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Critique de Sarindar


Peut-il encore exister des "biographies autorisées" ? Cela éveille toujours un réflexe de méfiance ou de suspicion : on se dit, en lisant les ouvrages que leurs auteurs veulent ranger dans cette catégorie, que la version officielle s'efforce essentiellement de récupérer un personnage en le présentant comme on veut qu'il le soit pour que l'image de ce personnage ne soit pas déformée à force d'imagination. À moins que ce ne soit la crainte que trop de vérités ne soient dites qui anime le rédacteur de tels ouvrages.
En fait, là n'était pas vraiment le propos de Jeremy Wilson qui a réussi le tour de force d'écrire une somme avec cette biographie de T.E. Lawrence de plus d'un millier de pages.
N'est-ce pas trop ? À trop vouloir en dire, ne risque-t-on pas de se noyer dans les détails, des détails qui pourraient donner l'impression que l'on laisse échapper l'essentiel ?
Le choix adopté par Jeremy Wilson, d'aborder les choses non par thématique, mais dans un respect absolu de la chronologie complique peut-être la tâche du lecteur, mais, paradoxalement, il facilite le travail de l'historien et du chercheur. C'est le cas, par exemple, pour tout ce qui concerne les Sept Piliers de la Sagesse : il n'y a pas un chapitre où tout est concentré, et ce qui concerne la rédaction des différentes versions, les révisions et les éditions validées par l'auteur sont forcément traitées sur plusieurs chapitres, ce qui montre la complexité de l'affaire. T.E. Lawrence avait, à l'égard de son ouvrage, des réflexes contradictoires : il voulait que l'oeuvre fût connue, et il avait tendance à considérer la guérilla dans le désert comme sa guerre, mais, comme il craignait toutefois les réactions de ceux qui avaient agi avec lui auprès des Hachémites, et qui pouvaient infirmer ou corriger ses propos, il veilla d'abord à vérifier leurs réactions en leur soumettant son ouvrage ; constatant qu'ils lui envoyaient tous des signaux positifs et ne trouvaient rien à redire, il comprit qu'il pouvait le diffuser un peu plus largement, mais, pour ne froisser personne, il eut alors l'idée d'une version abrégée, expurgée de certains aspects trop personnels (ainsi l'épisode de sa capture par les Turcs à Deraa est traité différemment d'une version à l'autre) et qui devait s'adresser à un plus large public (ce fut : Révolte dans le Désert) ; la version d'Oxford, plus longue que celle dont nous disposions jusqu'ici et qui en révèle davantage, nous est enfin connue.
Jeremy Wilson considère chaque étape, tout en se gardant de nous dire ce qu'il faut en conclure, et que l'on peut présenter comme je viens de le faire ici. Mais en adoptant cette attitude, il a fait un vrai travail d'historien, en se contentant de nous livrer les choses à l'état brut à la sortie des archives.
Il a procédé de même sur plusieurs sujets, sans émettre d'avis personnels ; c'est le cas, par exemple, sur la bâtardise de T.E. Lawrence et les circonstances exactes de sa naissance : Wilson dit tout, et s'il indique dans quel sens il faut interpréter tout cela, il ne s'avance pas davantage ; quand il évoque les conséquences de cette naissance adultérine sur le tempérament et la personnalité de Lawrence au long de sa vie, il s'abstient souvent de relier tous les éléments.
Si bien que l'impression générale est qu'il est difficile de recomposer l'ensemble et de se faire une idée générale, ce qui peut nous déconcerter. C'est l'esprit de synthèse qui manque parfois à cet ouvrage. En revanche, nous l'avons dit, il nous laisse là un outil précieux, qui permet d'avoir les informations voulues lorsque l'on fait une recherche à une date donnée.
Si bien que cette biographie reste, et pour longtemps, un précieux outil de travail.
François Sarindar, auteur de : Lawrence d'Arabie. Thomas Edward, cet inconnu (2010)
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