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Critique de Sarindar


Existe-t-il un temps et un lieu de participation à l'oeuvre de salut pour l'âme promise à la rédemption grâce à la Passion et à la Résurrection du Christ mais appelée à un chemin de pénitence - pas forcément de tout repos, bien au contraire - entre le jugement individuel qui suit la mort de chacun et le jugement dernier qui viendra conclure un jour l'histoire humaine ? C'est une étrangeté - sans en être une - qui conduit un monde chrétien occidental et médiéval à la recherche de ce qu'il est et de ce qu'il doit devenir, à "inventer" le purgatoire, imaginé par ceux qui pensent que toutes les âmes atteintes par le péché ne sont pas destinées à l'Enfer ou si les péchés sont rédimés au Paradis, de toute éternité.
Jacques le Goff s'est intéressé très sérieusement à ce sujet, et il a produit là, d'après moi, son plus beau texte.
L'idée germait dans l'Ancien Testament - depuis la littérature deutérocanonique et le Deuxième livre des Macchabées - et dans la production néo-testamentaire (Matthieu et Saint Paul). Elle a commencé à se cristalliser avec Saint Augustin, qui concevait que dans l'intervalle entre les deux jugements, il y avait pour les âmes impures perfectibles et fautives seulement de péchés véniels un temps purgatoire, en tant qu'épreuve, dans l'attente d'une admission au Paradis. Soulignons cette notion de temps, qui ne s'accompagne pas encore de la définition ou de la délimitation d'un endroit donné compris dans une partie quelconque de l'espace connu ou à découvrir dans l'au-delà. C'est peut-être Grégoire le Grand qui a été l'un des premiers à penser que ce châtiment purgatoire "provisoire" était une peine appliquée sur le lieu même où les fautes avaient été commises, c'est-à-dire sur notre planète Terre. Comment ? Cela n'est pas absolument clair dans l'esprit du temps. Car y aurait-il une planète Terre pour les vivants et une autre Terre invisible à ces derniers et peuplée par les âmes dans l'attente de la Résurrection et de l'Élection-rachat ?
Une Légende Dorée donna enfin une place reconnue au Purgatoire - glissant de l'adjectif au substantif - pris comme lieu de purgation des fautes et crimes "légers" commis par ceux qui devaient l'habiter mais étaient passibles pour cela de sanctions adaptées et plus ou moins proportionnées à leurs fautes. le Concile de Lyon de 1274 ratifiera cette avancée, cette entrée progressive dans le dogme chrétien, qui n'était finalement pas si définitivement inscrit dans le marbre d'une croyance rigide et figée. Cette théologie médiévale était donc bien susceptible d'explorer des champs nouveaux. Les Cisterciens, les Franciscains et les Dominicains aidèrent à cette entrée du Purgatoire dans l'histoire des hommes et dans le projet divin pour les hommes. Comme on voulait se représenter le monde géographiquement parlant, on tentait de donner forme à un Purgatoire inscrit maintenant à sa place entre Enfer et Paradis non comme lieu de passage entre les deux mais comme intermédiaire entre le temps des hommes et le temps du Jugement final des hommes. Séjour premier des humains qui n'avaient pas eu la chance de connaître le salut chrétien de leur vivant, puisqu'ils avaient vécu avant Jésus-Christ, mais qui s'étaient conduits comme des Justes et des êtres droits durant leur séjour terrestre. Il fallait sortir du classement simpliste entre réprouvés et élus : il fallait trouver un temps et un lieu pour permettre aux gens qui avaient des scrupules, des doutes et le besoin de justifier leur fortune et leur part de pouvoir bien ou mal acquis pour leur faciliter l'accès au Paradis en passant par l'épreuve du Purgatoire. Voilà bien de la compassion. Comme si les choses pouvaient se passer aussi simplement.

François Sarindar
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