Les sept reliques, tome 2 : La bouche de l'enfer

« La valeur de quelqu'un ne se mesure pas à ses muscles, à son aptitude magique ou à ses exploits mais à sa vaillance et à son cœur. »

- La valeur de quelqu'un ne se mesure pas à ses muscles, à son aptitude magique ou à ses exploits mais à sa vaillance et à son cœur. Or le courage est relatif : je ne suis pas brave, car je ne prends pas beaucoup de risques. Mon âge, ma quasi-immortalité et mes pouvoirs me permettent de maîtriser toutes les situations du début à la fin. Les rares fois où je n'ai pas le contrôle, je suis assez démunie. Être courageuse, c'est se lancer sans filet dans quelque chose qui t'échappe totalement. C'est ce que tu as fait, en quittant seule Vertemuraille. Quant au cœur... La bonté, la générosité, l'empathie, la pitié sont ses manifestations. Je crains là encore de ne pas en être beaucoup pourvue ! Toi, si. Aie confiance en moi. Je peux te l'assurer : tu es déjà parfaite.

- Nous sommes vraiment dans un bel état, soupira Amber. Le sang, la cendre, la sueur, l'odeur de musc, une haleine de fruits pourris... Sauver le monde, c'est un travail salissant !

Seth sortit de son sac deux foulards et trois grands mouchoirs en tissu. Ses amis s’en saisirent et les nouèrent devant leurs voies respiratoires.
– Pourquoi as-tu tout ce… bazar  ? demanda Amber
– Consoler une fille qui pleure est le meilleur moyen de se garantir son affection, donc je suis prévoyant. Concernant les cache-cols… Nous ne sommes pas assez intimes pour que je te montre l’usage que j’en fais en galante compagnie  !
Cordélia rougit, Louane rit, Amber leva les yeux au ciel et Liam resta de marbre.

– Cordélia ? Que peux-tu dire sur le blason des Nains ? se moqua Amber.
– Euh… De gueules à marteaux d’or et… C’est tout, en fait.
– Évidemment. Les Nains ne pensent qu’avec leur marteau.
Non, il n’y a rien de licencieux dans cette phrase. Et pourtant, ça aurait été préférable !

– Je prends un risque mais j’ose néanmoins le dire, lâcha Seth : les êtres du Feu ont un sale caractère et sont un parfait exemple d’incivilité  !
– Oui pour les deux premières, répondit Amber d’un ton léger. Pour la troisième : il n’y a pas de règles générales.
– Les deux premières  ?
– Le caractère, naturellement. Et je te le confirme : tu prends des risques en proférant de telles choses en ma présence.

Un rire rauque (et légèrement inhumain) monta alors de la gorge de la drow.
- Pas mal, admit-elle, pleine de morgue. Vous pourriez être général cas, c'est bien connu, "un bon général ne se rend jamais, même à l'évidence" : vos prières ne peuvent inhiber la noirceur que j'ai dans le corps depuis la naissance. Croyez-moi, j'ai longuement essayé ! J'espère que vous avez vraiment une déesse à votre écoute : vous allez en avoir besoin !

- Qui êtes-vous ? interrogea Cordélia.
- Une sorcière, tiens ! Ça ne te semble pas évident ?
- À votre vêture, j'avais deviné que vous n'étiez pas une innocente et gentille "ménagère de moins de cinquante ans" très pudibonde... ironisa Louane.
- Pff ! La seule vraie différence entre une sorcière et une femme coincée, c'est l'emplacement du balai !

Les animaux avaient pu distancer le feu, mais l'avance du groupe se réduisait comme peau de chagrin. Tous leurs sens étaient saturés par l'enfer qui avalait à la vitesse du vent l'herbe derrière eux : la vue percevait l'éclat rivalisant avec le soleil qu'il projetait aux alentours, l'odorat et le goût souffraient de la fumée, l'ouïe était agressée par le rugissement du "grand dévoreur" (comme le nommaient de nombreux peuples) et, bien sûr, chaque parcelle de leur peau ressentait la chaleur de plus en plus intense dans leur dos.

Alors à son tour, Amber s'efforça de juguler la frustration liée à son sentiment d'échec et sa crainte pour leur amie. En quelques instants, elle avait retrouvé tout son sang-froid. Car une haine glaciale l'habitait désormais. Louane n'avait jamais vu sa tante vibrer d'un tel ressentiment, d'une telle colère. Ce n'était plus la gentille demi-Elfe dont ils avaient l'habitude, c'était une drow en chasse. Et le gibier avait du souci à se faire !