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Une lecture des plus enrichissantes...redonnant vie à la personnalité pleine d'ombres et lumières du conteur, Jean Giono !------

"C'est au collège que nous avons lu, pour la première fois, Jean Giono. Nous n'y avons strictement rien compris. Je me souviens du -Chant du Monde-, de ses longues phrases et d'une réalité qui m'était parfaitement, hermétiquement étrangère. La montagne. Les radeaux. Les paysans. Tout
cela était loin dans l'espace et dans le temps, le livre charriait des mots, des métiers et des lieux disparus ou inventés. Nous n'étions pas coutumiers d'une langue si vivace. (...) Disons-le : à la première lecture, tout cela m'a beaucoup ennuyée. (p. 98)


Je pourrai faire mienne cette première appréhension "ingrate" du style de
Jean Giono...Emmanuelle Lambert décrit fort bien ses évolutions de
"lectrice" vis à vis de cet écrivain, ayant sûrement souffert de l'image de l'auteur dit "scolaire" ou plus exactement, faisant partie de ceux qu'on étudie à l'école, par obligation...

Emmanuelle L. évoque son enfance, sa grand-mère en Provence, un professeur admiré, transfiguré lorsqu'il parlait de Giono... et quelque part, ce souvenir est resté ancré dans la mémoire de la jeune élève...

Pour ma part, ce fut à la faculté de lettres, que j'ai rencontré un professeur
de stylistique...complètement emporté par le style de Giono...
J'aimerais avoir pu enregistrer ses cours, les réentendre; je pense que je
les apprécierai aujourd'hui à leur juste valeur !! En dehors de "L'Homme qui plantait les arbres"... je n'ai guère été plus loin dans ma lecture de Giono ,à ma grande honte !!

Cet hommage très franc et convaincant de Emmanuelle L. a donné un nouvel élan à mes tentatives précédentes , avortées, de lire "l'Homme de Manosque"...enfin !

J'adore ce titre... qui va à l'encontre des images stéréotypés qui collent
à la peau de Giono, écrivain de la Provence, du terroir !
Une image trop simpliste... réductrice... bousculée par ce texte de Emmanuelle Lambert, dont j'apprécie, pour la première fois, la plume alerte...et un style très chatoyant !!

"Peut-être était-il difficile de le [Giono ]saisir plus jeune. Les grands livres ont ceci que nous ne lisons jamais la même chose lorsque nous les relisons. Peut-être me fallait-il avoir empilé suffisamment d'épaisseur de temps, de joies, d'échecs et de lenteur pour comprendre ce que Giono dit, depuis son siècle lointain." (p. 36)

Ouvrage qui dépoussière Jean Giono, montre avec finesse ses complexités, son caractère torturé, sombre... loin des images des "santons de Provence"... Cet enfant de vieux, unique, choyé par un père, cordonnier, rempli de bonté, son parent préféré et une mère, repasseuse, ayant vécu de surplus ,la tragédie de la Grande Guerre...!

"J'étais loin de savoir, alors, que ce serait là mon premier contact avec Giono, que les immenses films de Pagnol, -Angèle-, - La femme du boulanger-, venaient de ses livres à qui ils devaient une part de leur grandeur. Et que, dans leur beauté et leur théâtre, ils avaient sans doute contribué à installer ce qu'il faut bien appeler le malentendu provençal, détesté par Giono et qui aujourd'hui lui colle encore à la peau.
Comme il était las qu'on lui entonne toujours la même chanson, Giono a dit
qu'il n'avait mis aucune cigale dans ses livres." (p. 32)

Emmanuelle L. nous raconte ses préférences littéraires...évoque un deuxième écrivain, sur lequel elle a beaucoup travaillé...Je ne résiste pas à la retranscription de ce parallèle quelque peu insolite...

"Dans ma bibliothèque, on trouve, au premier rang, au moins deux poètes autodidactes et merveilleux façonnés par leurs lectures grandioses. Leur langue est une chose si personnelle qu'on ne peut les rapprocher d'aucun de leurs contemporains. Littérairement, Ils sont sans famille. il y a vous, Giono, et votre cadet de quinze ans, Jean Genet. (...)
Si vos oeuvres n'ont rien à voir, votre rapport à la langue et à la culture est le même : il est strictement, rigoureusement intime. vous vous foutez tous deux des passages obligés. On ne vous commandera pas.

Vous avez d'ailleurs atterri dans la même prison militaire, à Marseille, à un an d'écart. Aujourd'hui, vous avez tous deux des manuscrits dans les archives de la Bibliothèque nationale et un dossier dans celles de la justice militaire. Tous les deux, vous n'êtes pas bien commodes." (p. 59)

Ce texte très vivant est aussi le récit de Emmanuelle Lambert , préparant le cinquantenaire de la disparition de Giono...Directrice de la publication du catalogue de l'exposition Giono, qui débutera au MUCEM , à Marseille, vers le 30 octobre 2019...

Je commence à rêver de m'y rendre... L'occasion fabuleuse de découvrir enfin ce MUCEM...à travers cette importante manifestation !...Il me reste cette fois à me plonger dans l'univers et la prose de Giono...avec un regard nouveau, grâce à Emmanuelle Lambert, que je remercie abondamment pour cette publication passionnante et fort éclairante !
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En 2016, nous ne sommes pas allés à New York. Pourtant, tout était réservé : billets, logement, pass. On en rêvait depuis si longtemps... Tétanisée par les attentats, j'ai eu peur, peur pour mes quatre enfants. J'ai tout annulé. Ils m'en ont voulu. Mais c'était comme ça. Il a fallu trouver une autre destination, moins loin, moins risquée. Un petit village des Alpes de Haute-Provence ferait l'affaire. La mienne en tout cas. On se rattraperait pour New York, promis.
Ce qu'ils ne savaient pas, c'est que nous posions nos valises dans une région que je connaissais très bien. Je n'y avais jamais mis les pieds. Mais j'avais lu. Beaucoup lu Giono. Depuis les années de fac. Je découvre Giono en licence : au programme, les « Chroniques » : Un Roi sans divertissement et noé. le coup de foudre. Les personnages me fascinent (je tombe amoureuse de Langlois, évidemment), je trouve la construction du récit et les points de vue narratifs particulièrement osés et tellement modernes pour l'époque. J'exulte. À la fin de ma licence, je suis comme Giono lorsqu'il écrit noé : incapable de passer à autre chose ni de travailler sur une autre oeuvre. Qu'à cela ne tienne : mon travail portera sur les chroniques : Un Roi, Les Grands Chemins, Les Âmes Fortes. Pour moi, il ne fait aucun doute que les personnages sont vivants (je vis avec), ils ont donc un corps (je les sens près de moi) : ce sera donc : « Le corps des personnages dans trois chroniques de Jean Giono ». le bonheur...
Bref, la région où j'entraînais mes mômes, je la connaissais bien et je savais qu'à quelques kilomètres de notre gîte, il y avait Manosque, il y avait le Paraïs, Montée des Vraies Richesses...
Nous n'y sommes pas allés tout de suite… Je crois que je voulais garder le meilleur pour la fin.
Et quel meilleur…
J'avais téléphoné quelques semaines avant notre départ. Il fallait réserver. Je n'avais pas bien compris comment ça se passait, on verrait bien...
D'abord, nous avons flâné dans la ville et lorsqu'il s'est agi de nous diriger vers la maison de Giono, impossible de trouver la route. Imaginez ma panique (les gamins s'en souviennent encore). Nous arrivons enfin, tout en sueur, essoufflés… la pente est raide. Nous sommes accueillis par une très vieille femme qui nous installe au jardin, à l'ombre. Il fait très chaud. Il y a un couple avec nous. C'est tout. Elle nous explique qu'elle vient de se faire opérer de la hanche, qu'elle nous fera visiter le rez-de-chaussée mais qu'elle ne pourra pas monter à l'étage. Un universitaire prendra le relais. Elle ajoute qu'elle perd un peu la tête, qu'il ne faut pas lui en vouloir. Et elle commence. Elle a connu Giono et sa femme Élise, elle se souvient très bien d'eux. Elle parle. Elle nous raconte Giono. Je suis assise à l'arrière. Mes enfants sont devant moi et ne me voient pas. Je suis dans un état second. Régulièrement, elle s'arrête. Nous demande ce qu'elle était en train de dire, s'excuse, se reprend. J'ai envie de la serrer dans mes bras tellement je la trouve touchante. Je bois ses paroles. J'ai l'impression que Giono va arriver, que l'on va boire un café, entre nous. J'ai envie que le temps s'arrête. Je ne respire plus. Je ne bouge plus. Je ne veux pas perdre un mot de ce qu'elle dit.
Soudain, je tourne la tête vers l'intérieur de la maison. Derrière une large vitre, dans une pièce qui sert d'accueil, de bibliothèque et de librairie, je vois Sylvie Giono. Enfin, je vois... Giono. Elle lui ressemble tellement. Et là, mes larmes se mettent à couler, mon émotion est telle que je suis incapable de me maîtriser. Je croise les doigts pour qu'aucun de mes gamins ne se retourne et ne me voie dans cet état-là. J'ai les yeux rouges, les joues gonflées, je commence à renifler bruyamment, je tremble de partout. C'est la catastrophe. « Ça va maman? », m'interroge d'un air inquiet ma fille Hélène. C'est encore pire. Je ne contrôle plus rien. Je fais peine à voir. Un désastre. Heureusement, la petite dame ne se rend compte de rien, toute à ses souvenirs bientôt enfuis. Elle nous invite à entrer dans la maison. J'appréhende mes réactions. D'abord, la bibliothèque. La femme prend les livres, les ouvre au hasard pour nous montrer les annotations de Giono. Les yeux me sortent de la tête. L'écriture de Giono, là, petites pattes de mouche au crayon à papier. Nous attendons un peu dans l'entrée. La femme est fatiguée. L'universitaire vient prendre le relais. Soudain, je vois un musicien (un concert se prépare) entrer dans une pièce que l'on ne visite pas. Je sais que cette pièce est la cuisine. Je sais que si je ne force pas le passage, là maintenant, je ne la verrais peut-être jamais. Je le suis. J'entre. C'est incroyable comme la volonté donne des ailes. Il me dit que je n'ai pas le droit d'être là. Peut-être mais j'y suis. Je suis dans la cuisine et je ne bouge pas. Je reconnais les lieux. Je vois le tableau de Bernard Buffet. le musicien ne me dit plus rien. Il attend que j'aie fini de voir, de regarder, de sentir. Il finit par faire ce qu'il a à faire et je finis par sortir. Je rejoins les autres, à l'étage, dans... le bureau de Giono.
Alors là mes amis, c'est le pompon. Nous entrons : je connais tous les coins et les recoins de ce lieu. J'ai vu la pièce, photographiée ici et là, et surtout j'ai vu Giono assis derrière ce bureau. Il n'est plus là mais tout est là de lui, sa veste jetée sur le divan, son chapeau, ses pipes, ses plumes… La pièce n'est pas grande, il fait très chaud. L'universitaire tient à ce que nous soyons à l'aise (il a du boulot avec moi!), invite Hélène à s'asseoir sur le fauteuil de Giono, derrière le bureau. La gamine obéit. Hélène est À LA PLACE de Giono, derrière le bureau. Je ne vois que ça. Moi-même, je m'assois sur le divan. Ma main gauche touche la veste et le chapeau de Giono. Je crois que je suis à deux doigts de m'évanouir. L'universitaire est bavard, bavard, ma fille aînée commence à tourner de l'oeil et s'allonge par terre. Mon fils cadet a pris place dans un fauteuil bas. Je crois que j'ai communiqué à toute la famille mon émotion. Mes enfants découvrent une mère qui n'est plus dans son rôle, qui ne maîtrise plus rien, qui pleure et tremble comme une gamine. Nous redescendons et passons par la grande pièce qui sert d'accueil et de librairie. Sylvie Giono est toujours là. J'aimerais lui parler mais mon état ne le permet vraiment pas. J'envoie Hélène qui, du haut de ses dix ans, commence à trouver cette journée particulièrement pénible. Elle a la mission de demander une dédicace. La gamine y va, fait la demande. Je vois Sylvie Giono qui s'avance vers moi. J'aimerais lui parler. Je pleure, je bafouille un « vous lui ressemblez tellement », elle comprend, m'embrasse. Lorsque nous redescendons vers le centre de Manosque, je marche comme si j'avais bu. Je dois avoir de la fièvre. Je suis vidée, j'ai l'impression de finir un marathon. Mes gamins sont hilares. Ils auront des trucs à raconter en rentrant.
Bref, je me rends compte que je suis la reine de la digression et que je n'ai toujours pas parlé du livre d'Emmanuelle Lambert (mai je voulais vous préciser que mon rapport à Giono et à son oeuvre est un peu particulier, un brin viscéral peut-être...)
Une biographie de Giono. Bon. J'en ai déjà lu pas mal. Oui mais celle-ci, elle est vraiment bien. Ah d'accord. Allons-y. Voilà comment je suis entrée dans l'oeuvre...
Comme je me suis régalée ! Et ce, pour plusieurs raisons : un, c'est un texte vivant, personnel, sensible (et rien ne me touche plus que le lien qu'un lecteur entretient intimement avec une oeuvre), puis, c'est un texte qui ne cherche pas l'exhaustivité (on s'en moque) mais plutôt, le coeur, l'essence, l'esprit de l'oeuvre et de l'auteur, un texte qui sait s'attarder sur ce qui à première vue pourrait sembler être un détail mais qui en réalité est lourd d'un sens qui n'apparaît pas au premier regard et puis, Emmanuelle Lambert, et c'est bien là l'essentiel, a compris Giono, a compris son oeuvre (et en plus, on est d'accord… donc elle a raison, n'est ce pas? Oh ces mots sur Un Roi « les plus aguerris portent dans leur coeur Un roi sans divertissement, livre étincelant de blancheur, enrobé dans un désespoir calme. le point final apposé auprès du mot « chef-d'oeuvre ») Elle évoque aussi cette maison dont je vous ai très longuement parlé (inutile de vous dire que j'ai lu ces pages avec beaucoup d'émotion et adoré que me soient données des précisions sur l'alarme, la clenche montée à l'envers…) C'est tellement vrai que cette maison tient « du mémorial et de la location de vacances »… Lors de notre visite, on nous avait dit que la maison avait été rachetée par la mairie, qu'on ne rentrerait plus comme ça dans les pièces, qu'il y avait eu des vols. Visiblement, Emmanuelle Lambert y est allée un peu après nous, au moment du grand déménagement.
Et puis, j'ai appris des choses, l'une en particulier m'a éclairée. Et j'ai mieux compris ce que je pressentais, ce que j'avais deviné… Jusque là, un morceau du puzzle n'entrait pas. Il me restait une pièce que le livre d'Emmanuelle Lambert m'a enfin permis d'emboîter. Je ne vous dirai pas laquelle. À chacun sa part de mystère… Il m'a fallu du temps pour la trouver. Vous allez, avec Giono, furioso prendre un sacré raccourci ! Veinards !
Lien : http://lireaulit.blogspot.fr/
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Quand Emmanuelle Lambert écrit : « Giono s'est tant laissé aller à son goût de l'auto-invention qu'on le perd légèrement en route : lovés dans la chaleur de sa parole, pris dans le plaisir de se laisser mener au bout du compte, on oublie les livres, on inverse l'ordre des priorités. », elle ne croit pas si bien dire, elle aurait pu écrire tellement sa phrase le suggère : pris dans le plaisir de se laisser mener au bout du conte.
Dans son Giono furioso, elle rappelle à chacun a son Giono, un Giono multiple que l'on découvre différent à mesure qu'on le lit mais aussi à mesure que l'on vieillit que l'on gagne en sagesse ou en extravagance.
Elle regarde l'homme Giono, ce moqueur à la pipe dont le regard vous dévisage avec un rien de goguenardise comme s'il vous défiait de le débusquer. La photo du N° 100 de la revue l'Arc consacrée à Giono est révélatrice de ce regard facétieux et mérite le détour https://www.babelio.com/livres/LArc-N-100-Jean-Giono/716513.
En nous faisant partager son amour pour Giono, Emmanuelle Lambert interroge le lecteur sur sa propre passion ou sa détestation de Giono.
Loin de l'homme de Manosque ou du provincial, elle présente son Giono, un Giono écrivain reconnu par la littérature, ses auteurs les plus prestigieux - Malraux qui le considère comme « cette eau de source du roman » - Paulhan, Gide et ses éditeurs phares Grasset et Gallimard.
La leçon du livre est qu'il faut garder son propre Giono, celui dont Emmanuelle Lambert a lu le chant du monde dans un collège de la banlieue parisienne – au pied d'une ligne de RER - dont elle dit « Nous n'y avons strictement rien compris. », elle avait douze ans, et dont elle écrit maintenant qu'il est un « apôtre de l'écologie avant la lettre. » osant écrire à l'époque nous n'avons « pas plus de droit que la bête. »…Une phrase qui sonne dans l'époque actuelle.
Elle nous parle aussi du Giono dont la mère lorsqu'elle évoque ses livres « les prend pour de la rigolade », du Giono dont le père avait prophétisé « tu te tromperas comme moi. », du Giono pacifiste et soupçonné de collaboration avec l'occupant.
Alors qu'elle est dans la maison de Giono en compagnie de l'association des amis de l'auteur, Emmanuelle remarque une étiquette apposée par une de ses deux filles sur un tiroir « papa en vrac ».
Je partage cette idée d'un Giono « En vrac », qui se livre à nous sans artifices.
Plus jamais ça nous dit Emmanuel Lambert « (…) on dit Giono et l'affaire est dans le sac. « Ah oui, Giono » (air pénétré). »
Un des meilleurs livres sur Giono qui n'ait jamais été publié. Qu'on se le dise !

Lien : https://camalonga.wordpress...
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Emmanuelle Lambert, commissaire de l'exposition en honneur à Jean Giono et son oeuvre, et qui ouvrira ses portes le 30 octobre prochain au MUCEM de Marseille, se décide à écrire un essai sur cet auteur emblématique. Je peux d'emblée vous dire que j'en ressors conquise.

Jean Giono est incontestablement l'une des grandes figures de la littérature du vingtième siècle. Qui ne connaît pas ce grand auteur, duquel on a lu tant de livres, parfois avec un ennui poli lorsque nous étions jeunes, tout comme l'auteure, mais en apprivoisant peu à peu ce style si particulier ? C'est d'ailleurs grâce à l'enthousiasme immodéré de l'un de ses professeurs, monsieur S., que l'auteure admet ne pas avoir renoncé à découvrir Giono plus tard.

C'est un bel hommage que va ici livrer Emmanuelle Lambert à cet auteur. Elle ne va pas se contenter de consacrer son essai à l'oeuvre de l'écrivain, mais elle mettra également en avant la source de ses écrits. Lorsque l'on évoque Giono, on pense immanquablement à la lumière, à la Provence, mais Emmanuelle va mettre en exergue cette part d'ombre qui ressort des romans, cette obscurité qui, sans elle, ne permettrait pas à toute la luminosité de l'oeuvre de Giono de ressortir. Il y a une véritable dualité que l'auteure nous explique avec finesse et clarté.

Rédiger un essai sur un écrivain nécessite une parfaite connaissance de ses oeuvres. Et il faut dire que l'auteure a excellé dans ce domaine, maîtrisant les écrits de Giono à la perfection. Elle connaît son sujet et c'est essentiel pour une parfaite immersion du lecteur.

En marchant dans les pas de Giono, Emmanuelle Lambert va nous rapprocher de lui, et laisser de côté la part uniquement écrivaine de l'auteur. Elle va nous présenter diverses facettes, qu'elles soient humaines ou sociales, de cet auteur au quotidien si riche. J'ai tour à tour découvert une personnalité sensible, complexe, lumineuse, mais également avec ses parts d'ombre. Pour Emmanuelle, Jean Giono est le « furieux » et cette fureur de vivre se reflètera tout au fil des pages.

La plume est sublime. Tantôt délicate, tantôt furieuse, elle s'harmonise à la perfection avec le sujet du livre. L'auteure parsèmera son essai de quelques réflexions personnelles que j'ai trouvées fort intéressantes, et nous livre une analyse des oeuvres de Giono, avec beaucoup de respect, d'admiration et de justesse.

Cet essai constitue un magnifique hommage à la mémoire de Jean Giono, l'une des grandes figures littéraires du vingtième siècle. Sous une plume sensible et furieuse à la fois, et grâce à une connaissance exhaustive de l'oeuvre de cet écrivain, Emmanuelle Lambert nous livre ici un document de poids, qui mettra en exergue bien d'autres facettes de Giono que celle du simple écrivain. Une réussite.
Lien : https://mavoixauchapitre.hom..
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J'ai adoré cet ouvrage de la main d'Emmanuelle Lambert. Elle évoque la vie de Jean Giono sans en dresser la froide biographie. Sa vie et son oeuvre dois-je préciser, ou plutôt sa vie à partir de son oeuvre. Ses ouvrages les plus connus comme ceux restés presque confidentiels. Ces derniers surtout dans lesquels elle est allée dénicher les pans les plus intimes de la personnalité de l'écrivain. Ceux qui à défaut de briguer la célébrité dévoilent des dessous, des travers aussi bien que des qualités étouffées par la pudeur. Comme cet amour qu'il vouait à son père, sans jamais le dire ou l'écrire, ou celui dirigé vers son ami Louis dont la guerre a enseveli l'innocence dans la boue des tranchées. Autant de sentiments qu'il faut trouver entre les lignes, ou dans ce regard un brin malicieux de son auteur.

Emmanuelle Lambert fait naître une intimité avec son sujet. Elle s'adresse à lui dans cet ouvrage, lui témoigne son assentiment quand il se déclare pacifiste après la première guerre mondiale, écologiste avant l'heure quand il voit ses contemporains mépriser les campagnes, mais elle l'admoneste aussi quand il a une position beaucoup plus ambigüe durant la seconde guerre mondiale. Mais toujours elle admire l'auteur. Elle aime celui qui sait parler au coeur, trouver et arranger les mots qui font vibrer l'être intérieur. Elle l'intronise comme l'un des plus grands stylistes de la langue française.

Formidable ouvrage fait d'une écriture riche, érudite et sincère. Un ouvrage très personnel quand Emmanuelle Lambert entremêle des pans de sa propre vie dans sa démarche à la rencontre d'un Giono qu'elle est allée dénicher dans ses murs à Manosque. Regrettant que les palmiers qui font le décor de certaines photos de l'auteur soient dévorés par le parasite qui a gagné toute la Provence. C'est une partie de Giono qui se dissout dans le temps. Son ouvrage à elle a lui aussi ses tournures poétiques et allégoriques qui lui confèrent la chaleur de l'amitié. Si ce n'est plus. Ouvrage d'une passionnée à l'égard d'un écrivain pétri d'émotions. Avec cette pointe d'amertume à l'égard de l'espèce à laquelle il appartenait quand elle se fourvoyait dans la guerre ou dans la destruction de son milieu de vie. Très bel ouvrage, incitatif à se précipiter vers ceux de son sujet pour se frotter à l'âpreté des caractères de personnages qu'il a si bien dépeints.
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Giono, Furioso est un essai consacré au grand écrivain Jean Giono.
Rien de bien spécial, jusque là le titre était assez clair.
Mais pourquoi Furioso ? Et bien à vrai dire je me pose encore la question après avoir refermé la dernière page du livre.
Effectivement, l'auteur fait quelques liens avec L Arioste et son Roland Furieux (Orlando Furioso en VO), et sur la fureur de vivre de Giono, mais sans plus.
Parlons-en, de l'auteure (trice ?). Commissaire de l'exposition Giono au MUCEM, elle s'est plongée dans les romans, l'oeuvre et la vie du grand écrivain français pour réaliser l'itinéraire des visiteurs du musée marseillais. J'en ai été, d'ailleurs. Elle a alors découvert ce qu'un reste de modestie m'empêche d'appeler l'eau tiède, mais ce reste est minuscule: Que Giono n'est pas le poète des cigales, le conteur de la Provence éternelle, du soleil et du Mistral. Mais bien plus que cela, avec sa part d'ombre, ses lâchetés, ses bassesses, ses petitesses, ses trahisons.

Bon, j'ai été un peu méchant en parlant d'eau tiède, mais tout lecteur attentif de Giono a bien vu que son oeuvre était parcourue de noirceur, de pessimisme, de désir puissant, de mort et de violence aussi. Et de là à comprendre que sa vie ne fût pas une longue Durance tranquille... il n'y a qu'un pas. Durance, qui jusqu'il y a peu était encore au nombre des fléaux de la Provence (avec le Mistral et le Parlement).
Qui a parcouru ses journaux sait ce qu'à vécu l'écrivain, quelles furent ses positions lors de la deuxième Guerre Mondiale. Et ses ennuis, ses prises de distance avec les communistes, ses publications dans les journaux collaborationnistes, mais aussi sa protection accordée aux résistants, à des familles juives.
Ses tromperies à sa femme, aussi. On le sait, il n'était pas un ange.
Le talent d'Emmanuelle Lambert n'est donc pas de nous offrir des scoops à toutes les pages, mais plutôt de rebrasser tout ça, de le synthétiser dans un beau portrait, tendre mais qui ne laisse que peu de zones d'ombres, pour le meilleur et pour le pire.
Le style est délié, agréable, on passe du présent au passé, de la famille de l'auteur à sa vie puis à son oeuvre, de la préparation de l'exposition au Mucem à des souvenirs plus personnels de l'autrice.
A lire peut être pour découvrir Giono, ou pour passer encore un petit moment à ses côtés quand on a (presque) tout lu de lui.
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Imaginez votre rencontre avec un inconnu qui vous parle de son amour pour une femme que vous avez aimé aussi (ça marche aussi au masculin) . Jalousie , complicité , sourde inquiétude ? C'est pourquoi j'ai abordé cet ouvrage à pas de loup car mon long compagnonnage amoureux de l'oeuvre de Giono me rendait étrangement méfiant. Cette inconnue allait-elle me dévoiler à mon grand dam quelque aspect inconnu de moi ? Déflorerait-elle ma passion à coup de sournoises révélations ? Eh non ! Ce livre est l'expression d'une compréhension de l'auteur et de l'oeuvre pleine d'empathie, sans flagornerie , ni pédantisme . L'essayiste pousse le mimétisme jusqu'à , comme Giono à propos de Virgile, de Melville , de Machiavel , mêler sa propre biographie à celle du sujet . Beau travail.
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A l'aube du cinquantième anniversaire de sa mort, Jean Giono, revient en force, pointant le nez d'un purgatoire littéraire dans lequel on le laissait un peu croupir. le MUCEM de Marseille le célèbre avec une grande exposition et sa commissaire, Emmanuelle Lambert, se voit décerner le Fémina 2019 du meilleur essai, pour son flamboyant ouvrage sur celui qui pâtit de l'image un peu fausse d'un écrivain provençal à la Pagnol.
Se plonger dans "Giono, furioso", même si on ne connaît que peu l'auteur du " Hussard sur le toit" , c'est ressentir le mistral des mots qu'une auteure totalement inspirée, emportée par son admiration vous offre avec passion. Et même si vous n'avez jamais posé vos yeux sur un roman de Giono, il serait étonnant qu'une fois cet essai refermé vous ne fonciez vous plonger dans "Un roi sans divertissement" ou "Un de Beaumugne", tellement la fougue et l'intense envie de partage qui émane du livre est communicative. Il faut dire qu'Emmanuelle Lambert, en plus d'être totalement passionnée par son sujet, envoie valser les conventions du genre. Son livre est un essai mais métissé d'une biographie et de tout un tas de considérations personnelles, parfois autour de l'air du temps qui donnent à un sujet que l'on aurait pu penser très académique, une légèreté formidable. Elle fouille les archives, lit tout ( et quand on voit la quantité des écrits, c'est une performance), interroge les descendants, interpelle Giono, le sermonne, interprète sa production, glisse des anecdotes, se confronte à son passé ( autant l'enfance que la zone grise de l'occupation), à l'aigreur de son journal, ausculte sa sexualité...et de pages en pages nous le rend de plus en plus vivant, de plus en plus complexe, de plus en plus intéressant. Elle interroge aussi l'image qu'il véhicule, nous parle de celle qu'elle avait de lui avant qu'elle ne soit plongée dans la préparation de l'exposition et de ce livre... et nous engage à nous poser cette même question : "Et pour vous, c'est quoi Giono ? ".
Oui, pour moi, c'est quoi Giono ? La question est intéressante, car , j'ai eu, jusqu'à peu, une image assez banale de cet auteur. Tout d'abord, je n'avais jamais lu Giono ! Au lycée, aucun prof ne me l'avait présenté ( pas même un extrait du Lagarde et Michard de l'époque) et ensuite, il fut victime des adaptations cinématographiques Pagnolesques, le rangeant dans mon esprit pour un écrivain provençal très académique ( comme le fut Pagnol). Et puis, les hasards de la vie font que l'ami de ma fille cadette se mette à écrire un mémoire sur Giono... Evidemment, ne l'ayant jamais lu, et pour pouvoir entretenir d'intéressantes conversations, j'ai, cet été, sur son conseil, ouvert " Un roi sans divertissement". Et donc, une après-midi d'août, sur une plage girondine, j'ai ouvert ce Folio qui m'a littéralement scotché sur le sable ! Oubliés l'Atlantique, les vagues et les touristes allemands jouant aux raquettes, j'ai été transporté dans un village perdu quelque part en Isère... Quel style, quel regard sur les hommes et surtout quelle modernité dans la construction et l'écriture ! Un choc, une découverte, qui fait pâlir la plupart de nos écrivains contemporains ! Voilà, j'avais ( mieux vaut tard que jamais ) rencontré un des grands auteurs français !
Et pour revenir à l'essai d'Emmanuelle Lambert, il est certain qu'il saura vous (re)conduire direct vers les ouvrages de Giono, car sa force de conviction, celle émanant d'une amoureuse et d'une passionnée qui sait être simple mais poétique, enflammée et littéraire, est hautement communicative. Les dames du Fémina ont décidément très bon goût !
Lien : http://sansconnivence.blogsp..
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Enfin Giono dépoussiéré de cette image de bon grand-père qui écrit les cigales et les lavandes. Voilà extirpé l'écrivain du soleil qui brûle, de l'humus et du sang. Celui que la violence fascine et terrorise, qui plonge entre les racines ses mains aux ongles noirs. Magnifique et indispensable pour qui lisent Giono.
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Comment aborder l'oeuvre d'un écrivain et se défaire des poncifs qui lui sont attachés ? Giono, par exemple, ne serait-il que ce boniface replet, adepte d'un scoutisme laïc, pacifiste forcené et collabo adventice qui, "avé l'assent", fait pigner Orane Demazis et braire Fernandel ?

Emmanuelle Lambert, dans son formidable essai, filtre Giono, cette "eau de source du roman" (dixit Malraux), pour étancher notre soif de découverte. Sans aménité, ni indulgence, elle brosse du grand homme un portrait purifié de ses scories. L'on y entrevoit un immense romancier minéral, un poète de l'humaine tératologie, un amoureux charnel des terres arides et cela donne une envie furieuse de le dévorer.

Mêlant ses propres souvenirs à ceux de l'écrivain, traquant la vérité dans les détails d'une photographie ou d'une correspondance, humant l'atmosphère du Paraïs, la maison du grand homme, Emmanuelle Lambert esquisse un Giono, tour à tour fils, père et amant avec nuance et passion.

Un fructueux sésame... A moi, Regain, Jean le Bleu et autre Hussard sur le toit !
Lien : http://lavieerrante.over-blo..
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Les écrivains et le suicide

En 1941, cette immense écrivaine, pensant devenir folle, va se jeter dans une rivière les poches pleine de pierres. Avant de mourir, elle écrit à son mari une lettre où elle dit prendre la meilleure décision qui soit.

Virginia Woolf
Marguerite Duras
Sylvia Plath
Victoria Ocampo

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Thèmes : suicide , biographie , littératureCréer un quiz sur ce livre

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