— Est-ce que, une seconde, tu crois sérieusement pouvoir te moquer de moi ?
Le grondement de la voix résonnait plus fort, chargée à présent d’une colère sourde, d’une tonalité métallique qui ne demandait qu’à exploser.
En vain le petit garçon aurait-il essayé d’accrocher son regard clair à celui de l’un de ses camarades. Immobiles, les autres élèves s’efforçaient de faire oublier leur présence, tout entiers occupés à se rendre transparents. Un silence lourd écrasait la salle.
Les bruits parvenaient assourdis depuis l’extérieur - un klaxon de voiture, le ronflement des moteurs qui démarraient au feu vert, un éclat de voix, un rire.
Tout resta en suspens un instant.
- Gabriel !
La voix grave de Tête de mort claqua, amplifiée par l'écho de la vaste salle de classe
- Tu te moques de moi ?
L'appel de son prénom avait fait sursauter le petit garçon blond aux yeux bleus tapi au dernier rang, la tête penchée, presque posée sur son pupitre.
J'ai tué quelqu'un parce qu'on m'a mis là et on m'a mis là parce que Byron m'a trahi et que, à cause de cette trahison, j'ai tué ma femme, la personne que j'aimais le plus au monde. Vous pouvez comprendre ça ? Je n'étais même pas à l'enterrement de ma femme. On m'a tout volé. La dernière image que je garde d'elle, c'est son visage endormi dans notre lit, et je ne suis pas sûr qu'à ce moment-là elle était vraiment endormie. Le jour où ils l'ont enterrée, je suis resté seul dans ma cellule. Je priais pour que personne ne vienne me voir. Je suis devenu un sauvage.
— Gabriel !
La voix grave de Tête de mort claqua, amplifiée par l’écho de la vaste salle de classe.
— Tu te moques de moi ?
L’appel de son prénom avait fait sursauter le petit garçon blond aux yeux bleus tapi au dernier rang, la tête penchée, presque posée sur son pupitre. Arraché à la contemplation du paysage par la fenêtre, il se redressa d’un coup, comme mû par un ressort.
La question parut le tétaniser un peu plus. Il avala sa salive, immobile, son regard coulant autour de lui pour chercher de l’aide.
Les murs blancs décorés de quelques cartes austères lui apparaissaient désespérément lisses, plus froids encore qu’à l’accoutumée.
J'adore les idiomes. Connaître la manière dont chaque langue invente des images différentes pour dire la même chose, ça en dit très long sur l'outillage mental des peuples.
Et la seule voie de rédemption que je pouvais imaginer aujourd'hui passait par un petit garçon que sa volonté avait mis sur mon chemin. Très fort, Byron. Très très fort.