J'erre dans les rues du pays de mon enfance.
(p. 48)
Je ramène les pans de mon manteau. Je m'allonge dans la neige. J'écoute siffler le vent. Je regarde le ciel bas. Une profonde paix descend en moi.
Ils y a des gens qui se volatilisent comme ça, ils se confondent avec l'air que nous respirons et l'air devient irrespirable.
Je tremble de tous mes membres, j'ai froid, je vais et viens dans mon réduit, j'allume des cigarettes que je laisse se consumer au bout de mes doigts comme si la fumée pouvait chasser ces voix épouvantables qui hurlent et que personne n'entend. De ma main valide, je balaie l'encrier, le manuscrit, dont les feuillets volent à travers la pièce. Je jette à terre la machine à écrire. Je renverse les piles de livres, mets à sac la bibliothèque. Puis je me réfugie dans un coin, allume une petite lumière, regarde le paysage saccagé, les cendres des cigarettes répandues partout sur le plancher.
Ceux que j'appelle au secours rejoignent aussitôt le Grand Complot, se moquent de moi, me scrutent, menacent de m'envoyer chez ces Grands Inquisiteurs, les psychiatres.
La philosophe se lève de table, et dans sa chemise de nuit salie, va dormir, mais d'un oeil, pour attendre la visite de Dieu et Lui cracher à la gueule.