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4,11

sur 787 notes
Voila sans doute le bouquin le plus délirant qu'il m'ait jamais été donné d'ouvrir. Il serait totalement vain d'essayer de le faire rentrer dans une case.

Il y a un auteur dont on ne sait pratiquement rien, mais qui visiblement était un esprit brillant et doté d'une grande culture. Et par moment on se demande s'il n'a pas décidé de se payer subtilement la tête de son lecteur.

Les Chants font intervenir un très vaste vocabulaire, des descriptions minutieuses, et des visions d'une horreur totale. Qu'est-ce qui a bien pu lui arriver pour qu'il ait des idées pareilles ? Est-ce qu'il s'est donné comme défi de faire vomir son lecteur ?

Les textes s'enchainent avec une absence si complète de logique, et sont eux-même d'un manque si absolu de signification au premier abord, que résumer le livre relève du défi. Au second abord... Et bien on ne comprend pas plus. On dirait une oeuvre de cette "folie lucide" qu'aimaient tant les psychologues de l'époque.

On mesure la qualité d'écriture de l'auteur, on perçoit son ironie. Et on le regarde avec effarement étaler ses idées sur le papier.
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La claque magistrale de mes quinze ans.
A cet âge où je me figurais découvrir le monde par la littérature, ce hurlement flamboyant de fureur et de violence qui m'a sauté au visage comme un démon délirant aurait eu de quoi me faire fuir et, de peur, refermer pour toujours l'univers des livres comme porte sur le monde.
Il n'en fut rien heureusement, et trente ans après c'est encore la beauté exaltée et vénéneuse qui me reste de ce texte unique et fou, qui compte parmi les incontournables.
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Quelques mois d'études et réflexions sur l'oeuvre n'ont pas épuisé le sujet... Nous avions même pondu avec un ami quelque 100 pages sur le thème du cercle, du cycle et de l'ouragan, c'est dire !

Les chants sont ce qui a été écrit de plus définitif dans notre belle langue: le cri ultime de l'homme entre l'ange et la bête, l'effroyable condamnation de qui se rend compte qu'à décrire son semblable, il plonge dans un tourbillon (encore lui) indescriptible ou rien ne prendra forme, rien n'arrivera à sa fin, ne se structurera selon une pensée saine et consistante, rien de bon ne sortira sans son contraire.

Lautréamont, comme Diderot Dailleurs, a aussi touché du bout de sa plume un autre mystère de l'homo scribens à savoir que rien non plus ne s'écrira sans le lecteur. Aussi les Chants sont-ils avant tout un long dialogue avec un lecteur inéluctablement complice de la perversité décrite.

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Isidore Ducasse, Comte de Lautréamont, « Les chants de Maldoror » : je rencontre cet opus, à l'adolescence, il me semble, dans un roman de Troyat, « Les Eygletières » dont c'était le livre de chevet d'un des protagonistes …
De nombreuses citations émaillent en effet le roman ; des citations bizarres autant qu'étranges… sulfureuses… Vite, le libraire ! Il faut lire ça en intégralité : six « chants », divisés en 60 versets… C'est long...

Quarante ans plus tard, je n'ai toujours pas terminé cette lecture fastidieuse ; le sera-t-elle un jour ? J'en doute fort, tant le côté misanthrope jusqu'à l'outrance du texte me dérange. Ajoutons à cela mes difficultés avec tout ce qui touche de près ou de loin au surréalisme ; alors ici face à ce surréalisme gothique avant l'heure… Hum !
Il n'en reste pas moins que de temps à autre, au détour d'un rangement de bibliothèque, je « m'en refais » quelques pages, toujours aussi malaisées…

Il faut de tout, mais force est de constater que ce genre d'ouvrage ne me touche pas…
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Il y avait longtemps que je n'avais relu Lautréamont. J'en suis au deuxième chant et je me force à relire patiemment, jusqu'au bout, mais que tout ça m'ennuie ! Les Chants de Maldoror, en dépit de la virtuosité de la plume, ont quelque chose des extravagances d'un adolescent boutonneux, qui guette du coin de l'oeil si ses outrances ont fait quelque effet sur la digestion du bourgeois. Il n'y a même pas le rire de Sade, cette bonne santé truculente, joyeuse, dans le crime et son plaisir. A la place, on a ce romantisme noir, cabotin : "je suis grand, méchant et malheureux et je hais le bonheur", soit : "étonnez-vous de me trouver tel que je suis !", qui cache mal une complaisance pleurnicharde sur soi, du genre personne ne m'aime, personne ne me comprend : "Je cherchais une âme qui me ressemblât et je ne pouvais pas la trouver." ; "Il fallait quelqu'un qui eût mon caractère, il fallait quelqu'un qui approuvât mes idées"... Qui approuvât mes idées, tout est dit... Et pourquoi pas fonder un parti, pendant qu'il y est ? Rimbaud, que je mets pourtant bien en-deça de Baudelaire, a eu cent fois plus de maturité.

Lien : http://vitanova.blogspot.com..
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Voici une oeuvre, Les Chants de Maldoror, d' Isidore Ducasse (alias comte de Lautréamont) qui laisse une impression étrange, peut-être à cause des secrets qu'elle cherche à taire tout en tentant de les dévoiler. A la manière d'un Antonin Artaud cherchant à exprimer sa souffrance, Isidore Ducasse présente une succession de scènes macabres et désolées, où une force maléfique sous la forme d'un prince de la Nuit, Maldoror, tente par tous les moyens possibles de détruire les apparences trompeuses des hommes et de leur soi-disant bonheur, jouant avec les angoisses de l'époque, comme la mort de Dieu. Ducasse, double de Maldoror, apparaît ainsi accablé derrière ces tableaux marécageux. Un être profondément frustré, contrarié, ne supportant pas l'inassouvissement de ses pires fantasmes. Cette incroyable énergie engendre un véritable hymne blasphématoire, porté par une prose hallucinée qui témoigne aussi, rétrospectivement, des intérêts de la société du milieu du XIXe siècle : les découvertes scientifiques (mathématiques, médecine, psychanalyse, sciences naturelles). Cet enfer pourrait rapidement nous lasser, mais, ayant fait le choix du récit épique, comme Dante, Isidore Ducasse nous tient par le merveilleux. Inspiré de ses longs voyages transatlantiques, domine dans Les Chants un bestiaire à dominante marine (baleines, poissons abyssaux, oiseaux migrateurs). Isidore Ducasse démontre indirectement que la question sexuelle est bien au centre de toutes nos pulsions, causes de nos comportements et de nos emportements sources des guerres, des crimes, tueries et autres actes de domination et de puissance.
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« L'aurore s'élève bleuâtre, cherchant la lumière dans les replis de satin du crépuscule, comme, moi, je recherche la bonté, excité par l'amour du bien »

À lire ceci, on pourrait croire que les Chants de Maldoror célèbrent l'Idéal romantique exprimé ici par la jeunesse et l'aurore. Mais le personnage de ces chants dit simplement adieu à sa vie antérieure, quand il était encore un autre, fraîchement embarqué dans le fleuve de l'existence : l'autre est amont. Maldoror, lui est déjà désabusé : « je sens déjà que la bonté n'est qu'un assemblage de syllabes sonores ; je ne l'ai trouvée nulle part ». le romantisme s'évanouit comme un rêve désuet, et l'aurore n'éclaire plus que la voie du mal : celle de Maldoror, personnage mis en scène par Isidore Ducasse, devenu pour l'occasion (et pour la postérité) Lautréamont. Cette diffraction du sujet lyrique semble contredire le passage où il affirme (en anticipant inconsciemment l'arrivée imminente de Rimbaud et de son « je est un autre ») : « Si j'existe, je ne suis pas un autre. Je n'admets pas en moi cette équivoque pluralité. Je veux résider seul dans mon intime raisonnement. L'autonomie… ou bien qu'on me change en hippopotame. »

Voilà qu'un animal impromptu débarque pour emporter aussitôt la pensée du poète vers des rivages exotiques, probablement ceux de l'Uruguay natal. Une folie bestiale échauffe l'esprit comme dans la moiteur tropicale et menace en permanence la cohérence de la parole poétique. Les animaux foisonnent, surtout ceux qui peuplent les océans. Les pages sont striées de sillages d'ailerons de requins et de baleines, surmontant des tourbillons de poissons, de crabes tourteaux… et de poulpes, un animal fétiche dont les ventouses se plaquent sur l'humanité pour en aspirer ce qu'elle a de plus monstrueux, et le porter à son plus haut degré.

Maldoror, se veut « pilleur d'épaves célestes ». Il trouve sa subsistance dans le naufrage de l'Idéal. Et il y contribue, en abattant les marins rescapés qui parviennent à se rapprocher du rivage. Ces marins pourraient représenter les auteurs romantiques comme Lamartine ou Byron, car leurs textes sont pastichés et parodiés à l'envi par Lautréamont, pour des résultats emplis de cruauté, qui en évacuent les complaintes sentimentales. Maldoror se vante d'avoir décapité sa conscience, et se veut désormais inhumain. Il se place à dessein à l'écart de ses semblables, du côté de l'océan, dont il cherche à venger la beauté souillée par le contraste que l'homme forme avec lui : « le plus ironique contraste, l'antithèse la plus bouffonne que l'on ait jamais vue dans la création ».

Il faut noter que jusqu'à une période pas si ancienne, l'océan et ses monstres marins étaient source d'une horreur métaphysique, en tant qu'avatars du chaos primitif ayant précédé la Création. En étant dévoré par un de ces monstres, on sortait du royaume de Dieu et on perdait non seulement sa vie mais aussi son âme.

Or, cette âme, Maldoror la vend au « vieil océan », envisagé comme la demeure du prince des ténèbres, lors d'une ode passionnée. Il ressort de cette communion avec les abîmes transformé en monstre tentaculaire : un poulpe géant qui vampirise un Créateur corrompu par ce contact impie*. Vidée de son sang, l'âme divine est abandonnée « au crabe de la débauche, au poulpe de la faiblesse de caractère, au requin de l'abjection individuelle, au boa de la morale absente, et au colimaçon monstrueux de l'idiotisme ! »

Ayant recrée Dieu à son image, Maldoror est laissé libre de contempler l'océan, en tant que son idéal propre. Ce dernier est décrit comme un « grand célibataire » « éternellement fécond ». Il n'engendre que lui même, en continu et à l'infini. Au chant 2, ce paradoxe devient une union contre nature entre Maldoror et la femelle requin, reflet fidèle de la férocité du premier. Les corps unis sont « emportés par un courant sous-marin comme dans un berceau », annonçant la naissance de l'hybride homme-poisson qui sera décrit au chant 4, comme un corps rêvé.

L'océan ayant montré la voie, c'est tout le règne animal qui fusionne avec Maldoror, dans des cohabitations inconfortables, visant toujours à éloigner du corps humain, y compris de sa langue. Car la langue De Lautréamont est boursoufflée par des phrases d'une longueur aussi asphyxiantes qu'une plongée vers les abysses. On y trouve un lexique fantaisiste, pillant parfois des termes savants, voire des descriptions entières dans des ouvrages zoologiques. le choix de certaines éditions accentue l'étrangeté fondamentale de cette poésie, en laissant subsister quelques fautes d'orthographe de l'édition initiale, comme autant de verrues sur cette langue contrefaite.

La métamorphose devient peu à peu la norme, comme au début du chant 5, où un homme changé en scarabée roule en une boule monstrueuse les restes de la Circée moderne responsable de sa transformation, devant d'autres victimes en forme d'oiseaux, parmi lesquelles un homme à tête de pélican qui ne déparerait pas à côté de la Toilette de la mariée de Max Ernst, et dont la description est un exemple (modéré !) des bizarreries lexicales De Lautréamont : « beau comme les deux longs filaments tentaculiformes d'un insecte ; ou plutôt, comme une inhumation précipitée ; ou encore, comme la loi de la reconstitution des organes mutilés ; et surtout, comme un liquide éminemment putrescible »

Le rapprochement avec Max Ernst s'impose d'autant plus que l'imagination chaotique De Lautréamont influença fortement les surréalistes. Toutefois, ses méthodes de distorsion des formes établies, de collages et de citations parodiques des romantiques peuvent tout aussi bien constituer un embryon du post-modernisme. Lautréamont anticipe, se joue de tout, même de l'avenir… Mais, comme le crabe, il le fait avec le sérieux du pince sans rire. Il refuse le « sourire stupidement railleurs de l'homme à la figure de canard », qui incarne à ses yeux l'antithèse de la poésie : « rien n'est risible dans cette planète. Planète cocasse mais superbe ».

* précisons que la monstruosité d'Isidore Ducasse est pathologique. Elle a vocation à contaminer ses victimes pour les rendre étrangères à elles-mêmes. C'est sans doute pourquoi, une fois les Chants de Maldoror achevés, il s'acharna, durant les derniers moments de sa courte vie à réécrire les aphorismes de certains moralistes, Pascal notamment, pour disloquer le sens pessimiste de leurs maximes et leur faire « chanter l'espoir ». Avec ces Poésies, Ducasse aboutit ainsi à un résultat qui n'est pas forcément moins vrai que l'original, et procure plus de réconfort, dans une accumulation de sentences fidèle à sa poétique de l'excès, bien qu'elles se décident finalement à encourager l'humanité au lieu de la maudire. La voie du bien est retrouvée à la faveur d'une ultime métamorphose.
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Oeuvre qui laisse difficilement indifférent. Écrite par un très jeune auteur, c'est un amas de haine contre l'homme et contre Dieu, de mal, de violence et de destruction. C'est aussi une démonstration que la limite entre le bien et le mal n'est pas aussi claire qu'on voudrait bien le croire. Quoi qu'il en soit, il est quasi impossible de décrire le style de Lautréamont, il vaut mieux le lire pour en faire l'expérience (car c'en est une!).
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Isidore Ducasse (1846-1870), qui avait jadis pris pour pseudonyme : Comte de Lautréamont en hommage à Eugène Sue et à son personnage Lautréamont. Il avait en tout, écrit deux oeuvres magistrales. À savoir, "Les Chants de Maldoror", "Poésies I" et "Poésies II".

"Les Chants de Maldoror" est une longue imprécation, une litanie faite d'orages, de mouvements de houle, d'éructations, d'invectives dont le dénominateur commun est un profond sentiment de révolte existentiel propre à certains génies tels que Antonin Artaud, Jean Genet ou Luigi Pirandello.
Un recueil extrêmement subtile et composé de 6 chants où Maldoror alias Lautréamont, alias Isidor Ducasse décline leur frénétique avancée dans les ténèbres, pris dans la spirale du mal. le héros est aussi mystérieux que son auteur le très énigmatique isidor Ducasse né en Uruguay et mort très jeune à Paris dans des circonstances inconnues. On sait qu'il jouait du piano des nuits entières. Lautréamont, Maldoror et Ducasse ne font plus qu'un dans ces
pages, où progressivement, le "il" se débarrasse de tout ce qu'il a d'humain pour embaumer ses pages ténébreuses où l'ambiance moyenâgeuse nous
propulse dans un univers glauque et sulfureux, tout en prenant littéralement possession de notre âme. Ici tout y est, la cruauté, la violence et le blasphème, unit dans un savant mélange qui dégage une sensation de volupté. L'auteur nous transporte dans un monde cauchemardesque, risquant de nous faire peur et même de nous faire refermer ce livre en hâte. Cela dit, il faut tout de même, aller jusqu'au bout de la dernière ligne droite, car ce livre est une véritable merveille, une perle.
On y entre dans un monde périlleux, noir, glauque, dans un monde qui apparaît comme bien pire que l'enfer même, mais où on trouvera le
génie de son auteur. Lautréamont, Isidore Ducasse de son vrai nom, est un vrai magicien noir qui fait peur mais surtout qui envoûte.

Je déconseillerais particulièrement aux personnes dont la personnalité n'est pas très structurée, car l'appel schizophrénique est ici, très puissant. Au final, "Les Chants de Maldoror" est un pur chef-d'oeuvre lyrique et magistral, servi en guise avec une prose la plus somptueuse jamais écrite. A découvrir et à lire d'urgence cette sublime Épopée Fantastique !
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Récit poignant, prose hallucinée, images saisissantes, les chants demeurent tout de même hétéroclites, les actions disjointes. Tout ça manque d'unité. La première lecture est fascinante, la relecture est décevante. Mais j'aime les proses baroques et forcenées. Ce livre brille d'un éclat unique et singulier dans la littérature française.
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