AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Casmotte


Il n'y a pas si longtemps, naître fille était une malchance, voire une malédiction. "Fille", ce mot traçait un destin : être moins désirée, mal acceptée, jugée, dépendante. Vivre dans l'obsession de la minceur, supporter les violences sexuelles et obstétricales, subir les agressions au quotidien sans se révolter. Naître fille, c'est n'être qu'une fille.
On suit Laurence, la narratrice, de sa naissance à la cinquantaine. A travers elle, l'autrice montre l'évolution de la femme et de la société. le patriarcat et le rôle soumis de la femme dans les années 60, la lutte féministe et le droit à la contraception et à l'avortement dans les années 70, la libération de la parole et la relation sexuée et genrée dans la France actuelle.

L'écriture de Camille Laurens est très dense, son humour mordant et ironique. C'est de manière incisive, voire glacée, qu'elle présente la femme réduite à une identité, enfermée dans une relation de dépendance et contrainte de s'y conformer, passant de "fille de" à "femme de" puis devenant mère.
L'autrice cherche le sens des mots et de la grammaire autour du masculin / féminin, montrant ainsi que le mot "fille" est chargé de sens péjoratifs.
C'est un roman aux accents autobiographiques, une addition de souvenirs et de sensations. le personnage de Laurence se construit en creux : dans les regrets du père et dans le deuil de sa soeur morte à la naissance. Une perte qu'elle vivra 20 ans plus tard (comme l'écrivaine qui a fait de cette épreuve un livre intitulée "Philippe").

Quelques hommes sont présents dans ce roman. le père notamment. Un homme des années 60, aussi terrible qu'il est maladroit, ne sachant comment manifester son amour à ses filles, sans langage des sentiments et des émotions, empli de contraintes morales héritées de sa famille.

C'est à rebours que ce fera l'apprentissage. C'est la fille et non la mère qui va transmettre une vision nouvelle plus libérée, faisant le pont entre le début et la fin du livre. Par son biais, "C'est une fille." devient "C'est merveilleux, une fille". En 225 pages et en l'espace d'une vie, l'ajout d'un adjectif change le point de vue: de la déception du début on passe à la fierté. Fierté d'être une fille, d'avoir une fille, d'aimer une fille.

Une lecture qui peut être dérangeante par moment, mais aussi instructive voire nécessaire. Les mots percutent et interpellent. Loin d'être une féministe convaincue, je n'en ai pas moins été captivée par le livre et l'écriture si caractéristique de Camille Laurens.
Commenter  J’apprécie          180



Ont apprécié cette critique (17)voir plus




{* *}