Citations sur La Part du démon (47)
Elle aurait souhaité aller vers lui, le regarder au fond des yeux et le serrer de toutes ses forces ; qu’il pleure dans son cou, qu’il lâche sa détresse, qu’il perde pied, et elle, elle lui aurait soufflé qu’elle savait ce qu’il endurait, que la souffrance était terrible, presque inhumaine, mais qu’avec le temps, tout ça évoluerait, que même cette émotion insupportable, un jour, s’atténuerait.
Qu’une succession de prismes ferait évoluer cet horrible sentiment au fil des années ; et quand il y repenserait bien plus tard, ce drame terrible lui paraîtrait s’être passé dans une autre vie, et alors il ne faudrait pas qu’il en ait honte, car l’oubli était humain, l’autoprotection était nécessaire, l’instinct de survie surpassait tout.
Elle aurait simplement voulu lui dire ça, que le temps soignait les pires blessures, que c’était une réalité, qu’il fallait garder confiance, et que demain serait un autre jour.
Lorsque l’assistante plaça les capteurs sur son front et son torse, il la contempla d’un air résigné. Les bips de l’appareil étaient toujours réguliers. Le Toubib se pencha sur lui à son tour ; la lumière se reflétait sur ses verres et le garçon ne put déceler son regard, mais il l’imaginait concentré quand il planta l’aiguille dans le cathéter et injecta la première dose.
Pourtant bouillant, son bras se refroidit dans la seconde. Les bips s’accélérèrent, il ferma les yeux avec l’impression que son coude était en train de geler. Une fine couche de givre qui se propageait dans son avant-bras. Sa main se figea, ses doigts se paralysèrent.
À son arrivée en Nouvelle-Zélande, un autre vieux désir se concrétisa. Il atterrit en soirée à Queenstown, sur l’île du Sud. Il faisait nuit noire, il n’y avait rien alentour à part des champs, de la nature à perte de vue, des moutons par milliers. La sensation qu’éprouva Cristian au réveil à la vision de cette plénitude le bouleversa.
Esperanza flottait dans une zone transitoire totalement trouble, entre deux eaux aux frontières mal définies, plongée dans un songe qui lui paraissait pourtant tellement sincère.
Sous l’insistance du supplice, elle émergea, stimulée par l’entêtante sonnerie de plus en plus présente. Elle s’était d’abord manifestée dans son rêve, mais c’était bien dans la réalité qu’elle semblait maintenant brailler.
Son esprit mit du temps à percuter ; elle ne parvenait pas à éclore, comme si on l’avait assommée ou droguée un instant plus tôt.
– Non, non, non. Me dis pas que t’es sur ta putain d’histoire de taxis ? Surtout pas, mon p’tit Christian ! Je te préviens ! Parce que ça être un massacre ! Y en a marre de tes histoires de complots et de secte tueuse de taxis ! Tu comprends ?! Tu perds ton temps ! Tu nous fais perdre notre temps ! Tu laisses tout de suite tomber ce truc sans queue ni tête ! Et quand je dis tout de suite, c’est immédiatement ! Et surtout, tu laisses faire la police. Je te paye pas pour jouer au Cluedo, bordel ! J’ai besoin de toi sur des sujets concrets !
Esperanza flottait dans une zone transitoire totalement trouble, entre deux eaux aux frontières mal définies, plongée dans un songe qui lui paraissait pourtant tellement sincère.
Doloria contemplait la dépouille avec apitoiement, bouleversée elle aussi par cette confirmation. Sa première affaire serait donc celle-ci. Le meurtre sordide d'une jeune religieuse.
Elle aurait souhaité aller vers lui, le regarder au fond des yeux et le serrer de toutes ses forces ; qu'il pleure dans son cou, qu'il lâche sa détresse, qu'il perde pied, et elle, elle lui aurait soufflé qu'elle savait ce qu'il endurait, que la souffrance était terrible, presque inhumaine, mais qu'avec le temps, tout ça évoluerait, que même cette émotion insupportable, un jour, s'atténuerait.
Après avoir occupé pendant plus d'un siècle le mythique 36 quai des Orfèvres, la police judiciaire de Paris avait récemment déménagé dans le 17ème arrondissement.
Au magnifique monument historique trônant sur l'île de la Cité, succédait aujourd'hui une tour contemporaine de dix niveaux tout de béton et de verre.
Aux légendaires cent quarante-huit marches gravies par les plus grands criminels du XXe siècle se substituaient des ascenseurs aseptisés et sans histoire.
Les petits bureaux mansardés s'étaient transformés en des espaces épurés et insignifiants.
... comme deux étrangers en covoiturage qui partiraient pour un week-end de merde au pays de la tronche à l'envers.