout à l'autre du roman. Phil, je te pardonne !

Pour glisser lentement vers une conclusion, "Killing Kate" surfe allègrement sur la vague du fameux Pervers Narcissique. En majuscule évidemment parce que c'est le grand croquemitaine du moment. Les ouvrages se multiplient que ce soit des rééditions théorico-cliniques de professionnels comme Racamier ou Eiguer, des témoignages, des articles plus ou moins pseudo-vulgarisants, de nouvelles productions ou encore des guides pour les "reconnaître" : les librairies et les médias croulent sous cette nouvelle figure monstrueuse. La raison en est simple, les pervers narcissiques manipulateurs sont partout, tout le monde en a côtoyé au moins un dans son entourage privé ou professionnel et beaucoup se vantent d'y avoir réchapper. Loin de moi l'idée de nier la réalité, ça existe mais laissons plutôt les professionnels attribuer ce genre d'étiquettes, suffisamment circulent sans que l'on en rajoute sous prétexte que ça nous arrange bien et nous rassure psycho-émotionnellement. Mon propos n'est pas sans lien avec le roman puisque c'est exactement ce que je déplore chez Kate : sa méconnaissance du sujet que ce soit du crime en série ou de la perversité. Elle balance des idées au bonheur la chance qui sont au mieux des clichés au pire des bourdes. Et je me dis alors qu'il aurait mieux valu que ce soit Beth l'héroïne. Son point de vue aurait été beaucoup plus fort, puissant et légitime pour évoquer les violences conjugales et la figure du pervers narcissique.

En fin de compte, "Killing Kate" est un roman policier léger et maladroit qui se lit somme toute rapidement. Une fois passée la première partie nunuche bourrée de clichés, j'ai pris plaisir dans un milieu d'ouvrage où tout se dénouer et se révéler pour en finir avec une laborieuse et interminable fin gâchée par une trop grande prévisibilité de l'intrigue. Je terminerai sur une lassitude face à la monstroisation (navré pour ce barbarisme) d'une certaine catégorie de criminels voire de la population qui, si elle s'explique par une volonté de distanciation face à des actes inacceptables, n'en cache pas moins la réalité que les monstres n'existent pas et que de tels individus sont justement dangereux parce qu'ils sont humains, à leur manière. La violence et l'inacceptable sont tapis en chacun de nous et comme les dernières pages le montrent, il ne suffit de pas grand-chose, d'une faiblesse, pour franchir cette éternelle ligne entre le Bien et le Mal. Moi je veux bien que certain(e)s (pour ne pas dire beaucoup) réclament mort/torture/sang en avançant plein d'excuses, fondées ou non, pour normaliser et légitimer la chose, il n'en reste pas moins qu'à la fin, ils ne sont pas si différents des monstres qu'ils/elles conspuent. Mais bon, chacun sa morale...
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