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Critique de Franz


La genèse de la Shoah.
En 2015, deux ans après la sortie du film « le dernier des injustes », Claude Lanzmann fait paraître sous le titre éponyme l'interview du grand rabbin de Vienne sorti vivant du ghetto juif de Theresienstadt, Benjamin Murmelstein (1905-1989) qui se faisait appeler « le dernier des injustes ». Theresienstadt, « ghetto modèle » voulu par Adolph Eichmann préfigure la « solution finale à la question juive » recherchée par les nazis.
A partir du matériel documentaire accumulé pour la réalisation du film monumental « Shoah » (1985), Claude Lanzmann a puisé la matière de quatre autres films, « Un vivant qui passe » (1997) relatant la visite de la Croix-Rouge à Theresienstadt en juin 1944, « Sobibor, 14 octobre 1943, 16 heures » (2001) centré sur le soulèvement du camp d'extermination et les meurtres d'officiers nazis, l'incroyable fait d'armes étant narré par un survivant exceptionnel, Yehuda Lerner, âgé aujourd'hui de 90 ans, « le rapport Karski » (2010) dans lequel Jan Karski (1914-2000), résistant polonais, expose clairement lors de son entrevue avec le président américain Roosevelt en 1943, les crimes perpétrés contre les juifs et enfin « le dernier des injustes » (2013).
Le film et le livre s'imbriquent et se répondent mais, dans leurs trajectoires parallèles, ils ne dispensent pas les mêmes effets. A l'image et à la parole, aux non-dits, aux intonations, à la faconde visibles dans le film, le livre, avec son propre tempo, n'offre que ses mots et le fracas de leur silence mais la possibilité, en lecture approfondie, de penser et de ressentir l'indicible.
Le livre à deux voix revient sur la création du « ghetto modèle » de Theresienstadt situé à une trentaine de kilomètres de Prague. Benjamin Murmelstein, troisième doyen à présider le « Conseil juif » après l'assassinat des deux premiers, travaille sous le joug des nazis et notamment d'Adolf Eichmann, officier zélé, opportuniste et corrompu, véritable « monstre » bien éloigné du cliché véhiculé par Hannah Arendt sur la banalité du mal lors du procès du criminel nazi en 1961. Nanti d'un passeport diplomatique, Murmelstein aurait pu quitter le ghetto avec femme et enfant mais il a préféré assumer son rôle dans l'antre du diable. Accusé de collaboration après guerre, jugé puis innocenté, Murmelstein s'est exilé à Rome et n'a jamais été autorisé à se rendre en Israël. Avec son air débonnaire, ses questions aiguës et lancinantes, Claude Lanzmann fouaille la pensée et tisonne la parole de son interlocuteur. le lecteur peut ressentir de l'admiration chez Claude Lanzmann pour le « dernier des injustes », son courage, son intelligence et sa détermination. Illustré de dessins et de photographies noir & blanc, le témoignage exceptionnel et lucide parle clairement de la conception de la Shoah.
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