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Critique de Erveine


On dira ce qu'on voudra, mais rien jamais ne pourra se substituer au bonheur de serrer contre sa poitrine, une lettre où s'exprime l'attachement, de la naissance à son devenir, des liens du sang, dit adelphiques.
Bien souvent, il perpétue l'histoire familiale et, en l'absence des pères et mères disparus, il est le fil conducteur qui relie l'un à l'autre, des frères et des soeurs ; un lien qui, selon qu'il cède ou s'estompe petit à petit, pèse sur la transmission ou le flou qu'il propage vers la descendance de chacun. C'est dans la lettre à mon sens que le pouvoir des mots s'exprime le plus avant, car est bien plus forte en effet l'attente du retour espéré d'une correspondance que le simultané de la communication par mail, (l'un écrasant l'autre par sa multiplicité) lequel message laisse peu de poids à la réflexion, prêtant à l'action/réaction un réflexe dénué de distanciation et dont, du fait de la simultanéité restreint l'attendrissement, voire l'exclu totalement. En témoignent les différents échanges présentés par Didier LETT (un nom bien destiné ma fois) dont la profondeur est criante quelle que soit la nature des sentiments.
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Joseph du Bourg à son frère Bruno, sur l'état de santé de leur frère, Philippe ; expression de la fierté familiale à l'évocation du la mitre, couvre-chef du frère évêque :
― Prie Dieu qu'il rende à notre frère la santé et l'usage de ses jambes, dont il en a eu une de cassée à son service ayant la mitre en tête. Nous t'aimons et te chérissons de tout notre coeur.
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Lord Byron à sa demi-soeur Augusta ; attachement passionnel conditionnant désormais tout autre épanchement amoureux :
― On dit que l'absence détruit les passions faibles et confirme les fortes. Hélas ! celle que tu m'inspires est la somme de toutes les passions et de toutes les tendresses, elle s'est renforcée mais elle me détruira – je ne parle pas de destruction ‘physique', car j'ai résisté et puis résister, à beaucoup de choses – mais de l'annihilation de toute pensée, de tout sentiment, de tout espoir qui n'ait de près ou de loin un rapport avec toi et avec nos souvenirs.
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Honoré de Balzac à sa soeur ; ne pas oublier de poser l'essentiel et dire je t'aime :
― Je commence par te dire que je t'aime de tout mon coeur et que je t'embrasse de peur de l'oublier dans le courant de ma lettre.
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Eugène Delacroix à son frère Charles ; maudissant la fuite du temps et la réciproque paresse conduisant chacun à rester dans sa charge et loin de l'autre demeurer :
― On a bien par ci, par là une quinzaine de jours disponible. Mais un ou deux mois sont bien difficiles à prendre sur le train ordinaire de la vie comme elle est arrangée... Si nous reprenions au moins l'habitude de nous écrire de temps en temps, cela ferait un peu diversion à cette impossibilité de nous voir.
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Ernest Renan à sa soeur Henriette ; expression des regrets quant à la renonciation de la dépendance affective induite par l'abattement de la distanciation relative à la parfaite connaissance de l'autre.
― Que de fois j'ai maudit le jour où je commençai à penser, et j'ai envié le sort des simples et des enfants, que je vois autour de moi si contents, si paisibles. Dieu les préserve de ce qui m'est arrivé, et pourtant je l'en remercie.
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Ce sont des mots que l'on prête à un autre, si proche, et c'est un ravissement que de les pouvoir conserver et lire à l'envi. Non point que ces liens soient toujours indéfectibles, quant à la mesure des élans qu'ils intiment se pouvant exprimer au contraire avec une force destructrice, par manquement, ou par jalousie (souvent sur le quantitatif du lien entretenu par l'un ou l'autre des parents, à tel ou telle du frère ou de la soeur), et selon que la vie des uns et des autres évolue vers l'indépendance ou vers une certaine forme de maturité.
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Durant trente ans, Pierre Louÿs écrit à son frère Georges ; pour entretenir le lien, coûte que coûte.
Tu t'étonnes que je te parle « d'autre chose » que de ce désaccord : je te donne des nouvelles de ma vie parce que je suppose que cela t'intéresse, et je te demande tous les trois jours des nouvelles de la tienne parce que j'ai envie d'en avoir et c'est assez naturel...
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Que n'ai-je lu toutes ces lettres avec attachement, moi aussi, pour n'en point recevoir autant de sitôt. Merci donc à Robert, Les Éditions Le... et Babelio dans le cadre de l'opération Masse Critique.
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