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Critique de Coulardeau


J'en resterai aux images qui sont plus parlantes que tous les commentaires de Pignon lui-même ou d'un autre sous forme de citations. Ernest Pignon-Ernest est la preuve vivante que l'important c'est et cela reste d'être Ernest, même si Oscar Wilde l'employait, du moins le mot anglais “earnest,“ avec le double sens du prénom, ô combien gentil, et de l'euphémisme évident du sous-entendu sexuel d'Oscar Wilde, à la fois trivial et sérieux, trivial dans la vulgarité de la sexualité on dira standard, les filles et les garçons se battant pour la conquête d'un rien du tout de toutes façons, et le sérieux qu'il s'agit plutôt d'être honnête avec soi-même quand les filles on en a plus que ras la coupe, surtout qu'en plus il faut se payer la mère et toute la belle famille, sans compter la sienne qui triomphe d'une alliance qui rapporte bien plus qu'un homme ou une femme, c'est à dire une fortune.

Ernest Pignon-Ernest est obsédé par l'homme – surtout quand parfois il est une femme – dans la souffrance du monde qui devient la souffrance de l'artiste. Mais ne posez jamais la question de comment il peut partager une souffrance qu'il n'a pas vécue. L'empathie est une dimension humaine fondamentale qui permet à chacun de vivre la souffrance – ou le bonheur – des autres sans jamais en approcher. Audin est mort sous la torture d'un groupe de tortionnaires militaires français à Alger et l'un des membres de ce groupe a été, est et sera toujours un célèbre J-P (fausse initiale pour tromper la censure). On n'est pas supposé parler de cette unité et des gens qui y ont participés car c'est secret défense absolu et pour toujours – du moins certains le souhaite. Ce qui permet à J-P de faire de Jolies Pirouettes, ou de Jeunes Marionnettes, mêmes si elles sont devenues plus rares avec l'âge.

Mais l'important ce ne sont justement pas les oeuvres picturales de l'artiste-peintre reproduites en grand nombre, mais le fait que chaque oeuvre devient un évènement sans précédent car des centaines, voire plus d'un millier de ces sérigraphies en série sont affichées, collées, exposées, exhibées partout dans une ville, et particulièrement dans des zones abandonnées, déconstruites, détruites, de l'ordre du no-man's-land du lumpenprolétariat si cher à Karl Marx. L'oeuvre est alors la photo de la sérigraphie dans son cadre d'exposition, sur ce mur en ruine, contre cette friche industrielle, en avant plan du squat de rue, sous un pont, dans la pluie d'une ville cruellement ségrégationniste comme Paris, Naples et quelques autres.

La Commune alors ne devient que la commémoration de sa défaite et de son massacre sur les marches du Sacré Coeur à Paris bien sûr. Rimbaud n'attire que parce qu'il fut violé sur les barricades de la Commune par une bande de révolutionnaires qui croyaient que violer un gamin de 17 ans, même s'il le désirait, était capable de changer le monde. Cela n'est pas arrivé et Rimbaud est devenu un spectre mythique aux semelles de vent sur une route enablée de ruines et de déchets. Il mourra de syphilis, probablement, abandonné ou presque de tous et surtout de Verlaine.

Le monde d Pignon-Ernest est un monde de la déconstruction, de la démolition, de la déshumanisation, de la décrépitude mentale, religieuse, éthique et simplement humaine. Mais le projet n'est jamais de simplement représenter le ou les personnages concernés. C'est leur reproduction en nombre et le collage de ces images reproduites dans un décor urbain surtout de ruines, d'exploitation avortée, même et surtout quand c'est une femme qui avorte, ou bien encore des immigrés, des déplacés, des expulsés, des mutilés, des crucifiés, et j'en passe et des pires, comme Jésus toujours en arrière et en suaire mais jamais vraiment cité. Cela serait-il trop de droite pour un homme qui se targue d'être de gauche donc laïque, n'est-il point?

En fin de compte – et pas de formation, même militaire, car j'ai passé l'âge – c'est un monde en décomposition que l'on nous montre dans la chair de l'homme – même quand il est une femme – qui se délite en poussière et se débite en tranches, en pièces, en, morceaux eux-mêmes morcelés et qui nous font oublier la bite d'amarrage si chère à tous les Bretons, y compris Jacques Brel, sans laquelle il n'est pas d'ancrage efficace dans quelque port vital que ce soit;

Essayez de survivre à cet artiste et de trouver dans le monde un ou deux hommes – même si ce sont des femmes – qui sauveraient le genre humain d'un brin de beauté et d'amour.

Aimer le cadavre que l'on porte à bras le corps n'est qu'un enterrement inachevé. Je souffre pour le mort ainsi transbahuté à bras le corps comme s'il était un simple bagage un peu encombrant. On a envie de demander: “Mais où est donc la consigne, ou la morgue?”

Dr. Jacques COULARDEAU

Lien : https://jacquescoulardeau.me..
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