Selon le vent, la mer peut être verte et sa surface rebroussée comme le dos d'un chat en colère. Le soir, elle devient d'un bleu-noir d'hirondelle et semble durcir comme un métal froid quand elle avance par glissements progressifs de l'ombre et que le bruit assourdissant du vent se mêle à celui de la houle.
Parce que je savais, parce que les enfants ne croient pas aux mensonges censés les protéger, parce qu'ils ne veulent pas de la soudaine lâcheté des adultes qu'ils pensaient être des dieux et parce qu'il fallait qu'elle paie pour avoir osé me cacher la vérité.
J'entendais plus que je ne voyais, de petits riens dans lesquels foisonnent la beauté du monde. Leur rumeur était pure, sans tache, sans mensonge, directement issue du divin, d'un "avant la vie", d'un lieu d'harmonie que les humains dans leurs grands corps maladroits ignoraient ou avaient oublié et qu'il me semblait reconnaître.
La soeur se tait, droite dans sa robe de princesse, héroïne d'un conte de fées qui ne sera jamais le sien. Et lorsque mes paupieres s'ouvrent, je la découvre telle qu'elle est, échouée sur le rivage du monde
On croira à la fin des souffrances. On pensera, dira et répétera que tout s'achève, quand tout ne fait que commencer.
Enfermée sur la Terre comme dans une cuirasse lourde et blessante, elle ne reverra le soleil que pour en être brûlée.
J'ai tiré sur le bras de notre mère et elle m'a payé ce qu'elle devait me payer. Parce que je savais, parce que les enfants ne croient pas aux mensonges censés les protéger, parce qu'ils ne veulent pas de la soudaine lâcheté des adultes qu'ils pensaient être des dieux et parce qu'il fallait qu'elle paye pour avoir osé me cacher la vérité.
La mort reste la grande terreur. Le mot même la fait hurler surtout s'il est associé à une personne connue. Une crise de nerfs peut suivre (...).
Deux années passeront avant que la Soeur comprenne qu'à l'hospice on ne guérit jamais, qu'on est là seulement pour attendre la mort et que pour elle ce sera long , elle n'a que vingt quatre ans, alors autant en finir tout de suite.
Faut il donc des êtres qui souffrent pour que les autres puissent goûter avec plus de délices leur misérable bonheur, savourer leurs joies dérisoires, s'empiffrer de leurs minuscules plaisirs d'un bout à l'autre de la vie ?