C'est à travers de nouvelles sources, étudiées par une jeune génération de chercheurs, en parties ignorées par Jacques le Goff enquêtes royales, archives judiciaires, actes de la pratique qu'une autre histoire de Louis IX s'écrit et qui fera l'objet de ce colloque international.
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«L'histoire du passé ne se comprend qu'en unissant par l'interprétation tous les éléments de la vie d'une société.»
Libération en 2003
Mais devant ces réalités qui se dérobent, que faire d'autre, sinon se raccrocher aux apparences ? L'Eglise a beau inciter les hommes du Moyen Âge à les négliger et à les mépriser pour rechercher les vraies richesses qui sont cachées, la société médiévale, dans ses comportements et ses attitudes, est une société du paraître.
La première apparence est le corps. Il le faut abaisser. Grégoire le Grand l'a nommé "cet abominable vêtement de l'âme". "Lorsque l'homme meurt, il est guéri de la lèpre du corps", dit Saint Louis à Joinville. Les moines, modèle de l'humanité médiévale, ne cessent d'humilier le corps par les pratiques ascétiques. (P396)
N'apercevoir la civilisation médiévale qu'à travers les textes serait s'en faire une image fausse et édulcorée.
Mais on sent ce qui se passe de décisif à l'époque carolingienne pour le monde médiéval. Chaque homme désormais va dépendre de plus en plus de son seigneur, et cet horizon proche, ce joug d'autant plus lourd qu'il s'exerce dans un cercle plus étroit seront fondés en droit, la base du pouvoir sera de plus en plus la possession de la terre, et le fondement de la moralité sera la fidélité, la foi qui remplaceront pour longtemps les vertus civiques gréco-romaines. L'homme antique devait être juste et droit, l'homme médiéval devra être fidèle.
Rien n'est plus frappant que le contraste entre les images qui représentent au travail l'intellectuel du Moyen Age et l'humaniste.
L'un est un professeur, saisi dans son enseignement, entouré d'élèves, assiégé par les bancs où se pressent l'auditoire.
L'autre est un savant solitaire, dans son cabinet tranquille, à l'aise au milieu de la pièce dégagée et cossue où se meuvent librement ses pensées.
Ici c'est le tumulte des écoles, la poussière des salles, l'indifférence au décor du labeur collectif.
Là tout n'est qu'ordre et beauté, Luxe, calme et volupté.
Le Moyen Âge aime décrire un monde où s'opposent les bons et les mauvais, où se déroule un combat entre les anges et les démons. Du coup, vous trouverez beaucoup de chevaliers angéliques, et d'autres qui sont diaboliques, aussi méchants que le diable. Les romans de la chevalerie jouent beaucoup sur cette tension entre le Bien et le Mal, l'honneur et le déshonneur ; l'intrigue (c'est-à-dire l'histoire qui est racontée) avance grâce à cette opposition entre les bons et les méchants.

Sans doute les bénéfices tirés, surtout, non du commerce, mais de la location des bateaux et des prêts consentis aux croisés ont-ils permis à certaines villes italiennes - Gênes et Venise surtout - de s'enrichir rapidement; mais que les croisades aient suscité l'éveil et l'essor du commerce de la Chrétienté médiévale, aucun historien sérieux ne le croit plus. Qu'elles aient au contraire contribué à l’appauvrissement de l'Occident, en particulier de la classe chevaleresque, que loin de créer l'unité morale de la Chrétienté elles aient fortement poussé à envenimer les oppositions nationales naissantes..., qu'elles aient creusé un fossé définitif entre Occidentaux et Byzantins..., que loin d'adoucir les mœurs, la rage de la guerre sainte ait conduit les croisés aux pires excès, depuis les pogroms perpétrés sur leur route jusqu'aux massacres et pillages..., que le financement de la croisade ait été le motif ou le prétexte à l'alourdissement de la fiscalité pontificale, à la pratique inconsidérée des indulgences, et que finalement les ordres militaires impuissants à défendre et à conserver la Terre sainte se soient repliés sur l'Occident pour s'y livrer à toutes sortes d'exactions financières ou militaires, voilà en fait le lourd passif de ces expéditions.
Ainsi la "nouvelle Chrétienté" médiévale, contrairement à la Chrétienté primitive longtemps constituée surtout de petites gens qui finirent par imposer à l'empereur et à une partie des classes dirigeantes leur foi, était une chrétienté convertie par le haut et par la contrainte. Il ne faut jamais perdre de vue cette mutation du christianisme au Moyen Age. Dans ce monde de violence, la première violence fut la conversion.
La fuite devant certains métiers, la mobilité de la main d’œuvre rurale avaient amené les empereurs du Bas Empire à rendre obligatoirement héréditaire certaines professions et encouragé les grands propriétaires à attacher à la terre les colons destinés à remplacer les esclaves de moins en moins nombreux. La Chrétienté médiévale fera un péché majeur du désir d'échapper à son état. Tel père, tel fils sera la loi du Moyen Age occidental, héritée du Bas Empire romain. Demeurer s'opposera à changer et surtout à parvenir. L'idéal sera une société de "manants", de "manere", demeurer.
C'est également dans la ligne de la Rome antique que le Moyen Âge accomplit un progrès linguistique majeur: l'extension du latin comme langue des clercs et de l'élite laïque dans toutes les régions devenues chrétiennes. Certes, celui-ci a évolué par rapport au latin classique, mais il fonde l'unité linguistique de l'Europe qui se poursuit même au-delà des XII -XIII ème siècles, époque où, dans les couches les plus basses de la société et dans la vie quotidienne, les langues vernaculaires (tel le français) remplacent ce latin périmé. Le Moyen Âge est une période beaucoup plus "latine" que la Renaissance. (P107-108)