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Critique de mademoisellechristelle


On a tous plus ou moins rêvé de pénétrer dans les coulisses du pouvoir et ce livre nous en offre une belle occasion.

A mon sens, deux thèmes y sont principalement abordés. L'auteur y traite tout d'abord de la question la place du pouvoir de nos jours et de la réelle prise de décision politique (mais qui tient les ficelles du pouvoir ?). Ensuite, à travers son récit, Bruno le Maire dresse un portrait rapproché de Nicolas Sarkozy.

C'est incontestable : le livre de Bruno le Maire est fort bien écrit et on sent chez celui-ci un réel talent d'écrivain (plus que de ministre ?). Pour nous raconter son passé de ministre de l'agriculture, Bruno le Maire choisit un ton très neutre et très descriptif. Il ne laisse donc que très rarement transparaitre ses sentiments.

Alors, Monsieur le Ministre, qui possède réellement le pouvoir au 21ème siècle ?

Eh bien visiblement, ce ne sont pas les hommes politiques français. En effet, on a l'impression que ceux-ci ont plutôt un rôle secondaire, notamment dans la politique internationale.

Dans son livre, Bruno le Maire nous fait partager son expérience à l'agriculture. Eh bien, croyez-moi, il passe beaucoup plus de temps à négocier avec ses homologues européens et internationaux qu'à prendre de véritables décisions.

Etre ministre ne consisterait donc pas à se la couler douce derrière un bureau mais à voyager sans cesse à travers la France et le monde (souvent au détriment de sa vie de famille) pour écouter les plaintes des uns et négocier plus de souplesse avec d'autres.

Bruno le Maire nous le fait comprendre clairement : en matière d'agriculture, tout passe par l'Europe et rares sont les décisions qui se prennent à un niveau national. L'un des exemples qui m'a notamment frappé c'est l'épisode où Bruno le Maire essaye de convaincre son homologue allemand de débloquer des fonds pour les plus démunis et que cette dernière reste totalement inflexible face à ses arguments car elle estime que l'Allemagne a déjà trop payé.

« Si nous ne maintenons pas l'aide européenne pour 2012 et 2013, des associations en Grèce, en Espagne, au Portugal, pas seulement en France, ne pourront pas financer les repas pour les pauvres. – C'est leur problème, pas le problème de l'Allemagne. – Il suffit de payer encore deux ans. – Deux ans ? Mais nous, nous payons pour les autres depuis des années et nous ne touchons pas un euro de cette aide, cela suffit. – Je comprends, Ilse, mais cela fait vingt-cinq ans que c'est le cas. – L'Allemagne ne paiera pas. – 200 millions d'euros ? Alors que vous allez payer des centaines de milliards d'euros pour sauver la Grèce ? – Raison de plus. – L'Allemagne va se retrouver isolée. Elle a tout le Parlement européen ou presque contre elle, vingt et un Etats sur vingt-sept et toute la Commission. – A cause de qui ? A cause de toi. – Ce n'est pas le sujet. Nous avons toujours travaillé parfaitement ensemble. Mais là, vous êtes isolés. – Nous ne sommes pas isolés, nous avons la Grande Bretagne avec nous ».

Si nos hommes politiques ne sont donc plus des décideurs et n'ont pas beaucoup de marge de manoeuvre sur les prises de décision, mais alors, qui prend les décisions ? A qui appartient le pouvoir ? Les pays dominants de l'Europe comme l'Allemagne ? Les organisations internationales ? Probablement..

J'ai également vu un autre indice dans un épisode au cours duquel Bruno le Maire raconte comment le directeur de la banque mondiale est venu lui apporter ses « conseils » en matière de Politique Agricole Commune. Mais curieusement, ce point n'a pas été très développé.. Je vous laisse donc seuls juges de la qualité des « conseillers extérieurs » de la France en matière de PAC..

« La main qui gouverne ne tire plus toutes les ficelles du capitalisme, elle en tient encore à peine une ou deux, et si elle ne prend pas garde à ses choix, demain elle sera la marionnette, et le capitalisme la main. Un jour viendra où des entreprises, des patrons étrangers, des fonds de pension, des investisseurs diront « Faites ! » et nous nous exécuterons »

N'étant pas spécialement admirative du personnage, je n'ai pas lu beaucoup de livres à propos de Nicolas Sarkozy. Et dans celui-ci, le moins que l'on puisse dire c'est qu'il perd complètement de sa superbe..

Ce qui ressort de manière flagrante du livre, c'est l'obsession de Nicolas Sarkozy de vouloir tout contrôler et de vouloir être au centre de tout ce qui se passe au sein du gouvernement. le lecteur remarquera d'ailleurs la quasi-absence de François Fillon dans le livre.

A ce titre, et d'un point de vue strictement personnel, j'ai eu presque l'impression de lire un livre sur le fonctionnement d'une monarchie absolue au 21ème siècle avec une politique intérieure et extérieure qui tourne autour de Nicolas Sarkozy notre bon roi !

Par ailleurs, le lecteur remarquera immédiatement que Bruno le Maire a su parfaitement retranscrire sur papier le phrasé saccadé de Nicolas Sarkozy ; il a même pensé à reproduire les fautes de syntaxe. En lisant Bruno le Maire, j'ai eu l'impression d'entendre parler Nicolas Sarkozy dans ma tête.

« Tu as mis tes bottes Hermès, Nathalie ? Elles sont magnifiques. Hermès, c'est cher, mais c'est magnifique." le Président se tourne vers sa voisine : "Mais vous, Bernadette, vous êtes un peu gestionnaire d'Hermès, non ? - Comment ça, Nicolas ? - Maintenant que Bernard Arnault a racheté une part d'Hermès. Vous êtes bien au conseil de LVMH ? Donc vous êtes un peu gestionnaire d'Hermès. [...] En tous cas, Hermès c'est une belle maison. Mais qu'est-ce que c'est cher ! C'est hors de prix ! le Kelly de base, pas le Kelly en croco, hein ? le Kelly de base, il est quand même à 5.000 euros ! 5.000 euros ! Je l'ai dit un jour à la famille : "5.000 euros, tout de même, vous vous rendez compte ?" Mais si ! Je vous assure ! 5.000 euros ! Ecoutez, je suis pas un plouc, je connais ».

Le livre de Bruno le Maire est une sorte de cadeau empoisonné à l'ancien président puisque Nicolas Sarkozy a parfois une image ridicule et l'on a du mal à accorder du crédit à cet homme qui a pourtant été notre Président de la République pendant cinq années.

« Tu te fais maquiller, Nicolas ? » Un des interprètes chuchote la traduction à l'oreille du Président. « Ah, toujours Angela ! Toujours ! Sinon on a une tête, on se voit à la télé, franchement, c'est atroce la tête qu'on a ». Elle hoche la tête dubitative. « Moi, je n'aime pas me faire maquiller. – Ah, mais tu as tort, Angela, je t'assure, on est beaucoup mieux maquillé ! – Il faut avoir une bonne maquilleuse, alors. – Moi, j'ai une maquilleuse personnelle, Angela, elle est formidable, vraiment, elle est formidable ! » le premier interprète accentue légèrement les inflexions de sa voix, pour bien se faire comprendre de la Chancelière. Elle boit une gorgée de thé, poursuit en allemand, et le second interprète, en léger différé, de quelques secondes seulement, souffle au Président : « Remarque, Nicolas, c'est comme pour le coiffeur, on s'est moqué de ma coiffure pendant des années, du coup un jour, je me suis dit, je vais aller chez le meilleur coiffeur de Berlin, et voilà, c'est pas plus compliqué que ça, plus personne ne se moque de ma coiffure ! » Elle fait un peu bouffer le bas de ses cheveux. le Président, ironique : « Ah mais c'est très réussi, Angela, très réussi ! » le premier interprète, cette fois hésite à mettre l'intonation, et finalement débite sa traduction sur un ton neutre. le Président poursuit : « C'est parce que tu es coquette, Angela ! – Coquette ? » Des gouttes de sueur apparaissent sur le front du premier interprète. « Mais oui, coquette ! Tu crois que ça m'a échappé, ton histoire de décolleté, hein ? Ah ! le décolleté d'Angela ! Tout le monde en a parlé en France ! »

Et ne vous avisez pas de contrarier le roi, il pourrait vous arriver des bricoles..

Assise derrière lui, Carla glisse : « Pourquoi tu ne laisses pas parler les autres, mon chéri ? Tu fais une réunion et tu ne laisses pas parler les autres, ça sert à quoi ? Il faut laisser parler les autres ». […] « Les autres, on s'en fout ! »

Enfin, je ne pense pas spoiler la fin du livre en vous disant qu'à la fin de son règne, ses ministres avait tous pressentis la chute du roi soleil et que, malgré leur combat, un autre serait élu à sa place.

Le roi est mort ! Vive le roi !

Lien : http://mademoisellechristell..
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