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Citations sur Mydriase - Vers les icebergs (21)

Les yeux ne servent pas. Ils ne sont pas faits pour voir. Quand on a appris cela, on n’a plus peur de l’ombre et du vide. Les yeux sont des moteurs, pour aller dans l’autre sens, vers le futur, vers les pays inconnus, vers les rêves, les choses de cette nature.
On a quitté. On n’est plus sur cette terre. Ou plutôt, on est resté sur place, immobile et froid, tandis que tout disparaissait alentour. Ce n’est pas le regard qui s’est éteint, ce sont eux, les arbres, l’eau, les nuages, qui ont cessé de brandir leurs effigies bouillantes comme des morceaux de métal. Le soleil a ôté toute l’électricité du monde, et les filaments sont morts.
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Ici est le pays du langage pour soi seul, de la parole sans limites. L'horizon a fermé son cercle, il n'y a plus d'ouverture. La lumière est fixe et belle. Le froid est puissant. On est arrivés dans la zone du commandement suprême, là où se jugent et s'achèvent les mouvements de la vie. Là où naissent les saisons, les orages, les courants de la mer , l'électricité du ciel. Là où se fabriquent les jours et les nuits, grandes nuits de l'hiver, grandes journées de l'été. Oui, on est arrivés au lieu de la naissance du langage, là où il n'y a plus qu'un seul mot, un mot intense et bref, un mot fixe qui brille comme cette étoile.
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« La voix est venue, elle a appelé, elle a conduit jusqu'au lieu magique, au sommet du monde. Alors dans les rues, parfois, on croise ceux qui reviennent, et l'on sait qu'on retournera.Le pays glacé et pur, le pays sans frontière où ne dresse de parler la voix du poème, n'est plus étranger ; il est au centre de la vie. Alors, le métal et le verre brillent parfois, les avions volent haut dans le ciel, les bateaux appareillent dans les ports. L'étoile polaire grandit quand on la regarde.
Tout le monde attend la voix qui va revenir. Alors, parfois, les femmes ont des yeux très bleus ».
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Comment savoir ? À quoi pensent les pierres ? Elles ont des mouvements si lents, elles ont des attentes si longues. Leurs quatre ou cinq faces cassées sont tournées vers les orients et ne bougent pas ; n’avancent pas ; ne reculent pas. Ce sont des paroles de pierres aussi ; elles sont lentes et froides, elles font des efforts qui durent plusieurs siècles. Quand les pierres ont voulu quelque chose pendant 4 500 ans, par exemple, il y a une petite fêlure sur le côté droit. Ou bien un peu de sable a glissé sous elles, un peu de poudre grise. Ou bien il y a des signes bizarres dans leur masse, des signes pour que les enfants les reconnaissent. Quelquefois c’est un X blanc. Quelquefois c’est un petit cercle gris clair en forme de couronne. Quelquefois c’est une lettre chinoise qui dit

羌 

ou bien le signe du cœur


 
Quelquefois c’est un dessin incompréhensible qui représente une sorte de fœtus replié sur lui-même. Quelquefois c’est un coquillage fossile, ou bien une petite caverne creusée dans la pierre noire, et dans la caverne il y a de la poudre de mica. Oui, les pensées des pierres sont comme cela.
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Les yeux ne servent pas. Ils ne sont pas faits pour voir. Quand on a appris cela, on a plus peur de l'ombre et du vide. Les yeux sont des moteurs, pour aller dans l'autre sens, vers le futur, vers les pays inconnus, vers les rêves, les choses de cette nature ».
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Les pupilles dilatées épuisent l’espace. Le regard est allé très loin, il a couru à la vitesse de la lumière jusqu’aux amas d’étoiles. En quelques secondes il a exploré tout l’univers. Il a cherché les nébuleuses, les novae, les quasars. Les paupières sont des coupoles d’observatoire ouvertes au sommet de la montagne, par où les lentilles géantes scrutent infatigablement.
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En nous maintenant il y a un peu de ce silence, la mansuétude et l’éternité de l’hiver, et nous marchons lentement sur le sol, la plus grande partie de nous-mêmes cachée sous l’asphalte noir, le visage lisse, le corps abrupt aux parois glissantes, le front contre le vent, ici, dans le pays où la pensée est figée par le froid, dans le pays où le regard ne s’arrête pas mais va droit à travers l’espace comme la lumière, oui, nous sommes comme cela, la voix qui parle nous a transformés, et nous partageons le règne de la beauté sans défaillance.
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Langage, beauté où nous n’agissons plus, mais c’est nous qui sommes devenus les verbes, les noms. Celui qui a commencé à parler maintenant, dans le poème, ouvre l’étendue de l’océan, sous le ciel, trace le cercle de l’horizon, et nous partons, nous avançons, nous traversons son domaine…
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Quand cela s’achève, pourtant, nous ressentons le terrible silence, et nous voudrions vivre dans la poésie, à jamais. Il nous faudra bien des jours pour aller jusqu’au bout d’un seul de ces traits. Il nous faudra la vie entière, peut-être, pour oser voir les parages du territoire inconnu où le poète a déjà trouvé sa demeure.
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La raison, les mots, les poèmes, les constructions, qu’est-ce que cela ? C’est la lumière qu’on veut, rien que la lumière. Flamme froide et liquide brûlant, jaillissant tellement du monde noir vers les yeux qu’ils rejaillissent des yeux vers la nuit. On est tantôt là, assis sur le rebord de la maison, montagne immobile en train d’attendre, tantôt là, dans le ciel sans fond, plein d’ocelles et courant vers la montagne obscure qui appelle.
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