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Critique de Affranchie


Le nouveau roman d'Arnaud le Guern ressemble à un éternel refrain estival surgit d'on ne sait où au coeur de notre hiver profond.
De retour dans sa Bretagne natale avec sa fille Louise, l'auteur replonge dans son adolescence le temps d'un été. Bond en arrière: nous voici à l'aube des années 90. C'est l'époque où Gainsbourg fume sa dernière cigarette, où Muriel Moreno chante l'Amour à la Plage, et où Patrick Bruel tapisse les murs des chambres adolescentes. On ne sait pas encore que Freddie Mercury a le sida, «il attendra la fin de l'année pour mourir». La langue de Vanessa Paradis fourche à la remise des Césars.
Mais les années 1990, c'est aussi la Guerre du Golfe. le Koweït est envahi par l'Irak de Saddam Hussein, le «méchant d'exception dans une mauvaise série B hollywoodienne.» Les Etats-Unis de Bush le père et la France de Mitterrand, épaulé par Roland Dumas, sont à deux doigts de rentrer en guerre. Puis survient 1991: opération tempête du désert, voix de reporters grésillant à la radio, lointaines épopées orientales. le père de l'auteur, médecin militaire, est envoyé dans le Golfe. Absence mémorielle et mémorable, lettres du père éparpillées dans une adolescence en pleine floraison.
Trente ans plus tard, Arrnaud le Guern se replonge dans ces lettres que leur envoyait le père depuis le front. Au fil de ses lectures, l'auteur se laisse envahir par les souvenirs de cette jeunesse en fuite. C'est le début d'un roman en mosaïque, un poème tiraillé entre le présent et le passé, une explosion des sens où les frontières temporelles s'évanouissent en plein vol.
Quinze ans et «un coeur d'artichaut breton», voici notre auteur dans ses baskets de lycéen. Au programme ? Premiers flirts et babyfoot, basket ball et film X du samedi soir regardé en cachette, virées à la Sonothèque et dérives scolaires. Puis, du roman de sa jeunesse, Arnaud le Guern brosse le tableau d'une époque. Au fil de son esprit sur lequel il nous entraîne, c'est une vague de noms qui déferlent : Nastassja Kinski et Eric Neuhoff, Charles Bukowski et Bernard Franck, François Weyergans et Cecil Saint-Laurent. Ses lectures divergent entre France Football et L'Idiot International. de cette toile surgit du passé, les fragrances du présent viennent s'imposer. le rire de Louise entre deux vieilles musiques, le manque de Mado, sa femme, au-delà de ses souvenirs d'aventures, la sensation des lettres qui ont survécu au temps, l'agonie de ses chats, la mort de Tess, la chienne de son père. C'est un hommage à cet adolescent qu'il a été, à toutes ces filles qu'il a aimées, de Catherine à Mado en passant par Roxane et Christelle, à sa famille entre une mère « garde du coeur » et un père « toujours lointain, insensible ». Pourtant, la figure du père se fait de plus en plus prégnante à mesure que les souvenirs reviennent. Sur fond de parfum de tabacs et de fêtes passées, l'auteur laisse se dessiner un portrait touchant et humain, un père marqué par les douleurs de la guerre, un père pudique qui n'a jamais dit « je t'aime » mais dont les mots et les regards laissent deviner les bribes d'amour.
Le nouveau roman d‘Arnaud le Guern est un hommage aux mélodies de nos jeunesses. de page en page, l‘auteur joue avec le temps et les sentiments. le présent devenu flou laisse la place aux vagues du siècle précédent ; la nostalgie épouse l‘impertinence ; et de la plume de l‘écrivain surgit un tableau maître où époques et sentiments se confondent. Une mosaïque de soi-même, en quelques sortes. L'auteur a su se faire poète des temps modernes : puisque nous ne pouvons pas retourner dans le passé, il laisse à la plume le soin de gouverner la vie. Juste le temps de quelques pages ; le temps de se souvenir et le temps d'aimer. Et malgré les élans de nostalgie qui surviennent sur les flots du texte, comme des aigrettes sincères, le roman d'Arnaud le Guern est porté par une écriture tiraillée entre nostalgie et impertinence, rires et larmes, chagrin des êtres disparus et souvenirs acidulés.
Lien : https://combat-jeune.com/201..
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