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Critique de ithaque


Planète océanique scrutée depuis 100 ans par les hommes, Solaris est l'objet de toutes les hypothèses. Face à ses manifestations multiples et complexes, sous forme par exemple d'extraordinaires symétries éphémères, les suppositions ont fonctionné à plein régime : l'océan est-il un méga-cerveau ultra-évolué ? n'est-il au contraire qu'une forme de conscience balbutiante ? ou alors régressive ?

Si la planète focalise autant l'attention, c'est probablement parce que bouillonne en souterrain la question mystique ultime qui taraude l'être humain : le fantasme du Grand Contact, celui que l'homme aurait enfin avec l'Autre, absolu, extérieur, un esprit supérieur qui serait à la fois explication ultime et onguent rafraîchissant sur nos affres existentielles.

Kelvin qui a consacré sa thèse à cette planète, débarque enfin, plein d'allant, dans la petite station d'étude où ne subsistent plus que deux scientifiques. Première douche froide : s'ils n'ont pas encore totalement perdu les pédales, ceux-ci en sont à 2 doigts ; on dira pudiquement qu'ils ne brillent ni par leur entrain ni par leur jovialité ; un stage intensif de décompression avec Christophe André serait à prévoir dans les meilleurs délais ; haute-tension palpable, atmosphère électrique, le burn-out n'est pas loin.

Kelvin va-t-il lui aussi perdre la boule sur la planète aux deux soleils ? on l'excuserait : dès son premier réveil, il découvre Harey à ses côtés, sa petite amie qui s'est suicidée 10 ans plus tôt, et qui plus est, bien décidée à ne pas le lâcher d'une Moonboots.

Il se rend compte rapidement que ses 2 autres collègues sont eux aussi accompagnés d'avatars venus de leur lointain passé. Serait-il possible que le méga-cerveau-océanique vienne fouiller dans les cerveaux humains et se serve de leurs anciennes empreintes pour créer des clones 3D ? Ses intentions sont-elles malveillantes ou bienveillantes ? Cherche-t-il à les étudier ou leur faire un cadeau ?

C'est passionnant de voir évoluer les réactions de Kelvin vis-à-vis de cet avatar de la femme qu'il a aimée. La rejetant tout d'abord, presque horrifié, il finit, par un processus finement décrit, par s'attacher à elle plus qu'à son projet scientifique. Traqué par la claustrophobie et le contact autistique avec ses collègues, il se raccroche avec une avidité enfantine à cette seule source d'affection.

Le rapport veille/rêve est également habilement exploré : les rêves de Kelvin ont parfois une acuité qui dépasse largement ses états d'éveil, ce qui est extrêmement perturbant, ça va de soi. Qui n'a jamais eu ce genre de doutes terribles sur l'ambiguïté de ses états de conscience ? D'où découle la question suivante : comment l'homme peut-il prétendre à la compréhension de l'univers s'il ignore tout de son propre inconscient, planète elle-même inaccessible ?

Un doctorat en physique atomique sera un petit plus appréciable pour comprendre certains passages, mais pas d'inquiétude, on s'y retrouve toujours en remplissant les trous par l'imagination.
L'imagination de l'auteur, elle, est totalement débridée, il a craqué les coutures et se donne à fond, hypothèses farfelues, images inédites, hypothèses théologiques galopantes, un bon creusage de tronche qui va faire passer à votre cerveau un sacré quart d'heure, mais qui vaut le voyage.

L'auteur a la finesse de ne rien trancher, rien fermer, il ne nous assène rien sur le coin du museau comme grand final, mais nous laisse avec toutes nos questions existentielles + les siennes, bon ben merci quand même.

Ce livre de 1961 et son hypothèse bottante de cerveau-océan reste en tête fort longtemps après la dernière page.



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