AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de gill


En ce début de juillet, la pluie a décidé de battre tristement les carreaux.
C'est l'occasion de sauter sur le pont de la Louise, le steamer qui, trois fois par semaine, entre le feux blanc de St Mathieu et le rouge des Pierres Noires, fait le service d'Ouessant.
Et d'ouvrir "Le sang de la sirène" d'Anatole le Braz.
C'est l'occasion de saisir l'infinie tristesse qui se dégage de ce beau livre.
Il est paru en 1901, aux éditions Calmann-Levy.
Il contient trois nouvelles : "le sang de la sirène", "fille de fraudeurs" et les noces noires de Guernaham".
L'écriture splendide d'Anatole le Braz vient d'un autre temps.
Elle en retrouve les subtils parfums perdus.
Marie-Ange est une jeune ouessantine à la coiffe carrée.
Elle a épousé Jean Morvac'h, breveté pilote au service, et homardier de son état.
Mais une malédiction pèse sur cette ancienne famille issue de la douzième sirène, et qui a trahi le peuple de la mer ...
Pour en savoir plus, il vous faudra trouver quelqu'un d'autre.
Moi, je ne peux pas.
En Bretagne, il faut vivre en bons termes avec tout le monde.
Car à l'heure des phares électriques, le vieux naturalisme celtique n'est pas tout à fait encore éteint.
Ici, dans le livre, il parle par la voix d'un jeune "pastoure" qui "paissait" la vache d'un des guetteurs du sémaphore.
Il raconte de vieilles superstitions naïves en les peignant d'un cruel et dur réalisme.
C'est un véritable plaisir que de lire un style aussi beau, des descriptions aussi travaillées et évocatrices.
La littérature d'Anatole le Braz est une porte, un passage, dissimulée derrière ses mots, vers un passé à la fois imaginaire et réel.
C'est le fantasme réécrit d'un "pays", d'un peuple.
C'est le monde ordinaire qui croise la légende.
C'est la vieille croyance celte qui s'invite au coin de l'âtre.
Nous voici revenus en Bretagne septentrionale, dans l'Armor trégorrois avec "fille de fraudeurs".
Nous voici revenus aux beaux temps de la fraude maritime.
L'amour pour la fille du roi des fraudeurs s'insinue dans le coeur d'un lieutenant des douanes.
Une terrible scène annonce la tragédie.
On ne se fait pas douanier pour mener une placide existence de commis aux écritures ou de bourgeois renté ...
Il y a du Eugène Sue, du Mérimée, du Dumas même, là-dedans.
Le troisième et dernier texte, "les noces noires de Guernaham", est une histoire presque banale, un amour comme seul l'attachement à la terre peut en engendrer.
Mais elle est contée par un maître conteur des longues soirées paisibles au coin du feu.
Emmanuel Prigent est, sous taillis et sous lande, le chef de labour d'un domaine de plus de 50 journaux de terre, sous la direction de Renée-Anne, la jeune veuve qui avait épousé la brute de Constant Dagorn ...
Gageons que la pluie ne s'arrêtera qu'une fois ce beau livre refermé ...
Commenter  J’apprécie          571



Ont apprécié cette critique (53)voir plus




{* *}