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Critique de clesbibliofeel


Très beau portrait d'un philosophe majeur, un livre agréable et utile, permettant d'éclairer la pensée de Spinoza (1632-1677). Cela se lit comme un thriller tout en donnant une idée concrète de la pensée de cet avant-gardiste.
À 15 ans Baruch de Spinoza assiste à la peine infligée à Uriel da Costa, une flagellation publique devant la synagogue d'Amsterdam suivie d'une humiliation sociale terrible car chacune des personnes présentes doit enjamber le corps… Pour avoir nié l'immortalité de l'âme, les coups de bâtons sont suivis du suicide du condamné. Rude époque !
Spinoza poursuivra et prolongera l'oeuvre de da Costa après avoir lui-même subi, quelques années après, cet anathème.
En effet, à 23 ans il a été la cible d'un « herem » de la part des anciens de la synagogue d'Amsterdam, d'une violence incroyable… Une véritable exécution… Ou peu s'en faut, un bannissement total. À noter que ce herem a été remis en débat en 2012 mais n'a même pas été levé, les autorités juives d'Amsterdam ayant déclaré que les raisons existaient toujours et que Spinoza n'avait jamais éprouvé de repentir…
Triste religion, « passions tristes » aurait dit Spinoza.
Spinoza critique toutes les religions lorsqu'elles activent les passions tristes, lorsqu'elle se détourne de leur vocation de justice et de charité.
Il prône la raison naturelle basée sur la réflexion et le libre consentement et non l'obéissance aveugle à une religion. Il ne doit pas y avoir de monopole d'interprétation des textes.
Il se rattache aux philosophes grecs en ce qui concerne la quête du bonheur, de la sagesse…
Dieu est ce qui est ! Ni matérialiste au sens de Lucrèce à Marx, ni l'idéalisme de Platon à Hegel, mais un dieu réunissant esprit et matière, un tout qui s'impose. Conception qui a touché, entre autres, Einstein qui disait croire au dieu de Spinoza qui se révèle dans l'harmonie de tout ce qui existe, mais non en un dieu qui se préoccuperait du destin et des actes des humains.
Spinoza pense que la vanité et le désir « non orienté par la raison » nous empêchent d'atteindre le bonheur et l'harmonie. Il s'agit de percevoir dans une vision d'ensemble que tout fait partie de la nature pour former un grand tout. Ainsi nous connaîtrons la paix de l'esprit. Plutôt intéressante comme conception alors que le grand tout de la nature est mis en péril par la vanité et l'intérêt de quelques-uns qui imposent le profit comme seul système mondialisé.
Début du Traité théologico-politique : « ne pas se moquer, ne pas se lamenter, ne pas détester, mais comprendre » Spinoza écrit ceci au XVIIe siècle !
Il met en avant le désir pour combattre les pulsions et les passions tristes… Il faut choisir ses rencontres, ses expériences autant que possible afin de s'élever vers l'accomplissement de soi et vers le bonheur de vivre pleinement sa vie. L'amour augmente notre capacité d'agir et notre joie. La haine diminue notre capacité d'agir et augmente notre tristesse.
Mais il est plus facile d'obéir que de penser par soi-même, en cela la religion est d'accès plus facile au plus grand nombre et un instrument pratique aux puissants pour le rester.
La foi et la raison sont d'ordre différent et en cela il a développé une théorie qui ouvre les portes à la séparation de l'Église et de l'État. Sa philosophie permet d'imaginer un autre ordre du monde construit sur ici et maintenant, sur une organisation sociale et économique permettant la réalisation de chacun et de tous.

En seulement 20 ans de réflexion philosophique à partir de son bannissement, c'est une oeuvre révolutionnaire pour son époque (voire pour la nôtre) que Spinoza a construite.
En plein siècle d'inquisition, il est le héros qui ouvre la porte à la modernité des lumières.
Frédéric Lenoir, qui avait envoyé son manuscrit à Robert Misrahi, nous donne en postface la réponse de ce grand spécialiste de Spinoza ainsi que l'échange de lettres qui a suivi. C'est très intéressant. En gros Robert Misrahi pense que Spinoza proposait un « athéisme poli » ou « athéisme masqué » par méfiance envers sa communauté qui n'était pas prête à accepter ses positions radicale pour l'époque (ça, on a bien vu les conséquences possibles !). Frédéric Lenoir propose, pour sa part, « de parler de « panthéisme » pour qualifier la conception d'un dieu identifié à la nature. Débat que je trouve un peu vain car on comprend que Misrahi et Lenoir partage en fait les mêmes valeurs et une éthique identique. Débat qui montre aussi les limites d'un texte, quel qu'il soit, car sujet à diverses interprétations. On peut aussi se faire sa propre idée en lisant les oeuvres de Spinoza après avoir eu ces quelques clés de l'oeuvre.
Merci à Frédéric Lenoir de nous le fait découvrir de façon aussi abordable, lui qui décrit ainsi, l'Ethique, l'oeuvre majeure de Spinoza : « La construction de l'Ethique, avec son appareil d'axiomes, de définitions, de propositions, de démonstrations, de corollaires et de scolies, est complexe et rend sa lecture ardue, mais ses autres ouvrages sont rédigés de manière plus fluide et accessible. »
Un livre qui a toute sa place dans "les essentiels" de ce blog, un livre pouvant, à mon avis, aider à mieux vivre si l'on s'inspire de la pensée de ce grand philosophe.

A retrouver avec les articles de mes livres essentiels sur le site "clesbibliofeel" ou "bibliofeel"

Lien : https://clesbibliofeel.blog/
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