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Citations sur Solaris (53)

Suis-je responsable de mon inconscient ? Mais qui d'autre en serait responsable ?...
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Pendant un certain temps, l'opinion prévalut (répandue avec zèle par la presse quotidienne) que "l'océan pensant" de Solaris était un cerveau gigantesque, prodigieusement développé, et en avance de plusieurs millions d'années sur notre propre civilisation, une sorte de "yogi cosmique", un sage, une figuration de l'omniscience, qui depuis longtemps avait compris la vanité de toute activité et qui, pour cette raison, se retranchait désormais dans un silence inébranlable. L'opinion était inexacte, car l'océan vivant agissait ; il ne bâtissait pas des villes ou des ponts, il ne construisait pas des machines volantes ; il n'essayait pas d'abolir les distances et ne se souciait pas de la conquête de l'espace (critère décisif, selon certains, de la supériorité incontestable de l'homme). L'océan se livrait à des transformations innombrables, à une "autométamorphose ontologique" - les termes savants ne manquent pas dans le relevé des activités solaristes ! D'autre part, tout scientifique s'attachant à l'étude des multiples solariana éprouve l'impression irrésistible qu'il perçoit les fragments d'une construction intelligente, géniale peut-être, mêlés sans ordre à des productions absurdes, apparemment engendrées par le délire. Ainsi naquit, à l'opposé de la conception "océan-yogi", l'idée de "l'océan-débile".
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Nous nous envolons dans le cosmos, préparés à tout, c'est-à-dire à la solitude, à la lutte, à la fatigue et à la mort. La pudeur nous retient de le proclamer, mais par moments nous nous jugeons admirables. Cependant, tout bien considéré, notre empressement se révèle être du chiqué. Nous ne voulons pas conquérir le cosmos, nous voulons seulement étendre la Terre jusqu'aux frontières du cosmos. Telle planète sera aride comme le Sahara, telle autre glaciale comme nos régions polaires, telle autre luxuriante comme l'Amazonie. Nous sommes humanitaires et chevaleresques, nous ne voulons pas asservir d'autres races, nous voulons seulement leur transmettre nos valeurs et en échange nous emparer de leur patrimoine. Nous nous considérons comme les chevaliers du Saint-Contact. C'est un second mensonge. Nous ne recherchons que l'homme. Nous n'avons pas besoin d'autres mondes. Nous avons besoin de miroirs. Nous ne savons que faire d'autres mondes. Un seul monde, notre monde, nous suffit, mais nous ne l'encaissons pas tel qu'il est. Nous recherchons une image idéale de notre propre monde ; nous partons en quête d'une planète, d'une civilisation supérieure à la nôtre, mais développée sur la base du prototype de notre passé primitif. D'autre part, il existe en nous quelque chose que nous refusons, dont nous nous défendons, et qui pourtant demeure, car nous ne quittons pas la Terre à l'état d'essence de toutes les vertus, ce n'est pas uniquement une statue de l'Homme-Héros qui s'envole! Nous nous posons ici tels que nous sommes en réalité, et quand la page se retourne et nous révèle cette réalité - cette partie de notre réalité que nous préférons passer sous silence - nous ne sommes plus d'accord!
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Les jours fastes (jours fastes pour le savant aussi bien que pour le mimoïde), l'observateur contemple un spectacle inoubliable. En ces jours d'hyperproduction, le mimoïde se livre à d’extraordinaires "essors de création". Il s'abandonne à des variantes sur le thème des objets extérieurs, qu'il se plaît à compliquer et à partir desquels il développe des "prolongements formels" ; il s'amuse ainsi pendant des heures, pour la joie du peintre non figuratif et le désespoir du savant, qui s'efforce en vain de comprendre quoi que ce soit aux processus en cours. Si parfois, le mimoïde a des simplifications "puériles", il a aussi ses "écarts baroques", ses crises d'extravagance magnifiques. Les vieux mimoïdes, notamment, fabriquent des formes très comiques. En regardant les photographies, je n'ai pourtant jamais été porté à rire, tant j'étais bouleversé, chaque fois, par leur mystère.
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La cabine aux murs incurvés avait une grande fenêtre panoramique, qu'empourprait une brume ardente ; sous la fenêtre, les crêtes fuligineuses des vagues passaient silencieusement. Contre les murs s'alignaient des armoires ouvertes remplies d'instruments, de livres, de verres sales, de récipients calorifugés couverts de poussière. Cinq ou six petites tables roulantes et des fauteuils ratatinés encombraient le sol maculé. Un seul siège était gonflé, le dossier convenablement redressé en arrière. Dans ce fauteuil il y avait un petit homme maigre, au visage brûlé de soleil, la peau du nez et des pommettes se détachant par de larges plaques.
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Je crus voir les ruines d'une ville archaïque, une cité marocaine vieille de plusieurs siècles, bouleversée par un tremblement de terre ou quelque autre cataclysme. Je distinguais un réseau embrouillé de ruelles sinueuses, obstruées de déchets, des venelles qui descendaient en pente raide vers le rivage baigné d'écume onctueuse ; plus loin se dessinaient des créneaux intacts, des bastions aux contreforts pelés ; dans les murs renflés, affaissés, il y avait des orifices noirs, vestiges de fenêtres ou de meurtrières. Toute cette ville flottante, fortement inclinée de côté, tel un navire sur le point de chavirer, glissait au hasard, se retournant très lentement sur elle-même, ainsi qu'en témoignait le déplacement du soleil au firmament ; les ombres rampaient paresseusement parmi les ruelles de cette ville en ruines, et de temps en temps une surface polie renvoyait vers moi un rayon lumineux. Je pris le risque de grimper plus haut, puis je m'arrêtai : des filets de sable fin commençaient à s'écouler des rochers au-dessus de ma t^te et, tombant dans les ravins et les ruelles, les cascades de sable rebondissaient en tourbillons de poussière. Le mimoïde, bien sûr, n'est pas fait de pierre et il suffit de soulever un éclat "rocheux" pour que se dissipe toute ressemblance avec le calcaire ; la matière qui compose le mimoïde, plus légère que la pierre ponce, est constituée de petites cellules et extrêmement poreuse.
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Ainsi donc commence le rêve. Autour de moi, quelque chose attend mon consentement, mon accord, un acquiescement intérieur, et je sais, ou plutôt quelque chose en moi sait que je ne devrais pas céder à une tentation inconnue, car plus le silence semble prometteur, plus terrible sera la fin. Ou, plus exactement, je ne sais rien de tel, car si je le savais, j'aurai peur, et jamais je n'ai ressenti aucune peur. J'attends. De la brume rose qui m'enveloppe, un objet invisible émerge et me touche. Inerte, emprisonné dans cette matière étrangère qui m'enserre je ne peux ni reculer, ni me retourner, et cet objet invisible émerge et me touche. Inerte, emprisonné dans cette matière étrange qui m'enserre, je ne peux ni reculer ni me retourner, et cet objet invisible continue à me toucher, à ausculter ma prison, et je ressens ce contact comme celui d'une main, et cette main me recrée. Jusqu'à présent, je croyais voir, mais je n'avais pas d'yeux, et voici que j'ai des yeux ! Sous les doigts qui me caressent d'un mouvement hésitant, mes lèvres, mes joues sortent du néant, et la caresse s'étendant, j'ai un visage, le souffle gonfle ma poitrine, j'existe. Et recrée, je crée à mon tour, et devant moi apparaît un visage que je n'ai encore jamais vu, à la fois inconnu et connu. Je m'efforce de rencontrer les yeux en face de moi, mais cela m'est impossible, car je ne peux imposer aucune direction à mon regard, et nous nous découvrons mutuellement, par-delà toute volonté, dans un silence recueilli. Je suis redevenu vivant, je me sens une force illimitée et cette créature - une femme ? - demeure auprès de moi et nous restons immobiles. Nos cœurs battent, confondus, et soudain du vide qui nous entoure, où rien n'existe et ne peut exister, s'insinue une «influence» d'une cruauté indéfinissable, inconcevable. La caresse qui nous a créés, qui nous a enveloppé d'un manteau d'or, devient le fourmillement d'une infinité de doigts. Nos corps, blancs et nus, se dissolvent, se transforment en un grouillement de vermine noire, et je suis - nous sommes - une masse de vers gluants, entremêlés, une masse sans fin, infinie, et dans cet infini, non ! je suis l'infini, et je hurle silencieusement, j'implore la mort, j'implore une fin. Mais, simultanément, je m'éparpille dans toutes les directions, et la douleur s'enfle en moi, une souffrance plus vive qu'aucune souffrance éprouvée à l'état de veille, une souffrance démultipliée, une épée fouillant les lointains noirs et rouges, une souffrance dure comme le roc et qui s'accroît, montagne de douleur visible à la lumière éclatante d'un autre monde.
C'est là un rêve parmi les plus simples ; je ne peux raconter les autres, fautes de termes pour en exprimer l'épouvante.
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Je la serrai dans mes bras ; elle murmura :
- Plus fort ! - Et, après un long moment : Kris !
- Quoi ?
- Je t'aime.
Je faillis hurler.
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- Oui le contact avec l'océan. J'estime que le problème est en réalité très simple. Un contact signifie l'échange de certaines connaissances, de certaines notions, ou du moins de certains résultats, de certains états de fait - mais s'il n'y a pas d'échange possible ? (...) De part et d'autre, évidemment, des tentatives peuvent être entreprises. Et la conséquence de l'une de ces tentatives, c'est que tu es là, maintenant, avec moi. Et je m'efforce de t'expliquer que je t'aime. Ta seule présence efface les douze années de ma vie que j'ai consacrées à l'étude de Solaris, et je désire te garder auprès de moi. M'as-tu été envoyée pour me torturer, ou pour adoucir ma existence, ou n'es-tu qu'un instrument ignorant sa fonction et dont on se sert pour m'examiner comme à travers un microscope ? Se sert-on de toi pour me témoigner de l'amitié, pour me porter un coup insidieux, ou pour se railler de moi ? Peut-être tout cela à la fois, ou peut-être - et c'est le plus vraisemblable - s'agit-il de bien autre chose. Mais pourquoi nous soucier des intentions de nos parents - même si nos procréateurs ne se ressemblent nullement ? Tu répondras que notre avenir dépend de ces intentions, et je ne te contredirai pas. Pas plus que toi, je ne prévois l'avenir? Je ne peux pas même t'assurer que je t'aimerai toujours. Étant donné ce qui s'est passé, il faut s'attendre à tout. (...) Rien ne dépend de nous. Mais puisqu'il dépend de nous de prendre une décision aujourd'hui, décidons de rester ensemble ! Qu'en dis-tu ?
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Beaucoup plus rares, difficiles à observer et d'une durée très variable, certaines certaines créations se détachent complètement de l'océan. Les premiers vestiges de ces "indépendants" furent identifiés - à tort, on l'a démontré par la suite - comme les restes de créatures vivant dans les profondeurs de l'océan. Les formes autonomes évoquent en général des oiseaux à plusieurs ailes, qui fuient les trompes mouvantes des agilus ; mais les notions importées de la Terre n'aident pas à pénétrer les mystères de cette planète. Parfois, apparition exceptionnelle sur la berge rocheuse d'une île, on distingue d'étranges corps ressemblant à des phoques, qui se vautrent au soleil ou se traînent paresseusement vers l'océan, auquel ils s'intègrent.
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