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Critique de fanfanouche24


Une lecture des plus enrichissantes...redonnant vie à la personnalité pleine d'ombres et lumières du conteur, Jean Giono !------

"C'est au collège que nous avons lu, pour la première fois, Jean Giono. Nous n'y avons strictement rien compris. Je me souviens du -Chant du Monde-, de ses longues phrases et d'une réalité qui m'était parfaitement, hermétiquement étrangère. La montagne. Les radeaux. Les paysans. Tout
cela était loin dans l'espace et dans le temps, le livre charriait des mots, des métiers et des lieux disparus ou inventés. Nous n'étions pas coutumiers d'une langue si vivace. (...) Disons-le : à la première lecture, tout cela m'a beaucoup ennuyée. (p. 98)


Je pourrai faire mienne cette première appréhension "ingrate" du style de
Jean Giono...Emmanuelle Lambert décrit fort bien ses évolutions de
"lectrice" vis à vis de cet écrivain, ayant sûrement souffert de l'image de l'auteur dit "scolaire" ou plus exactement, faisant partie de ceux qu'on étudie à l'école, par obligation...

Emmanuelle L. évoque son enfance, sa grand-mère en Provence, un professeur admiré, transfiguré lorsqu'il parlait de Giono... et quelque part, ce souvenir est resté ancré dans la mémoire de la jeune élève...

Pour ma part, ce fut à la faculté de lettres, que j'ai rencontré un professeur
de stylistique...complètement emporté par le style de Giono...
J'aimerais avoir pu enregistrer ses cours, les réentendre; je pense que je
les apprécierai aujourd'hui à leur juste valeur !! En dehors de "L'Homme qui plantait les arbres"... je n'ai guère été plus loin dans ma lecture de Giono ,à ma grande honte !!

Cet hommage très franc et convaincant de Emmanuelle L. a donné un nouvel élan à mes tentatives précédentes , avortées, de lire "l'Homme de Manosque"...enfin !

J'adore ce titre... qui va à l'encontre des images stéréotypés qui collent
à la peau de Giono, écrivain de la Provence, du terroir !
Une image trop simpliste... réductrice... bousculée par ce texte de Emmanuelle Lambert, dont j'apprécie, pour la première fois, la plume alerte...et un style très chatoyant !!

"Peut-être était-il difficile de le [Giono ]saisir plus jeune. Les grands livres ont ceci que nous ne lisons jamais la même chose lorsque nous les relisons. Peut-être me fallait-il avoir empilé suffisamment d'épaisseur de temps, de joies, d'échecs et de lenteur pour comprendre ce que Giono dit, depuis son siècle lointain." (p. 36)

Ouvrage qui dépoussière Jean Giono, montre avec finesse ses complexités, son caractère torturé, sombre... loin des images des "santons de Provence"... Cet enfant de vieux, unique, choyé par un père, cordonnier, rempli de bonté, son parent préféré et une mère, repasseuse, ayant vécu de surplus ,la tragédie de la Grande Guerre...!

"J'étais loin de savoir, alors, que ce serait là mon premier contact avec Giono, que les immenses films de Pagnol, -Angèle-, - La femme du boulanger-, venaient de ses livres à qui ils devaient une part de leur grandeur. Et que, dans leur beauté et leur théâtre, ils avaient sans doute contribué à installer ce qu'il faut bien appeler le malentendu provençal, détesté par Giono et qui aujourd'hui lui colle encore à la peau.
Comme il était las qu'on lui entonne toujours la même chanson, Giono a dit
qu'il n'avait mis aucune cigale dans ses livres." (p. 32)

Emmanuelle L. nous raconte ses préférences littéraires...évoque un deuxième écrivain, sur lequel elle a beaucoup travaillé...Je ne résiste pas à la retranscription de ce parallèle quelque peu insolite...

"Dans ma bibliothèque, on trouve, au premier rang, au moins deux poètes autodidactes et merveilleux façonnés par leurs lectures grandioses. Leur langue est une chose si personnelle qu'on ne peut les rapprocher d'aucun de leurs contemporains. Littérairement, Ils sont sans famille. il y a vous, Giono, et votre cadet de quinze ans, Jean Genet. (...)
Si vos oeuvres n'ont rien à voir, votre rapport à la langue et à la culture est le même : il est strictement, rigoureusement intime. vous vous foutez tous deux des passages obligés. On ne vous commandera pas.

Vous avez d'ailleurs atterri dans la même prison militaire, à Marseille, à un an d'écart. Aujourd'hui, vous avez tous deux des manuscrits dans les archives de la Bibliothèque nationale et un dossier dans celles de la justice militaire. Tous les deux, vous n'êtes pas bien commodes." (p. 59)

Ce texte très vivant est aussi le récit de Emmanuelle Lambert , préparant le cinquantenaire de la disparition de Giono...Directrice de la publication du catalogue de l'exposition Giono, qui débutera au MUCEM , à Marseille, vers le 30 octobre 2019...

Je commence à rêver de m'y rendre... L'occasion fabuleuse de découvrir enfin ce MUCEM...à travers cette importante manifestation !...Il me reste cette fois à me plonger dans l'univers et la prose de Giono...avec un regard nouveau, grâce à Emmanuelle Lambert, que je remercie abondamment pour cette publication passionnante et fort éclairante !
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