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Critique de KrisPy


Serge Larivée est professeur et chercheur en psychoéducation (psychopédagogie) et en andragogie* à la faculté des Sciences de l'Education de l'Université de Montréal, Québec. Il a travaillé auparavant pendant des années en école primaire comme enseignant en adaptation scolaire et comme directeur.
Il a co-écrit plusieurs livres autour du thème de l'éducation, de l'apprentissage et de l'intelligence. Il a publié, entre-autres, « La fraude scientifique et ses conséquences » en 1994, et il est également co-auteur de nombreux articles qui ont bouleversés la vision du public sur certaines personnalités modernes, comme Mère Teresa, Françoise Dolto ou encoreSigmund Freud.
*Andragogie : l'andragogie fait partie des sciences humaines, c'est un concept relativement récent (fin 70, début des années 80) qui englobe les pratiques de formation pour adultes, différentes des méthodes d'enseignement pour enfants (pédagogie). Former c'est modifier le comportement, car l'adulte n'est pas malléable comme l'enfant, il a déjà créé sa personnalité, ses acquis sont profondément ancrés, et son sens critique le rendent moins enclin à accepter le changement. «Réapprendre» n'est pas une évidence. le formateur, l'intervenant (on ne parle pas là d'enseignant) doit apporter les outils nécessaires à ces modifications du comportement, et laisser l'adulte s'en emparer et les faire siens, tout en le guidant, en lui ouvrant de nouvelles perspectives, en lui apportant, dans un ensemble cohérent, les outils, le matériel nécessaire, pour acquérir un nouveau comportement.
Enseigner c'est apporter du savoir. Former c'est apporter du savoir-faire.
L'andragogie est donc le terme qui regroupe les techniques de transmission de ce savoir-faire, ainsi que les moyens mis en oeuvre pour modifier les comportements déjà ancrés, avec bien-entendu l'assentiment du demandeur. (Dans le cas contraire, nous aurions affaire à de la manipulation…)
Serge Larivée tente ici, avec « Quand le paranormal manipule la science », de décupler notre scepticisme et notre sens critique envers le paranormal en général, et les pseudosciences en particulier, et d'emblée, Larivée se montre très malin en usant des armes de ceux dont il nous somme de nous méfier, en mettant le mot « paranormal » dans son titre, il se sert de son effet attractif instantané auprès du public…
Cependant, il faut savoir ce que regroupe ce terme de paranormal pour Serge Larivée : il englobe le paranormal dit « fantastique » (fantômes, extra-terrestres, croyances ésotériques diverses, etc…), les religions, mais aussi les pseudosciences telles que la télépathie, l'astrologie, la psychanalyse (oui, Larivée met sur le même plan la télépathie, l'astrologie et la psychanalyse… cela m'a fait bizarre aussi) et même l'homéopathie (rappelons que Larivée est canadien, et qu'au Canada le sectarisme est légale, par contre il n'y a pas de reconnaissance officielle pour les médecines douces, dites alternatives comme l'homéopathie, l'ostéopathie… pour Larivée, il semble que toutes les médecines «parallèles» soient du charlatanisme, même l'homéopathie et l'ostéopathie, reconnues en France.
Revenons à notre sujet de départ, cet ouvrage, qui je l'avoue, m'a parfois rebuté avec son vocabulaire universitaire chargé et surchargé de références que je n'ai pas pu vérifier, mais qui, j'ose l'espérer venant de Serge Larivée, sont scrupuleusement authentiques.
Pour cela, c'est amusant, je dois faire appel à plusieurs des principes qu'utilisent les manipulateurs afin de nous duper, et contre lesquels nous met en garde Larivée (chapitre 3) : la méthode de l'autorité - en effet je fais confiance à Larivée, spécialiste, pour ne pas me communiquer des informations fausses-, la méthode du témoignage - sur le même principe que le précédent -, et j'illustrerais mon propos en citant Larivée : « Au total, il est clair que les six méthodes des préscientifiques d'acquisition de connaissance présentées ici sont, dans la conduite de la vie quotidienne, beaucoup plus confortables que l'acceptation du doute systémique inhérent à la méthode scientifique qui demande continuellement à voir avant de croire. » Et oui, on ne peut pas constamment vérifier tout tout le temps. Mais il faut être éveillé, et garder l'esprit alerte.
Dans le premier chapitre, Larivée expose les bases des fondements, lois, éthiques, qui régissent le monde des sciences et des chercheurs scientifiques en sciences dites « dures » : mathématiques, chimie, physique, biologie, etc… en opposition aux sciences dites « molles » : les sciences humaines, dont la psychologie, la psychoéducation.
Le second chapitre vise à étayer son propos en faisant ce qu'il appelle « l'état des lieux », c'est-à-dire qu'il essaye d'évaluer le nombre de croyances et leur engouement auprès des gens (en gros, le pourcentage de gens qui croient à quoi et quand). Ce chapitre comporte 8 pages, 5 tableaux. Mais ces tableaux ne montrent pas vraiment de résultats probants, si ce n'est que les croyances fluctuent, selon les périodes, allant même jusqu'à s'inverser complètement à d'autres. de plus, ses études ont été faites dans des pays différents à des périodes différentes, mais pas vraiment synchrones, puisque questionnant sur des croyances en partie différentes. Larivée lui-même admet que ces études ne sont pas vraiment parlantes, si ce n'est pour montrer que les croyances fluctuent… (Peut-être suffit-il de regarder les journaux féminins chez le médecin ou dans les kiosques à journaux pour se rendre compte de l'engouement du public pour tel ou tel phénomène dit paranormal, ou pseudo-scientifique ? Les films à l'affiche, le thème récurrent des séries qui marchent, sont aussi un bon indicateur de la tendance du moment…) Et de conclure que c'est nous-mêmes, public, qui tendons les bâtons pour nous faire battre, car c'est la demande du public qui crée le contenu des médias, qui elles, ne font que répondre à cette attente, comme toute bonne entreprise qui se respecte. Sur ce point, je le rejoins tout à fait.
Chapitre trois, ou : pourquoi les humains sont-ils si attirés par les pseudosciences : des facteurs historiques et d'autres reliés à la nature humaine ? Ce chapitre est particulièrement intéressant, mettant en lumière les mécanismes reliés aux acquis, qui mènent aux croyances par le biais de l'héritage culturel, mais aussi par le biais de l'environnement, de la génétique, et de l'appareillage cognitif qui se met en place dès l'enfance. Nous ne sommes pas tous « armés » pareillement en matière de sens critique.
Je tiens à préciser que j'utilise les termes de Larivée, qui mène une guerre contre les idées reçues, les croyances, l'obscurantisme, et en aucun cas les guillemets ne sont là pour dénigrer ou être sarcastique. Même si je ne suis pas d'accord avec tout ce qu'écrit Serge Larivée, le fond de son propos rejoint tout à fait mon éthique personnelle, et comme lui, je suis d'un naturel sceptique, avec un sens critique développé, et j'aime vérifier les faits. (Je me justifie, car j'ai été récemment critiquée violemment par des babéliotes qui n'avaient pas appréciés une de mes critiques de livre…)
J'en profite également pour expliquer pourquoi j'ai lu ce livre.
Tout d'abord merci à Babelio et aux Presses Universitaires de Grenoble et leur collection Point de vue & débats scientifiques pour avoir proposé cet ouvrage dans le cadre de Masse Critique. (« la collection Points de vue & débats scientifiques, créée et dirigée par Pascal Pansu et Alain Somat, traite de thèmes qui, au sein de la communauté scientifique, font débat et sont sources de polémique. Sans recourir à des jugements de valeur, les ouvrages de la collection s'ancrent dans une position critique et alimentent la controverse. » Je rajouterais que c'est le propre de l'esprit scientifique, toute théorie doit être discutée et remise en question, pour en déceler les faiblesses et les erreurs. Ce n'est pas Serge Larivée qui me contredira.) Ce livre m'a interpellé immédiatement quand je l'ai vu car je suis friande, pour ne pas dire passionnée depuis toujours par l'art et la littérature fantastique, onirique, par les mystères de toutes sortes, par l'inexpliqué, tout en étant une sceptique née, et tout en ayant un esprit critique développé et une propension à ne croire que ce que je vois… Cela semble paradoxal, mais pour moi c'est évident : j'aime les enquêtes, policières, scientifiques ou historiques, j'aime élucider, comprendre, tester : les bases de l'esprit scientifique. Cependant je ne possède pas une logique purement mathématique, mais plutôt une intelligence intuitive et un bon esprit d'analyse. de fait, (ipso facto comme dirait Larivée…), un tel livre ne pouvait que m'attirer. Et Larivée, comme déjà dit plus haut, a très bien compris cela, d'où l'utilisation du mot paranormal dans son titre… Et ce n'est pas un reproche, car j'ai pu ainsi lire un livre qui ne m'aurait sans doute pas autant attiré avec un titre autre, du genre, Ce qu'empruntent les pseudosciences à la science pour nous manipuler. Car rappelons-le, pour Larivée, paranormal et pseudosciences ne font qu'un.
Je ne pensais pas que l'on pouvait assimiler la psychanalyse à une pseudoscience, et encore moins au paranormal. Pour Serge Larivée, c'est le cas. Ceci dit, quand on connait un peu le personnage de Freud, on sait qu'on ne peut se fier à un tel homme pour tenter de résoudre nos problèmes psychologiques.
Mais là où Larivée fait fort (chapitre 4) c'est quand il remet en question tout ce qu'on a pu croire sur le sujet, les années de travail en analyse, d'assertions de spécialistes, de médecins, les théories, les dogmes, les paradigmes, et secoue sans vergogne la poussière épaisse qui occulte nos esprit en ce qui concerne les fondements de la psychiatrie et de la psychanalyse. Lacan en tête – Freud en a déjà pris pour son grade dans un précédent essai parut en 2013 « La psychanalyse ne résiste pas à l'analyse », dans la Revue de psychoéducation (vol. 42, no 1) – accompagné de Dolto et de Bettelheim, sont mis au banc des accusés par Larivée. Et je ne saurais que le rejoindre aux vus des exemples pathétiquement édifiants qu'il nous expose. Là son propos est clairement de revenir sur ce qu'il considère comme un poison pour l'humanité, la psychanalyse et la psychiatrie, qui sous couvert de science, alors qu'elle n'en utilise que les artifices, n'explique rien mais à réponse à tout.
Extrait : Fromm (1955/75) déclarait : « en certaines occasions et du fait de la personnalité de certains de ses représentants, le mouvement psychanalytique à fait montre d'un fanatisme qu'on ne rencontre d'habitude que dans les bureaucraties religieuses et politiques » (p.91). Près de quarante ans plus tard, un autre psychanalyste tenait des propos similaires : « il est vrai que nous les gens d' « allégeance » psychanalytique, nous nous comportons quelquefois comme des sectaires adhérant à quelque « vérité révélée » et ignorant avec mépris toute exigence extérieure de « preuves » ou de démonstration.[…] Nous écartons en effet la critique en l'interprétant comme « une résistance à l'analyse », nous donnant ainsi raison sans même avoir discuté. Nous ne démontrons rien en choisissant que des « initiés » pour interlocuteurs. Comment dès lors – de l'extérieur – percevoir la psychanalyse autrement que comme une doctrine, une secte, une religion, une idéologie ?
Dans le chapitre 5, Serge Larivée va exposer 26 procédés utilisés par les défenseurs des pseudosciences. Pour ma part, je trouve la liste un peu redondante, et je ne vais pas l'énumérer ici. Procurez-vous le livre, et faites-vous votre propre avis !
Car en conclusion, après encore un petit chapitre 6 sur le rôle des médias, journalistes, parents, écoles, dans l'apprentissage de l'acquisition de l'esprit critique et scientifique, ce que nous préconise Serge Larivée, c'est de continuellement aiguiser cet « instinct », de manière à avoir ce comportement ancré en nous, se questionner, mettre en doute l'autorité quand elle semble se fourvoyer, se remettre soi-même en question, de chercher la vérité, au-delà des apparences, et pour se faire, ne pas confondre « ouverture d'esprit et esprit troué », et ne pas sombrer dans les excès, à savoir « entre l'ouverture béante de l'esprit et l'excès de scepticisme, le doute raisonnable ».
Pour cela, et ça va plaire aux babéliotes, il préconise de lire plus d'ouvrages scientifiques et de polars ! Chose faîtes régulièrement en ce qui me concerne, car je suis abonnée à Sciences et Avenir depuis plusieurs années, et suis grande amatrice de bons polars.
Et vous, vous lisez quoi… ?
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