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On peut quitter son pays mais le pays ne vous quitte pas.
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Il y a des livres plus bouleversants qu'un ouragan. Enfants du diable est de ceux-là. C'est un livre-choc, loin des exercices livresques auxquels se livrent les écrivains à la mode, consacrés par les tops et/ou les marchés. C'est une histoire sans concessions, arrachée aux tripes, à l'imaginaire collectif d'un peuple. Une histoire découpée en petits chapitres, illuminée par l'urgence de l'écriture, comme un devoir de mémoire trop longtemps ajourné.
« Enfants du diable » est une maison hantée par les fantômes de la Roumanie des années 80.

Pendant que l'Occident dansait sur « Heart of glass » de Blondie ou « Coeur de loup » de Philippe Lafontaine, sur le versant oriental du continent, les femmes étaient obligées d'avoir 5 enfants, malgré d'incroyables pénuries, malgré le manque d'assistance et de médicaments, et beaucoup de gosses se retrouvaient à la rue, dans des orphelinats ou, plus rarement, dans des familles d'emprunt.

Au XIXe siècle, les orphelins de Dickens et Malot s'en tiraient mieux et un tel sujet aurait pu sombrer dans un « archipel du goulag » sans le talent de conteuse de Liliana Lazar et la galerie de personnages auxquels elle a greffé une âme.

Très attendue après le succès de « La terre des affranchis » (éditions Gaïa, 2009), roman de début récompensé par une multitude de prix, Liliana Lazar renoue avec la nature sauvage qu'elle connaît si bien (la couverture nous apprend qu'« elle a grandi dans une forêt du nord de la Roumanie où son père était garde forestier ») et que nous devinons — ici aussi — en harmonie avec l'animalité des hommes.

Fruit du hasard, d'un prêté pour un rendu, une maternité « au temps du choléra » (« choléra » était le surnom de la femme du dictateur Ceausescu) sera le fil conducteur d'une série d'aventures personnelles étonnantes — être mère est un voyage initiatique qui réserve une foule de surprises, surtout en milieu hostile.

Bien documentées, les données historiques de ces années-là vont croiser le fer avec les données fictionnelles pour un récit noir mené tambour battant, un récit où les syncopes et les ellipses sont légion — dans les interférences des perspectives et des trames narratives, les non-dits en disent plus long qu'on peut supposer. Et, comme dans un bon polar, le lecteur remplit les cases vides — l'auteure échange avec lui des regards d'intelligence.

Liliana Lazar écrit directement en français, sa langue d'accueil, mais elle situe ses contes au bout de l'Europe, en son pays d'origine, quelque part à la marge de la civilisation, là où l'instinct et les traditions locales font fi des lois (et parfois même des vies). Grâce à elle, à Liliana, à son microcosme fantasque qui change de méridien, grâce aux mutants du « global village », la littérature — ce bon vieux vampire toujours assoiffé — reçoit du sang neuf, un transplant de culture imprévisible, un coup de main venu d'ailleurs.

Liliana Lazar a donné corps — sensible et attachant — à des destins aux confins de l'humanité, des destins croisés qui relancent sans cesse l'attention du lecteur. Des personnages à l'équilibre fragile qui nous poursuivent longtemps après avoir fermé le livre — comme un chant de sirène, comme un appel de détresse, comme un amour raté de près.

« Enfants du diable » n'est pas que le roman d'une maternité, c'est aussi le roman d'une ère et d'une population marquée au fer, c'est aussi une écriture alerte, au scalpel, qui en fait un « page-turner » et une fable de l'existence. Avec ce deuxième ouvrage, Liliana Lazar continue de nous éblouir en explorant la matière grise et rouge sang des êtres humains.

À l'époque du « génie des Carpates »,
on appelait « enfants du diable », les enfants non désirés, lâchés, abandonnés par leurs géniteurs. Sur cette « terre des hommes », nous arrivons tous comme « enfants de dieu » mais gare aux parents indignes/de nation/d'adoption : ils peuvent à tout moment nous faire basculer dans un univers néfaste, en faisant de nous des « enfants du diable ».
Radu Bata
Lien : https://www.actualitte.com/a..
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Après le remarquable « Terres des affranchis », Liliana Lazar nous plonge dans l'horrible réalité de la Roumanie d'avant 1989 avec ses orphelinats. Un récit percutant pour des personnages à la fois attachants et troublants, pour une histoire forte et qui dénonce des travers d'un pays.
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Bucarest. Fin des années 70. La politique démographique menée par Ceausescu interdit l'avortement et la contraception pour les femmes ayant moins de quatre enfants. Elena Cosma célibataire est sage-femme de métier. En consultation certaines femmes enceintes lui font comprendre que l'enfant n'est pas désiré ou qu'elles ne peuvent pas nourrir une bouche supplémentaire. A l'aube de la quarantaine, Elena aimerait être mère. Aussi quand une femme enceinte récemment veuve lui demande de pratiquer un avortement, elle a une idée. Elle s'occupera de l'enfant comme si c'était le sien. Les rumeurs circulent quand Elena devient « mère » d'un petit Damian. de plus, la mère biologique veut souvent voir son fils. Pour se protéger, Elena demande une mutation dans la campagne à Prigor.

Damian est un enfant de toute beauté à la chevelure rousse. Agé de 6 ans, sa mère le couve et multiplie les interdictions. A Prigor, Elena est non seulement sage-femme mais aussi infirmière avec peu de moyens. Afin de bénéficier de certains avantages du Parti, elle propose qu'un orphelinat soit créé à Prigor. Les orphelins arrivent de la ville. Malingres, souvent malades et à l'orphelinat, ils subissent la faim, le froid, des mauvais traitements ou des abus sexuels. Elena est révoltée par ces conditions mais elle est pieds et poings liés. Et puis, elle pense également à elle, à Damian et à son secret.

A travers l'histoire d'Elena et de Damian, Liliana Lazar nous dépeint l'Histoire de la Roumanie sous Ceausescu : l'accident de Tchernobyl, la mort du dictateur.
A la lecture de ce livre, ces images terribles de ces orphelinats que le monde entier découvrait me sont revenues à l'esprit. L'auteure s'attache à nous rappeler cette période de la Roumanie et les traitements réservés aux orphelins.
Un roman bien mené, servi par une écriture qui s'attache aux personnages et aux faits sans aucun pathos. Et une fin percutante.

Lien : http://claraetlesmots.blogsp..
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Terrible fiction qui puise ses sources dans la réalité des exactions et des tortures commises sous le régime communiste de Ceaucescu, plus terrible et sordide encore quand il s'agit d'enfants,
Ces « bons » petits diables chez la comtesse de Ségur qui dans le Prigor de Liliana lazar sont moins diables que le diable en personne, ce diable incarné par le maire, par la sage-femme et, d'une façon générale par les adultes dont aucun n'inspire la compassion, la sympathie ou l'indulgence.
Au centre du roman, Elena, sage femme en mal de maternité, aux ordres du parti, qui vole l'enfant d'une autre et s'exile pour dissimuler son secret dans une commune rurale dont les habitants vivent, par la force des circonstances, dans le dénuement et la crainte.
Triste société, sous contrôle permanent des sbires du parti, d'hommes frustrés, pervers et violents, de femmes réduites au rôle de génisses ou de censeurs, et d'enfants, victimes expiatoires, dont le triste destin renvoie, sous d'autres latitudes, à celui des orphelins des institutions catholiques irlandaises, des enfants volés sous le régime franquiste ou, plus actuels, aux orphelins africains décimés par le sida.
Style percutant, mots simples, chapitres courts, Liliana lazar va à l'essentiel, nous mène par le bout de sa plume et nous percute la conscience et le coeur. Ces enfants sont les nôtres.

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C'est une fiction très forte qui témoigne une époque dont les traces resteront indélébiles dans l'histoire roumaine. L'auteur Liliana Lazar a une sensibilité qui me touche.
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Roumanie, dans les années 80. La politique oblige les femmes à avoir de nombreux enfants. Il leur ai interdit de prendre une contraception ou d'avorter si elles n'ont pas déjà 4 enfants, alors que les conditions les empêchent de bien s'en occuper. Les avortements illégaux sont donc nombreux, plus encore les abandons des bébés. Elena Cosma a déjà 35 ans, toujours célibataire, mais aimerait en revanche devenir mère. Aussi lorsqu'elle rencontre une femme prête à avorter, elle la convainc de lui confier son enfant à la naissance.

Enfin mère, Elena revit. Mais bientôt la mère biologique revient et Elena doit fuir dans un petit village isolé. Là, elle s'occupera de nouveau des femmes, mais surtout des enfants abandonnés, dans un orphelinat aux conditions abominables.

Ce roman nous raconte des événements vraiment horribles. Qu'il s'agisse de la condition des femmes, de celle des orphelins; de la politique, de Tchernobyl; mais aussi des personnages et de leurs agissements. le dénuement est total et l'amour d'une mère pour son fils ne suffit pas toujours. Sans tomber pourtant dans le pathos, avec un style qui donne toujours envie de lire plus, on voit la vie de cette femme se dérouler devant nous.

à vrai dire, je ne m'attendais à rien en particulier avec ce roman, on m'avait simplement conseillé l'auteur, mais j'ai été agréablement surprise. Encore une fois, dans ma quête d'originalité, j'ai apprécié être totalement dépayser et en apprendre plus sur l'Histoire, en particulier ici de la Roumanie.

Je vous le conseille vivement si vous êtes un peu curieux, et soyez sans crainte, il n'y a rien dans les mots qui choque, ce sont simplement les situations qui apparaissent crûment à nos yeux de favorisés !

Je la classe dans mon Challenge Découverte puisqu'elle est Roumaine !
Lien : https://girlkissedbyfire.wor..
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L'enfer des orphelinats roumains du temps de Ceauşescu. Machines à produire inhumaines violeuses et violentes.
La rudesse de la vie dans les petits villages où elle ne vaut pas grand chose.
Le besoin d'enfant, les vies gâchées.

Nous sommes en Roumanie dans les années 80. Patience, Tchernobyl et la révolution arrivent.
Lien : http://noid.ch/enfants-du-di..
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La Roumanie sous Ceaucescu .Sans concession. Comme je ne la connaissais pas.
Le drame de sa politique nataliste.
Les ravages de la maladie face à un manque total d'informations de précautions...
Que de destins détruits.
Un livre fort des personnages à la fois attachant et méprisant .
Plus qu'un roman presque un documentaire
Une fin pour ma part décevante
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Ici, la Roumanie, celle de CEAUCESCU, celle des familles nombreuses obligatoires et des enfants abandonnés à la naissance (les enfants du diable CEAUCESCU) parce que l'avortement est interdit. Une femme, célibataire, sans enfant, et sans grand attrait, va "récupérer" l'enfant d'une autre belle femme rousse qui veut s'en débarrasser. Un accord est conclu entre les 2, mais après la naissance, la mère veut récupérer son fils. Pour conserver l'enfant qui est devenu le sien, l'adoptante va s'enfuir dans la Roumanie profonde et devenir la gestionnaire d'un orphelinat. Entre la peur des autres, la peur d'être retrouvée et le constat effrayant que les moyens sont inexistants pour accompagner les enfants de l'orphelinat, il n'y a que son fils, roux, qui la sauve du néant ... Mais la vie est ironique. Un très bon livre, rude et cruel, mais quelle écriture ...
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