Citations sur L'Ultime Secret de Frida K. (30)
En découvrant l’image de la Santa Muerte vêtue d’une tunique blanche, tenant dans la main droite une faux et dans la gauche un globe terrestre, Daniela perdit toute envie de rire. Cette figure macabre, presque parodique, provoqua en elle un sentiment de malaise. Elle rendit la photo à Vargas qui regarda Daniela d’un air amusé avant de poursuivre :
— Tu sais ce qu’on dit d’elle ? lui demanda-t-il en se carrant dans son fauteuil.
— Je t’écoute.
— Qu’elle est très rancunière, et qu’il faut lui obéir pour éviter qu’elle ne se fâche.
— Ne t’en fais pas. Ce n’est pas une femme en robe de mariée qui va me faire peur. Je n’ai jamais eu de problèmes avec les femmes moi, seulement avec les hommes.
Vargas ne put s’empêcher de glousser. Il aimait cette détermination chez Daniela, le meilleur élément de toute l’agence. C’était ce qui la différenciait des autres. Certes, elle avait eu un moment de faiblesse récemment, mais quelle importance ? Dans ce bas monde, personne ne pouvait échapper à une tache d’huile, une sortie de route était inévitable ; ce qui comptait, c’était de se rétablir, et c’est ce qu’elle avait fait. Elle seule pouvait retrouver le tableau volé.
Quand son chef lui annonça qu’elle devait partir à Mexico, Daniela fit la grimace. Ce pays ne lui avait laissé que des mauvais souvenirs. Trois ans auparavant, elle y avait vécu une histoire d’amour – s’il s’agissait bien d’amour – dont les blessures étaient encore vives. Au point qu’elle détestait désormais les plats relevés, avait jeté à la poubelle tous les boléros de Luis Miguel, et pris, à la suite de cette calamiteuse aventure, un congé d’un mois pour la première fois de sa vie. Après Marcelo, elle avait été incapable de retomber amoureuse et elle ressentait toujours un pincement au cœur en voyant à la télévision des images de la capitale mexicaine. La cicatrice brûlait encore… Et maintenant son chef, Vargas, lui demandait de prendre le premier avion pour cette ville où elle avait été si heureuse et si désespérée.
« Ils ont tué la Niña Blanca, ils ont tué la Niña Blanca », crie une vieille femme affolée, hors d’elle. Machuca l’écoute, stupéfait. Il mesure l’ampleur du problème. N’importe quel crime aurait été préférable à cette profanation. Que Dieu soit mêlé à l’affaire ou pas, il s’en fiche complètement.
Tout s’est déroulé très vite alors que « l’Évêque » faisait l’amour avec Zoila. Il ne reste plus rien du squelette totalement pulvérisé comme si un troupeau de rhinocéros lui était passé dessus. Débris d’ossements et lambeaux de tunique se mêlent au milieu d’une masse blanchâtre formée par la cire des bougies écrasées. Sur l’autel, la statue de la Santa Muerte n’est plus qu’un misérable tas de poussière.
Il s'agit d'un culte récent très répandu au Mexique, en particulier dans les classes populaires. On l'appelle aussi la "Vierge des oubliés", ou la "Vierge des délinquants". Elle est souvent représentée par un squelette habillé d'une robe de mariée. (p.23)
Un conseil, ajouta-t-elle, il y a toujours eu dans cette ville des faits inexplicables, des morts mystérieuses. Alors ne perdez pas votre temps. Vous n'êtes pas Sherlock Holmes.
Ils pensaient que j'étais une surréaliste, mais je ne l'étais pas. Je n'ai jamais peint de rêves, j'ai peint ma réalité.
Dites-vous qu'à Mexico les seuls qui ne s'inquiètent pas pour leur vie, ce sont les morts.
Pourtant, ici, à Mexico, la première chose qu'on apprend, c'est à considérer la mort comme un membre de la famille. Et pas n'importe lequel. Le plus distingué. Il y a une blague chez nous qui dit: "Quel veinard! On a tiré trois balles sur lui, et une seule l'a tué."
Paris aussi avait été une erreur. Tous ces surréalistes n'étaient qu'un ramassis de lunatiques crasseux, à commencer par Breton. Elle les détestait plus encore que les gringos. L'Europe était une merde. ça ne l'étonnait pas que Hitler et Mussolini y progressent avec leurs idées.
Frida se souvenait aussi de la façon dont les Français avaient traité les réfugiés espagnols. On disait qu'ils les avaient enfermés dans des camps de concentration où ils croupissaient dans des conditions terribles. Et que parfois des gens fortunés allaient les voir dans leurs voitures luxueuses et leur jetaient des pièces à travers les barbelés pour les prendre en photo, agenouillés par terre. Mais ils n'y parvinrent jamais. Les républicains avaient perdu la guerre, pas leur dignité.