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Critique de Korylle


Né le 4 avril 1946 à Montevideo, en Uruguay, Le Comte de Lautréamont, de son vrai nom Isidore Lucien Ducasse, fait partie des écrivains de génie qui n'auront laissé que peu de travaux à la postérité. Mais, dans son cas, c'est son décès prématuré, à l'âge de vingt-quatre ans, qui aura été la cause du peu de matière laissée à la littérature, ce qui est d'autant plus triste que le peu qu'il a écrit le propulse au rang d'écrivain de génie.
On ne sait finalement que peu de chose de cet auteur qui a été publié en pointillé. Des informations sur sa scolarité et ses études, avec son lot d'incertitudes et de suppositions. Quelques points sur ses tentatives avortées de publication de son vivant. Des suspicions quant à sa consommation de cocaïne associée aux opiacés, ainsi qu'à une possible addiction. Des références éditoriales sombres et incertaines. L'ombre d'un père, François Ducasse commis-chancelier au consulat de France à Montevideo et un homme, dit-on, de grande culture. Une mère Jacquette Célestine Davezac, morte dans de sombres circonstances, le 9 décembre 1847 ; on évoque la possibilité d'un suicide. Ses adresses successives : le 32 rue Faubourg-Montmartre qu'il aurait quitté en 1870 pour le 15 rue Vivienne. La publication complète et l'impression en Belgique des six chants, fin août 1869, sans référence d'éditeur ni de distribution. On s'interroge sur les dédicaces de son premier recueil de poésie, et on se creuse la tête sur le quatrième nom – Louis Durcour – au point de se demander s'il n'y a pas eu une erreur de retranscription. Même son acte de décès a été rendu public, avec l'inscription "Sans autres renseignements" sous la date du 24 novembre 1970. Même les causes de la mort sont fouillées en profondeur : tuberculose, intoxication médicamenteuse au laudanum, suicide par ingestion volontaire d'une dose massive
En bref, tous les ingrédients pour rendre le mystère tenace et faire qu'aujourd'hui encore, des passionnés cherchent des informations comme des archéologues en quête de la moindre miette de cette vie trop courte, trop obscure ; un peu trop d'ombre pour les curieux.
Mais, en vérité, quelle importance. Tout ça n'a aucune importance au regard des quatre pièces de ses oeuvres complètes, à commencer par "Les Chants de Maldoror", au nombre de six, qui représentent une mine de mots associés d'une façon inédite encore à l'époque. Une brève série de courriers rassemblés dans un court assemblage titré "Lettres". Et puis la poésie, deux recueils simplement titrés "Poésie I" et "Poésie II", sur lesquels on peut encore voir indiqué :
"Prix : un franc".
Mais si l'on se penche bien sur la couverture du premier de ces fascicules, édités et vendus par la librairie Gabrie, dans le 9ème arrondissement, leur seul point de vente, on peut lire un texte introductif, en tous petits caractères, qui en dit long sur l'auteur… Bien plus que toutes les recherches biographiques du monde :
« Je remplace la mélancolie par le courage, le doute par la certitude, le désespoir par l'espoir, la méchanceté par le bien, les plaintes par le devoir, le scepticisme par la foi, les sophisme par la froideur du calme et l'orgueil par la modestie. »
Cette simple note de couverture résume le personnage mieux que tous les essais, les études de textes, les thèses, les antithèses et les synthèses. Et surtout, la curiosité pointilleuse de fouilleurs de tombes et de poubelles.
Isidore Ducasse ne connaîtra pas le succès de son vivant, et d'après moi, il n'en avait que faire. Il fait ce qu'il a fait avec simplicité déposant ses petits fascicules chez les libraires et se satisfaisant d'une publicité dans la Revue Populaire de Paris.
Alors qu'il soit mort d'une overdose au laudanum, volontaire ou pas, ou de la tuberculose, là ne sont pas les questions que l'on doit se poser. D'ailleurs, il n'y a aucune question à se poser. Il suffit de plonge dans les lignes, de voir briller la pointe du stylet de Maldoror et de trembler à chaque phrase ou le génie est omniprésent.
Finalement, il y a peut-être une question : quel trésors nous aurait offert Lautréamont si la mort ne l'avait pas frappé aussi jeune ?
C'est à peine imaginable…

Ghislain GILBERTI
"Le Cabaret du Néant"
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